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Un siècle de leçons d’histoire. L’histoire enseignée au lycée, 1870-1970

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Ou de la difficulté de rénover la pédagogie au lycée, et pas seulement celle de l’histoire. Rapport au ministre de deux universitaires après 1870 : l’enseignement de l’histoire dans les collèges est  » au-dessous du médiocre, et les résultats trop souvent voisins du néant « , dans les lycées il ne répond pas  » d’une manière satisfaisante par les connaissances acquises, ni à la science des professeurs, ni aux dépenses faites pour l’instruction publique  » (p. 60), déjà le niveau baisse !

L’histoire des pratiques est retracée à travers les cahiers d’élèves, les rapports d’inspection, les bulletins de la Société des professeurs d’histoire, et nos Cahiers pédagogiques [[Nos Cahiers pédagogiques, dont le rôle est souvent évoqué, n’ont pas été fondés en 1946 par l’ANECNES, ils sont avec Goblot à l’origine de cette association, p. 297. On regrette l’absence d’index.]]. Des Instructions officielles ont beau prôner la  » maïeutique collective  » et certains professeurs, comme Louis François, futur inspecteur général, pratiquer  » le transfert des méthodes des mouvements extra-scolaires à la classe, visant à stimuler le travail collectif « , le cours résiste, et même,  » en consacrant ceux qui, par le cours magistral, se sont révélés les plus talentueux de ses maîtres, l’institution élève au rang de canon ce type d’enseignement fondé sur les qualités et la personnalité du professeur  » (p. 174). L’augmentation des horaires renforce même son poids, tandis que la revendication d’une épreuve écrite au baccalauréat renforce le rôle de la mémoire. Qu’en est-il aujourd’hui !

Mais  » la corporation est portée à développer davantage un discours en termes de complot contre la discipline qui a pour but de légitimer une attitude défensive qu’un débat sur l’enseignement historique, lequel n’est guère souhaité que par des francs-tireurs  » (p. 225).

Et  » en défendant la dignité de l’enseignement historique et géographique à travers le statut de leurs disciplines au baccalauréat bon nombre de professeurs défendent leur propre prestige  » (p. 232) ; le même raisonnement se lira en 1983 dans le rapport de René Girault (cf. Cahiers 222).

La Libération pouvait être un autre temps de rénovation, symbolisé par les classes nouvelles et les Cahiers pédagogiques. Mais l’inspection générale insiste sur le programme et freine ce qui pourrait amener une dilution de l’histoire, la Société des professeurs d’histoire s’accroche à la continuité historique et freine l’introduction de l’histoire des civilisations et l’allégement des programmes que défend le ministère. Si vers la fin des années 1950 l’inspection prône le travail sur documents,  » instrument d’une pédagogie active « , c’est aussi pour sauvegarder  » la réputation (et) même – dans une large mesure – l’existence d’une des disciplines les plus formatrices pour la jeunesse de notre pays « , dit l’IG Troux, ancien président de la Société (p. 333). Et, par la prégnance du cours,  » la pédagogie du document va se glisser dans le cadre de l’enseignement au lieu de devenir, comme elle devait l’être selon l’esprit initial, l’instrument d’un apprentissage conduit activement par l’élève  » (p. 340).

D’où un décalage de l’enseignement par rapport à la recherche historique, l’histoire des Annales et son ouverture sur les disciplines voisines – ce n’est pas que dans les Cahiers pédagogiques que l’on parle d’interdisciplinarité ! Les professeurs se préoccupent peu d’accorder leur enseignement avec les mutations,  » comme si la question des contenus d’enseignement n’avait jamais été posée en termes d’enjeux sociaux  » (p. 366). Dans le débat qui s’ouvre vers 1968, avec notamment Suzanne Citron, sur un  » aggiornamento de l’histoire et de la géographie « , la recomposition de la discipline et même la simple possibilité d’une liste limitative de sujets au baccalauréat, où certains voient un  » sabotage par elles-mêmes des deux disciplines  » (p. 382), sont loin de faire l’unanimité.

Lavisse avait imposé l’idée d’une formation pédagogique des professeurs, mais l’arrêté de 1904 ne fixe ni la durée ni les contenus du stage d’agrégation, et  » entérine donc le fait qu’un niveau de formation professionnelle n’est pas nécessaire pour être recruté comme enseignant du secondaire et que la meilleure initiation au métier, pour ceux qui ne sont pas  » nés  » professeurs, réside dans l’imprégnation par le milieu  » (p. 242). Et, dit un inspecteur d’académie en 1900,  » il y a dans le personnel de l’enseignement secondaire une sorte de crainte, de dédain, presque de mépris à l’égard de la pédagogie  » (p. 258). Dix ans après, Albert Mathiez :  » Guérissons-nous de cette pédagogie qui a fait dans l’enseignement les mêmes ravages que sa sur, la démagogie dans la politique  » (p. 260) : comme quoi un futur grand historien de la Révolution

Évelyne Héry n’est pas tendre pour les spécialistes qui,  » en raison des représentations qu’ils avaient du savoir et de leur métier, ont freiné l’évolution et utilisé la liberté pédagogique que leur laissait l’institution au profit des formes traditionnelles de l’enseignement qui leur paraissaient des garanties d’excellence  » (p. 407). On aimerait que son regard se porte sur les trente dernières années, où elle admet que  » l’innovation a percé, bourgeon par bourgeon.

Les méthodes pédagogiques se sont diversifiées « , et que cela permet à tous les élèves d’accéder à une histoire  » école de sympathie à l’égard de ceux qui ont été et sont différents d’eux-mêmes  » (p. 409).

Jacques George


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