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Quand la réforme du baccalauréat questionne les missions du chef d’établissement

«Le bac est trop lourd… C’est une usine à gaz… Les épreuves facultatives s’y additionnent aux épreuves optionnelles qui se superposent aux épreuves communes qui, elles-mêmes…»
L‘opinion publique comme les personnels de l’Éducation nationale sont enfin persuadés de la nécessaire réforme du baccalauréat. Le ministère de l’Éducation nationale s’en empare donc, et en profite, chemin faisant, pour modifier le lycée, afin que l’un soit en adéquation avec l’autre.

Une consultation menée par Pierre Mathiot est installée au pas de course. La mission rend son rapport qui porte des propositions novatrices (la formule mineures /majeures, la même restructuration pour les séries technologiques et les séries générales, la semestrialisation…) d’autres qui interpellent ou questionnent. Une semaine plus tard, le ministre énonce son projet qui reprend un certain nombre de points portés par le rapport Mathiot, d’autres sont en revanche totalement abandonnés. Les modalités sont tranchées, les choix posés et l’on passe directement à la phase de communication.

Les personnels de l’éducation, enseignants, personnels de direction, dans le même temps, court donc, doivent s’emparer de ces informations, les digérer et se projeter dans l’avenir. Or, comme tous les spécialistes de l’éducation le savent et le répètent depuis fort longtemps, le temps de l’éducation est un temps long qui n’est pas le temps du politique. De ce fait, chacun se retrouve à minima désorienté.

L’essentiel devra-t-il passer après ?

Essayons donc, en marge de cette émotion, de mesurer de façon pragmatique les effets potentiels sur les personnels de direction de la seule réforme du bac, en laissant de côté pour l’instant celle du lycée, dans son ensemble.

Certes, les épreuves finales sont fort réduites en nombre et en complexité. Mais d’une période courte où la majorité des épreuves étaient centralisées (de la mi-juin à la première semaine de juillet), on semble plonger dans deux années d’évaluation (correspondant au cycle terminal) où les lycées devront organiser et certifier différentes modalités d’évaluation, du contrôle continu tel qu’ils le connaissent à l’oral terminal, en passant par les épreuves communes.

En effet, durant l’année de Première, ce sont trois périodes d’épreuves qu’il faudra organiser : en janvier et avril pour des épreuves communes et en juin pour les épreuves anticipées de français. Et pour l’année de Terminale, trois autres périodes s’y superposeront : en décembre pour des épreuves communes, en avril/mai pour des épreuves de spécialité, et en juin pour l’épreuve de philosophie et l’oral terminal. Ainsi, dans les lycées, les personnels de direction auront comme tâche d’organiser les évaluations pour le baccalauréat de décembre à fin juin, soit sur un échelonnement sur sept mois (sur une année scolaire qui en compte dix) !

Des tâches chronophages

Ces modalités pratiques vont alourdir fortement les tâches des personnels de direction. Récupérer les banques de sujets nationales sécurisées, organiser la passation des épreuves, anonymiser les copies, organiser les corrections en toute impartialité fonctionnelle, s’organiser selon les zones géographiques et la grandeur du lycée en réseau d’établissements, harmoniser les résultats, rechercher les membres du jury pour l’oral terminal… autant de tâches complexes terriblement chronophages qui se feront au détriment des autres missions des personnels de direction.

A terme, les chefs d’établissement de lycée risquent de devenir de simples opérateurs ministériels sommés de mener à bien les différentes modalités évaluatrices du baccalauréat, de répondre précisément aux multiples enquêtes des nombreux services ministériels et académiques…

Quant au pilotage de leur établissement, à l’impulsion ou la facilitation de projets ou de dispositifs, au management des équipes, à la liaison avec ses différents acteurs, en un mot, à tout ce qui participe de la politique pédagogique, cela risque de passer après, voire peu à peu de se réduire, faute de temps et de priorisation. C’est un danger réel !

Dans le temps même où la question de l’autonomie des établissements est posée, les missions des personnels de direction ne peuvent se cantonner à de seules fonctionnalités fussent-elles complexes. L’autonomie ne peut se penser sans pilotage et donc sans pilote.

Françoise Sturbaut
Présidente d’Éducation & Devenir


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