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Peace for Paris

Aux Cahiers pédagogiques, nous sommes, comme tous, horrifiés et immensément tristes après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis vendredi 13 novembre. Certains d’entre nous ont ressenti le besoin d’écrire, nous publions leurs textes.

Sur le soir doux et provincial, les étoiles laissaient présager d’agréables promenades. L’air était à la rêverie, à la tranquille plénitude. Une alerte a illuminé le téléphone. Le regard s’est détourné. Une autre et une autre encore ont affolé l’écran. La répétition transpirait l’urgence. C’est à ce moment que les kilomètres se sont effacés, que l’horreur est rentrée dans la calme maison. Nous devenons Paris comme nous étions le jour précédent Beyrouth et des mois auparavant Charlie. Les rues du Onzième, du Dixième sont nos rues, Saint-Denis notre stade, le Bataclan, notre salle de concert, avec ses dizaines de Dormeurs du Val intranquilles dans le chaos.

Sur les réseaux sociaux, la solidarité s’organise. Elle est belle à voir, adoucit les larmes. Si nous sommes capables de cela, alors nous ne sommes pas vaincus. La souffrance prend corps en voyant un petit garçon en pleurs sur la pelouse du Stade de France pour une soirée qu’on lui imaginait de fête, désormais lieu de rencontre avec ce qui existe de plus laid dans les turpitudes humaines. Elle s’amplifie, avec les visages qui s’affichent, se partagent accompagnés d’avis de recherche. Ils sont si jeunes, si souriants, sur ces photographies prises sans doute un jour heureux, joyeux. On guette les signes des proches, de ceux aussi avec qui les liens sont virtuels. Les espaces se confondent, tous nous sont chers. Mais pourquoi celui-ci, dont les tweets me font rire, ne donne pas signe de vie ? On entend des mots à l’écho terrifiant «état d’urgence», «frontières fermées» sans comprendre vraiment leur tangible signification.

La nuit est courte et le jour suivant terrifiant. Le cauchemar est réel, la lumière est cruelle. On craint qu’encore une fois, les comment, les pourquoi ne mènent sur le chemin de l’école, ce supposé sanctuaire à la fois responsable et guérisseur de tous les maux. Lundi viendra trop vite et nous avons besoin seulement de retrouver la vitalité pour dans nos établissements choisir le juste message. Nous savons, hélas les événements tragiques se succèdent, que ce que nous sommes est la meilleure réponse aux inquiétudes, aux retranchements.

Puisque le mot guerre est prononcé, nous prenons les armes, nos armes, la connaissance, la culture, la laïcité, nos armes massives et pacifiques. Pour les larmes de l’enfant au Stade de France, pour ces visages souriants qui ne souriront plus, pour ne pas donner raison aux fanatiques barbares, pour ne pas laisser la place aux grinçants profiteurs de la peur, nous brandissons nos mots, nos dessins, nos valeurs, nos utopies. Nul besoin de directive, de circulaire, de leçons de morale, éducateurs de tous pays, nous avons dans nos mains, dans nos cœurs, dans nos cerveaux, un pouvoir émoussé mais réel, celui de propager par nos actes et nos paroles, la raison, celle de l’humain. Prenons-le, ne le perdons pas de vue dans notre quotidien, pour rien au monde, ne laissons quiconque nous le confisquer.

Et empruntons les mots d’Éluard issus de son poème «Novembre 1936» pour ne jamais devenir indifférents ou résignés.
« On s’habitue à tout
Sauf à ces oiseaux de plomb
Sauf à leur haine de ce qui brille
Sauf à leur céder la place. »

Monique Royer

Le dessin « Peace for Paris » est de Jean Jullien, @jean_jullien sur Twitter.