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« L’école, un creuset unique pour la formation à l’écologie »

Qu’est-ce que « Enseignant.e.s pour la planète » (EPLP) ?

« Enseignant.e.s pour la planète » est un collectif d’acteurs éducatifs de différents horizons, de la maternelle jusqu’à l’université. Nous nous sommes rencontrés grâce au mouvement Extinction Rebellion. Il s’agit, face à l’urgence climatique mondiale, de provoquer un débat sur les finalités de l’école, la formation des enseignants et des cadres éducatifs. Il s’agit aussi d’assumer notre rôle d’éducateurs en tant qu’acteurs sociaux participants à un mouvement puissant, qui oblige les gouvernements à agir le plus rapidement possible.

La jeune suédoise Greta Thunberg nous interpelle : « Pourquoi apprendre si l’avenir est si compromis ? » Ce à quoi nous répondons : nous enseignons parce que l’avenir ne doit en aucun cas être compromis. Nous, éducateurs, sommes responsables de votre avenir intellectuel et social. Notre responsabilité et notre éthique nous dictent de réclamer des garanties pour votre futur et de vous préparer à prendre la relève du travail que nous commençons aujourd’hui. Nous avons longtemps enseigné le développement durable présumant qu’il suffit d’additionner les bonnes volontés pour que la situation soit sous contrôle. Force est de constater que ces efforts, aussi louables soient-ils, sont malheureusement insuffisants. Les gouvernements passés et présents ont-ils pleinement pris la mesure de la situation ?

Les dix-sept Objectifs de développement durable, adoptés par les États membres de l’ONU en 2015, montrent qu’une conscience globale émerge. Mais est-ce une garantie pour préserver les droits environnementaux des générations futures ? Nous en doutons. Par conséquent, nous avons pour cela lancé un « Appel des enseignants pour la planète » signé par plus de 4600 personnes. Nous voulons que cette journée du 15 mars, jour de mobilisation des jeunes pour la planète, soit également une journée de grève et d’action des enseignants, agents, personnel administratif… de la maternelle à l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un point de départ pour un engagement durable pour l’avenir de nos élèves.

Quelles actions peuvent mener les enseignants dans leur classe ou leur établissement ?

Nous rappelons que cette journée est une journée de grève et d’action. Tous les choix sont donc possibles, d’autant qu’un préavis de grève est déposé. Une majorité d’enseignants souhaite être dans les classes, dans les établissements, auprès des élèves. Sur le site du collectif, plusieurs modèles de courrier sont disponibles, en fonction de l’âge des élèves, expliquant les motifs et aspirations de cette action. Il est possible de dire à ses élèves que la situation écologique est très grave et que c’est pour cela qu’on se mobilise : nous ne sommes pas dans une posture idéologique mais partageons avec nos élèves les constats et consensus scientifiques. Sans alarmisme et dramatisation, mais avec méthode et rationalité.

Rappelons que les collègues qui choisiront de faire grève le 15 mars ne le feront pas pour des intérêts corporatistes, mais pour celui des générations futures, la première étant celle que nous avons aujourd’hui dans nos classes. En revanche, il n’est pas possible d’appeler ses élèves à la grève. Le droit de grève relève du Code du travail et non du Code de l’éducation. En tant que fonctionnaire éthique et responsable, il n’est pas possible de les inciter à déroger à l’obligation d’assiduité. Cela ne nous empêche pas d’avoir une action au niveau de nos classes et de notre établissement. Il est par exemple possible de demander au chef d’établissement de banaliser tout ou partie de la journée du 15 mars pour des actions de sensibilisation.

Le choix d’action dépend du niveau d’enseignement. En primaire, un travail de sensibilisation à la biodiversité ou d’initiation à la littératie climatique pourra être fait. La fondation La Main à la Pâte propose, par exemple, un projet transdisciplinaire sur le climat pour les élèves du cycle 3. Il existe également des textes, des poèmes et des chansons sur le thème de l’écologie adaptés aux plus jeunes. Quelle que soit la formule que l’enseignant choisira, il nous paraît important de ne pas agir seul, d’en parler avec les collègues, les représentants syndicaux, et la direction.

Enfin, nous rejoignons l’inquiétude exprimée par de nombreux climatologues quant à la place congrue réservée aux enjeux environnementaux dans les nouveaux programmes du lycée.

Des marches pour le climat… et après ?

Tous les mois depuis l’automne dernier, des marches sont organisées pour réclamer des gouvernants une action rapide, concrète et efficace. Cette journée du 15 mars nous paraît historique car elle est mondiale. Mais ne nous leurrons pas, les changements qui sont nécessaires devront obligatoirement impliquer des transformations systémiques, économiques politiques et sociaux. Aboutir à des consensus démocratiques et scientifiquement éclairés est un long processus.

L’école liant la formation citoyenne et la question écologique, devenue centrale, est le creuset unique pour former toute la génération anthropocène à cette fin. Il faut protéger notre environnement, certes, mais cela passera par la protection de la société et des individus. En ce sens, nous enseignants, œuvrons auprès des élèves mais pas uniquement. Les communautés éducatives sont des assemblées pour débattre de notre rôle et, pour citer le CRAP-Cahiers pédagogiques, pour réfléchir à « comment changer la société pour changer l’école et comment changer l’école pour changer la société » à l’aune des enjeux climatiques.

Nous avons d’ailleurs signé appelé à La Marche du siècle, marche citoyenne organisée en France par des organisations écologistes comme Alternatiba ou Greenpeace, le 16 mars, comme il y en aura des centaines dans le monde.

Il s’agit bien de dire : « Ça suffit ! »

Propos recueillis par Jean-Charles Léon


À lire également sur notre site :

« Depuis que nous faisons grève les jeudis, la question climatique est au centre du débat. », entretien avec Adélaïde Charlier

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