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S’approprier le questionnement historique avec des vidéos documentaires

Fin du mois de mai au lycée Louise-Michel de Champigny-sur-Marne. Rendez-vous est donné à la médiathèque. Des élèves de 2nde ont préparé avec leur professeure d’histoire, Marie Demail, des mini-exposés à partir de la série documentaire « Quand l’Histoire fait dates » diffusée au printemps sur Arte.

Le projet de Marie Demail, mené en partenariat avec la plateforme Educ’ARTE, permet aux élèves de se questionner autrement et d’adopter une démarche d’appropriation active des notions au programme, à partir de la série documentaire historique « Quand l’Histoire fait dates » diffusée sur la chaine au printemps 2018. Le service Educ’ARTE met en effet à disposition des enseignants et des élèves une importante sélection de documentaires et magazines de la chaîne franco-allemande. Le lycée Louise-Michel y est abonné, mais peu d’enseignants utilisent toutes ses potentialités, et la plupart ne s’en sert souvent que comme une plateforme de visionnage. Marie Demail a été l’une des premières à expérimenter une utilisation « active » de la série « Quand l’Histoire fait dates ».

Pour cela, elle a été accompagnée par le service pédagogique d’Educ’ARTE et la classe a la chance de recevoir Patrick Boucheron. Cet après-midi est donc spécial pour ces lycéens, car ils vont présenter leur travail devant l’historien médiéviste et professeur au Collège de France. C’est lui qui a supervisé et qui incarne cette série documentaire construite autour de dix dates qui ont marqué l’histoire.

Des séquences vidéos personnalisées

En amont, les élèves ont visionné deux des épisodes de la série : « 1492 – Un nouveau monde » et « 1347 – La peste noire ». Ils devaient en extraire un passage durant entre une à trois minutes, grâce à l’outil de découpe de vidéos proposé par la plateforme Educ’ARTE. Ensuite, ils devaient mener des recherches documentaires et les inclure dans des fenêtres dans leurs extraits vidéos, soit sous forme de textes, soit sous forme d’images. Enfin, à partir de leurs recherches, il leur fallait montrer en quoi la problématique qu’ils avaient choisie était pertinente. Pour finir, et dans l’optique de la présence de Patrick Boucheron, préparer une ou deux questions à lui poser. Chaque élève dispose d’un accès au service et l’enseignante d’un compte pour sa classe dans lequel les élèves ont pu télécharger leur propre séquence vidéo.

Ainsi, par groupes de trois, ces élèves présentent leur travail devant leur enseignante, leurs camarades, Patrick Boucheron, leur professeur de français, Louise Andrieu d’Educ’ARTE et moi-même. La tension est palpable.

Le premier groupe a choisi la Peste noire : la vidéo commence, évoque les sculptures de transis au Moyen Age, et s’arrête pour laisser apparaitre une fenêtre contenant du texte : on voit cette jeune élève, concentrée sur ses notes, donner la définition d’un transi, sculpture qui figure le défunt dans sa réalité de cadavre et non plus dans la béatitude du gisant. La vidéo reprend et développe maintenant le thème de la danse macabre.

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A l’arrêt de la vidéo, la deuxième élève du groupe développe une définition de cette danse. La parole des élèves vient s’insérer dans le discours de l’historien : par cette insertion de leur discours dans l’analyse proposée par le documentaire, on voit que le travail des lycéens n’est pas simple juxtaposition, mais vient compléter et enrichir une démarche de questionnement et d’approfondissement personnelle, puisque ce sont eux qui ont choisi où arrêter le documentaire et quels concepts approfondir. La troisième élève propose une définition de la « Faucheuse ». La question du groupe porte sur la problématiques de la conservation : fresques, gisants, transis – et la question des sources historiques.

Discussion avec un historien

Patrick Boucheron en profite pour détailler et approfondir : « On a très peu de peintures. C’est très curieux, la peste est très peu représentée. Ce sont toujours les mêmes images que l’on voit, dans vos manuels scolaires, à la télévision. Ce n’est pas seulement parce que les images ont disparu, c’est peut-être aussi parce qu’il n’y en a pas eu beaucoup. Parce que c’est inimaginable… »

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Ensuite, il relance la réflexion des lycéens : «Dans certaines villes c’est 60 % de la population qui meurt en un été, c’est à dire deux personnes sur trois. Je ne sais pas, comptez-vous, regardez ! […] Or ces gens-là sont comme nous […] il faut se demander qu’est-ce que cela nous ferait à nous ? »

« Il y a eu des conséquences surprenantes. Il n’y a pas eu que des pauvres qui sont morts, mais quand même majoritairement [… ] À votre avis qu’est ce qui s’est passé du point de vue du travail et des salaires ? […] Ceux qui ont survécu se sont enrichi, car les salaires ont explosé. Pourquoi cela n’a pas tout changé ? Pourquoi à la fin la société se reconstruit à l’identique ? À la fois ça a tout changé et ça n’a rien changé.» Il fait un parallèle sur les conséquences des catastrophes, avec Pompéi, qui n‘a rien changé dans le monde romain, et Hiroshima, pour lequel il y a eu un avant et un après l’utilisation de la bombe atomique.

Une fois tous les groupes d’élèves passés, on remarque que beaucoup ont travaillé sur des problématiques communes, sans s’être consultés auparavant. Se dégagent des axes qui ont particulièrement intéressé les élèves : la propagation des maladies et la question du bouc émissaire (et notamment des Juifs).

Qu’en disent les élèves ?

Interrogé, un élève raconte la méthode suivie pour choisir le thème de travail : « On a regardé l’intégralité des deux épisodes avec Mme Demail en classe. Elle nous a laissé le choix. Il fallait qu’on se mette en groupe, et après il a fallu qu’on voit s’il n’y avait pas d’autres groupes qui avaient choisi le même sujet. Et il fallait qu’il y ait à peu près le même nombre de groupes sur chaque documentaire. »

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Sur le choix de l’extrait à travailler, le même élève explique : « C’est plus des questions qu’on s’est posé sur le coup en fait. On hésitait entre deux sujets, on ne savait pas lequel choisir. Alors comme on se posait beaucoup de questions on a choisi celui qui titillait le plus notre curiosité : les recherches préscientifiques. »

L’outil ne semble « pas très compliqué » aux élèves, « mais parfois on a eu du mail à insérer les images car elles ne rentraient pas. L’intégration des fenêtres pop-up avec les définitions, c’est nous qui l’avons faite. C’est dans l’outil. »

A l’issue de ce dense après-midi, on se dit qu’il existe une autre voie que la transmission et l’étude de documents pour l’enseignement de l’histoire. Ces élèves, malgré leurs tâtonnements et leurs approximations, ont fait preuve d’un véritable questionnement qui montre une appropriation réelle des sujets qu’ils ont traité – démarche saluée par Patrick Boucheron, qui y a reconnu les prémices d’un travail d’historien.

Laurence Cohen

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