|
L’auteur, psychologue clinicienne, écrit ici un livre de psychopédagogie, à lire comme tel et non comme un « manuel » qui expliquerait comment transformer les pratiques des enseignants démunis devant l’échec scolaire. Les concepts utilisés sont souvent ceux de la psychanalyse, il faut le temps de se les approprier. Ce cadre posé, la lecture du livre n’en est pas moins enrichissante pour les enseignants, dans la lignée des travaux de Serge Boimare, Francis Imbert ou Mireille Cifali. Il s’agit toujours de nous laisser interroger par l’échec de certains élèves pour prendre conscience que l’apprendre se joue dans un espace conflictuel, entre la résistance à ce qui ne vient pas de nous et le désir d’exister parmi les autres. Que ce conflit prenne, pour certains, des formes aiguës ne signifie pas pour autant, dit l’auteur, qu’il faille en renvoyer la résolution à d’autres espaces ; c’est dans le champ scolaire, dans les modes d¹échange pédagogiques qu’un autre rapport à l¹apprentissage pourra surgir. Favoriser la position de recherche, aider l’élève à prendre conscience de ses représentations, pratiquer des démarches métacognitives, autant de points de repère que peut utiliser l’enseignant pour proposer à l’élève un « entre-deux », un espace qui l’aide à passer de l’enfermement dans le vécu subjectif à la réalité partagée.
Finalement, des deux verbes présents dans le titre, c’est surtout le premier qui est développé et approfondi au long de cet ouvrage. La réflexion proposée nous touche profondément parce qu’elle nous oblige à penser et à traiter, dans la mesure de nos moyens, la réalité quotidienne du non-apprendre que toutes nos stratégies visent à tenir en lisière de notre perception.
Florence Castincaud
le 8 juin 2002Cet ouvrage est le résultat d’une étude sociologique faite en 1998-1999 dans trois collèges réputés « difficiles » après entretien avec une trentaine d’élèves de 6e en début et en fin d’année scolaire.
Ces « enfants » du primaire devront rapidement s’adapter et apprivoiser un nouveau milieu qui va les faire accéder au statut d’élève et d’adolescent. Nous allons percevoir le collège à travers le regard des élèves, comme un monde très réglementé, rationalisé, avec un personnel qui va changer les relations adultes-enfants. Les difficultés naîtront le plus souvent dans l’opposition entre l’attitude scolaire face au travail demandé (qui manque parfois de consigne claire), et l’attitude juvénile qui entraîne le groupe (plus encore que l’individu) vers une réaction plus ou moins violente face au règlement. Le jeune collégien est tiraillé entre les plaisirs de l’enfance (les jeux l’affectif) et la construction de sa personnalité adolescente avec une pression souvent forte du « groupe ».
L’analyse sociologique de ces jeunes collégiens met en évidence leurs difficultés à trouver un équilibre entre intégration scolaire et sociabilité juvénile. Ils vont se répartir en quatre catégories : Les « bons élèves » en équilibre entre sociabilité juvénile et intégration scolaire.
Les « intellos » qui ne sont que scolaires.
Les « frimeurs » chez qui domine la sociabilité et qui se mettent en marge du système éducatif.
Les « frontaliers » qui ont mis une cloison étanche entre le monde scolaire et l’extérieur.
L’organisation des établissements semble souvent manquer de transparence et de cohérence, ce qui génère de l’incompréhension. Pourtant le collège apparaît comme le lieu privilégié de l’apprentissage de la socialisation et de l’individualisation du jeune qui va devoir se construire en arrivant à se distancier par rapport aux règles de ce nouveau lieu de vie bien différent de la cité voisine.
Finalement cette description de l’entrée en collège n’est qu’une analyse indispensable aux adultes qui gèrent souvent « à l’instinct » leurs difficultés face aux collégiens. À eux maintenant de trouver des solutions pour rendre ce cadre de construction de l’élève vivable.
Thérèse Michaëly
Adelie Miguel Sierra : Quelle éducation pour quel développement ?
Annie Simon : Éducation : environnement contre développement ?
Antipodes : L’humanitaire et l’éducatif
Emmanuel Charles : Sept propositions concrètes
Michel Gervais : Quatre problèmes pédagogiques
Pascal Blanchard : De l’histoire à l’enseignement de l’histoire
Alain le Sann : Apprendre du Sud
Martine Ledoit : Qu’en pensent les écoliers ?
Willy Lavastre, Sandrine Chastang : Cesser de véhiculer des clichés !
Maurice Piferrer : « Duodékri » : l’écriture partagée
Séverine Louat : Les copains de Boussou
Sandrine Chastang : Percussion migratrice
Béatrice Chemin : L’Afrique à la crèche
Sandrine Chastang : Pari osé
Kuntala Lahiri-Dutt : Petit conte indien
Martine Ledoit : Peut mieux faire !
