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Enseigner la transition écologique

Le ministère de l’Éducation nationale a publié à la rentrée 2019 une circulaire sur la transition écologique[[Circulaire n° 2019-121 du 27 aout 2019 « Transition écologique : nouvelle phase de généralisation de l’éducation au développement durable – EDD 2030 ».]]. On peut s’interroger sur deux mesures phares préconisées à cette occasion : la mise en place d’un projet pérenne en faveur de la préservation de la biodiversité dans chaque établissement et l’élection d’un écodélégué par classe, ayant pour mission la sensibilisation de ses camarades et l’identification des projets écocitoyens.

La première proposition questionne la forme scolaire, dans le sens où la possibilité de réaliser des projets en partenariat avec des acteurs du territoire, de faire de l’établissement « un lieu qui se doit d’être exemplaire en matière de protection de l’environnement[[Idem.]] » requiert de bousculer l’organisation de l’école et d’adapter dans une certaine mesure le curriculum aux caractéristiques locales. La seconde proposition, qui consacre l’engagement de quelques élèves isolés, interpelle sur la place dévolue à l’engagement écocitoyen au sein d’un parcours scolaire et le rôle de ces écodélégués dans l’apprentissage de la démocratie au sein des établissements. Que dit la recherche ?

Urgence climatique

L’urgence climatique est là, le rapport spécial du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a sonné l’alarme : pour limiter le réchauffement global à 1,5 degré d’ici la fin du siècle, il faudra diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, ce qui implique un changement radical de nos choix de société.

Les recherches sur l’éducation au changement climatique intègrent cette nécessité de changement de société. De nombreux chercheurs nord-américains se sont attachés à explorer le niveau de littéracie climatique (climate literacy) des élèves, leurs conceptions erronées (comme le fait de penser que le réchauffement climatique est lié au trou dans la couche d’ozone), leur connaissance des facteurs influençant l’effet de serre et le système climatique et leur perception des relations entre énergie et climat.

Les études se sont ensuite déplacées vers l’intégration dans les parcours de projets questionnant les possibilités de diminuer l’empreinte carbone et de mettre en œuvre des mesures d’adaptation. Dans leur revue de littérature sur l’apprentissage formel et informel entre 1993 et 2014, David Rousell et Amy Cutter-Mackenzie-Knowles[[« A systematic review of climate change education : giving children and young people a ’voice” and a ’hand” in redressing climate change », Children’s Geographies, 2019.]] relèvent que la moitié des publications en éducation font référence à la compréhension scientifique des phénomènes liés au changement climatique en tant qu’approche principale ; un quart concerne le changement des comportements mis en œuvre dans le cadre de l’éducation informelle ; un dernier quart porte sur les approches d’atténuation et d’adaptation, généralement associées à une éducation au territoire.

Effets positifs

Ces chercheurs ont mis en avant les effets positifs de l’émergence de programmes d’apprentissage coopératifs, interdisciplinaires, participatifs, locaux et expérientiels sur les attitudes et comportements des enfants et jeunes face au changement climatique. Ils ont relevé l’intérêt des approches, artistiques et narratives, qui s’appuient sur les émotions liées aux préoccupations relatives au changement climatique.

K.C. Busch et ses coauteurs distinguent quant à eux trois approches pour l’éducation au changement climatique dans le cadre de l’éducation scolaire[[K. C. Busch, Joseph A. Henderson et Kathryn T. ­Stevenson, « Broadening epistemologies and methodologies in climate change education research », Environmental Education Research, vol. 25, n° 6, 2019.]] : une approche épistémique centrée sur les connaissances ; une approche socioconstructiviste basée sur les attitudes (construites à partir d’expériences de vie et de systèmes de valeur) et l’élaboration de projets territoriaux ; une approche critique et transformatrice qui interroge les tendances politiques, économiques et socioculturelles dominantes et dans laquelle les élèves « bénéficient d’un espace de réflexion et d’occasions de s’engager dans des modèles de citoyenneté s’appuyant sur les processus décisionnels collectifs ».

Au croisement des avancées des sciences climatiques et de la construction de l’aptitude de tous à analyser de façon critique l’information médiatique, le défi du changement climatique fait ainsi de la « socialisation démocratique »[[Melki Slimani, Jean-Marc Lange et Atf Azzouna, « Le projet pédagogicodidactique de socialisation : perspective d’une socialisation démocratique pour l’enseignement-apprentissage des questions environnementales et de développement. Éducation et socialisation », Les Cahiers du Cerfee n° 50, 2018.]] un objet d’études pour les recherches en éducation et une préoccupation pour les acteurs éducatifs qui souhaitent que les conditions « d’une culture de l’engagement » au temps de l’anthropocène[[Jean-Marc Lange et Sonia Kebaïli, « Penser l’éducation au temps de l’anthropocène : conditions de possibilités d’une culture de l’engagement. Éducation et socialisation », Les Cahiers du Cerfee n° 51, 2019.]] puissent être remplies.

Anne-Françoise Gibert,
chargée d’études, service Veille et analyses à l’IFE-ENS de Lyon


Pour aller plus loin :

Dossier de veille de l’IFE sur l’éducation au changement climatique à venir :
https://eduveille.hypotheses.org/14412