Claire Tauty : Notre système de formation en question
Entretien avec Michelle Favrega : L’école ne peut pas tout faire
Entretien avec Roland Biache : Comment mieux vivre ensemble ?
Artisans du monde : Éducation ou promotion ?
Geneviève Larguier : Deux exemples d’activités au collège
Pascale Argod : Un enjeu pour le CDI
Guillaume Duval : Une gageure pédagogique
Les lieux de ressource et des documents pour l’éducation au développement
Alain Decron : Une course à étapes
Estelle Martin et Anne Divry : Devenir auteur ?
Sandrine Landric, Virginie Ravachol, Emilie Nicolas et Fabien Mettay : Avec des peintures, avec des musiques
Sophie Batlle, Brigitte Delmas et Myriam Poinsot : Transformer un texte narratif en un écrit dramatique
Olivier Rigaud et Nathalie Crayssac : Élèves auteurs et enseignants lecteurs
Dominique Bucheton : Pour remettre le texte en travail
Quelques extraits de témoignages qui nous sont parvenus et qui donnent un écho de la manière dont les événements électoraux ont été perçus, vécus et commentés dans les établissements scolaires d’ici et d’ailleurs...
le 2 juin 2002Les mathématiques, discipline de sélection qui faisait « la loi » dans l’orientation, seraient-elles en danger ? Oui, sans conteste pour l’APMEP [1] qui s’alarme : « La crise de l’enseignement des mathématiques est bien réelle. Des générations de jeunes sont ainsi sacrifiées et l’avenir scientifique du pays est peut-être compromis... » [2]. C’est aussi les raisons pour lesquelles cette association développe de plus en plus des positions défensives sur les horaires...
le 2 juin 2002Lundi 22 avril, 14 heures 30, dans un lycée de province. L’alerte incendie, accueillie d’ordinaire avec flegme par les élèves, provoque une inhabituelle agitation : Il y a une manif de prévue, c’est le signal, m’explique-t-on.
Devant ma classe quasi désertée, ma première réaction est la désapprobation. Mal remise de ma déception et de ma colère devant le lamentable résultat de la veille, j’en veux au monde entier et comprends mal que les élèves puissent manifester contre le résultat d’une consultation électorale, parfaitement légitime à défaut d’être réjouissant, preuve une fois de plus de leur manque de réflexion critique et de leur ignorance crasse de ce qu’est la démocratie ! Heureusement, très vite, je me rappelle que c’est justement mon boulot de faire en sorte qu’ils l’acquièrent ce fameux sens critique, et qu’en matière de démocratie, j’en connaissais sûrement moins qu’eux lorsque j’avais leur âge...
Ils réagissent, ils manifestent, ils disent leur désaccord : je pressens vaguement que ce non est adressé autant au Front national et à son idéologie, qu’à moi, à nous, à ce que nous prétendons incarner - le monde des adultes responsables, ayant le sens de leur engagement citoyen, intéressés par le politique, vigilants sur les valeurs fondatrices de la République et qui, au bout du compte, avons permis à un homme d’extrême-droite d’incarner un choix politique possible pour notre pays. Je repense au sentiment de vide qui a suivi l’annonce des résultats, à ces mots de « honte » ou de « regrets » trop souvent entendus à la télé ou dans la rue, à tous ces adultes désarçonnés, « assommés » comme le titraient les journaux ce matin-là, et je regarde d’un œil nouveau mes élèves, leur capacité à dire, à désirer autre chose...
Je n’oublie pas cependant que j’exerce dans un lycée d’enseignement général du centre ville. Ces élèves sont pour la plupart socialement privilégiés et cela explique en partie l’ampleur de leur mobilisation, ce qui n’ôte rien à la générosité de leur engagement. Mais qu’en est-il des autres ? Ceux dont les parents ont voté pour le FN, ceux qui, majeurs, ont voté eux-mêmes FN, ceux qui ne manifestent pas avec les lycéens parce qu’ils ne sont pas lycéens ? Parmi ceux-là, sans doute y en a-t-il certains qui n’ont pas trouvé à l’école l’écoute et le respect promis par les discours, d’autres pour qui le savoir, la connaissance sont devenus synonymes d’échec, de rejet... Il ne s’agit en aucun cas de réduire de façon simpliste le vote des jeunes pour le FN à ces seuls facteurs ; au-delà de l’École et sans doute plus prégnante, « l‘horreur économique » joue sa partition, sans compter les mutations rapides de nos sociétés modernes qui renforcent l’individu dans son isolement, sa solitude. Comme l’écrit justement J.-C. Kaufmann [3] : « La France (comme tous les autres pays développés) se coupe en deux. Non plus socialement comme autrefois, mais culturellement et irrémédiablement. D’un côté, les modernes, culturellement nantis, ouverts à tous les nouveaux questionnements passionnants de l’époque. De l’autre, la souffrance honteuse de tous ceux qui ne comprennent rien à ce tohu-bohu, le repli silencieux au fond des petits pavillons à quatre sous. »
Tout cela est à prendre en compte, mais pour nous, enseignants, il convient de ne pas négliger ce qui est de notre responsabilité : faire vivre dans l’école les valeurs que nous proclamons. P. Meirieu le rappelle : « Aussi bien faits soient-ils, les cours d’instruction civique n’ont guère d’impact dans une école où l’on apprend à réussir contre les autres et non avec eux. Dans une école qui classe les individus dans des cases au lieu de faire alliance avec eux pour les aider à surmonter toute sorte de fatalité. Dans une école où la réussite est donnée à ceux qui évitent le moindre risque. Et s’abstiennent... de tout commentaire. »
Dans cette perspective, sans doute faudra-t-il se garder de retomber dans des discours convenus, être plus vigilant et rigoureux. Parler de « réaction citoyenne » par exemple, pour évoquer les manifestations, c’est laisser entendre que cinq millions et demi de personnes n’ont pas fait un vote « citoyen », c’est exclure de la cité ceux qui en ont pourtant respecté les règles, même si nous pensons qu’ils n’en ont pas compris les valeurs... Mots qui jugent, mots qui excluent, mots qui ne peuvent pas convaincre.
À nous d’en inventer de nouveaux !
Marie-Christine Chycki
le 2 juin 2002Les débats qui ont animé la période électorale et qui se sont conclus, au premier tour, par une spectaculaire abstention de vote, pour ne pas parler des choix nationalistes et explicitement xénophobes, témoignent vraisemblablement du fait que la plupart des discours prennent en compte cette réalité selon laquelle les problèmes de la Nation se posent désormais, de toute façon, à l’échelle de la planète, ou au moins de l’Europe, et que cet horizon nous dépasse.
On verra dans ce dossier que ce point de vue globalisant ne date pas d’aujourd’hui, puisqu’après la période caritative des années cinquante, le Nord prend peu à peu la mesure de ses responsabilités pour, actuellement, s’englober dans la crise du développement et prendre conscience, comme Edgar Morin l’a écrit récemment dans le journal Le Monde [4], que tous les hommes sont citoyens d’une « Terre-Patrie » qu’il faut organiser de façon respectueuse, responsable et équitable.
Cette tension entre, d’une part, la conception d’un « développement humanitaire » condescendant, pensé à partir de nos schémas de pensée occidentaux et de la pérennité supposée de nos ressources, et, d’autre part, la conception d’un développement durable global acceptant le risque des remises en questions, traverse tout ce dossier. Plusieurs analyses, émanant notamment de quelques associations, et de nombreux récits d’expérience en sont le témoignage.
Face à cela, les jeunes se font de leur univers une représentation façonnée par les innombrables sollicitations à consommer qui transforment le monde en marchandise. Les derniers clips se mêlent alors aux vieux clichés et le discours de l’école semble largement supplanté par les médias omniprésents. On le verra à travers quelques témoignages et dans deux enquêtes réalisées auprès d’enfants et d’étudiants.
Or, dans son article, Edgar Morin précisait que « l’éducation disciplinaire du monde développé apporte bien des connaissances, mais elle détermine une incapacité intellectuelle de reconnaître les problèmes fondamentaux globaux »...
Aussi, la place la plus importante a été réservée dans ce dossier à la manière dont l’école prend en compte le problème de l’éducation au développement durable. Ainsi, on verra que : De nombreux enseignants sont à l’initiative de projets qu’ils mènent le plus souvent en partenariat avec des associations.
Les disciplines elles-mêmes, et en particulier l’histoire et la géographie, sont interpellées dans leurs fondements épistémologiques.
L’institution scolaire a progressivement fait entrer dans ses propositions d’actions éducatives et dans ses programmes des questions qui ont trait aux questions du développement global et à la solidarité internationale. Mais il semble que beaucoup reste à faire. Il faut noter cependant l’effort tout particulier qu’a entrepris l’enseignement agricole dans ce domaine.
Enfin, l’école, qui, malgré ses efforts de rénovation, continue à reposer sur les principes du cloisonnement disciplinaire et de l’autorité magistrale ne pourra faire face au défi dont Sandrine Chastang se fait écho dans son introduction sans se poser la question de l’apprentissage actif d’un savoir décloisonné.
C’est la raison pour laquelle ce dossier nous paraît particulièrement important et que le fait d’en avoir confié la coordination à Sandrine Chastang, permanente à l’association RITIMO [5], prend tout son sens.
Pierre Madiot ,Rédacteur en chef des Cahiers pédagogiques ).
pagesprevious page | 1 | ... | 1273 | 1274 | 1275 | 1276 | 1277 | 1278 | 1279 | 1280 | 1281 | ... | 1331 | next page