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Vivante de questions vives

L’énoncé du sujet « L’économie à l’école » semblait simple au premier abord. Et puis en le déroulant, le lançant dans l’air numérique pour récolter des contributions, nous avons exploré les dédales d’un thème à tiroirs. L’économie est à la fois un environnement et un enseignement, le constat posé méritait d’aller voir de plus près comme il se vit dans le quotidien de la pédagogie. Elle s’enseigne de façon implicite ou explicite, pose son empreinte sur la question de l’orientation et des contenus, s’immisce dans les projets ou en devient un sujet.

L’économie, est-ce l’argent, le financement, la monnaie, le budget, la gestion des moyens, les lignes et les liquidités qui permettent ou empêchent ? Est-ce la relation au monde du travail, à l’entreprise et à ses réalités ? Est-ce le ressort des décisions politiques que l’on lit en se munissant d’outils, de concepts et de méthodes ? L’économie à l’école, c’est tout cela et bien autre chose, une ouverture au monde aussi où le futur citoyen apprend à faire des choix en mesurant les incidences, à devenir un acteur économique conscient, un consommateur averti. Elle ne se résume ni à la monnaie, ni à des chiffres que l’on aligne, ni à un emploi auquel on se forme. Elle foisonne, quitte à déborder des cadres et de l’énoncé d’une thématique.

Alors, avec cette lunette d’observation, qui ouvre plus qu’elle ne focalise, on voit se déployer des approches et des projets hors d’un enseignement estampillé et spécifique, dans tous les niveaux et de multiples disciplines. Ils puisent parfois du côté de l’économie sociale et solidaire, s’orientent vers le développement durable, vitaminent l’estime de soi par la générosité et le partage. L’économie se laisse approcher au détour d’un texte littéraire, d’une réalité contemporaine, d’une approche philosophique ou d’un fait historique. Elle s’apprivoise sans en avoir l’air et montre du même coup les réalités et les tensions nées de stratégies ou de contextes géopolitiques. Elle se distingue par un entremêlement de données, de faits mais aussi de comportements, de représentations et de rapports sociaux, qui la fait s’échapper d’un carcan austère et totalement rationalisé.

Et c’est cela sans doute qui la rend à la fois passionnante et sujette à débat, à pression, surtout lorsque son enseignement donne la tonalité à un baccalauréat. Les tenants d’une acception utilitaire et adaptative aimeraient que l’enseignement des sciences économiques et sociales se débarrasse de la sociologie pour ne lier la compréhension d’un système et de ses mécanismes qu’à des formules rationalisant théoriquement les comportements. Et dans ce débat, dans ces tentatives de normaliser une discipline ouverte et indisciplinée, on voit poindre une idéologie qui exclut l’idée même d’éducation émancipatrice. L’économie se déroberait alors, par une partialité affichée dans les programmes, à une exploration approfondie.

Or, elle est une matière vivante qui ne chemine pas solitaire dans une bulle survolant le monde en disséminant des algorithmes froids. Son étymologie, qui vient du terme grec « oikonomia » signifiant « l’administration de la maison », le montre bien. Parler d’économie, c’est avant tout s’intéresser à la vie des hommes et des femmes, à leur façon de satisfaire leurs différents besoins en transformant des ressources rares en biens et en services, puis en les répartissant. Les contributions composant le dossier pourraient à elles seules illustrer le constat.

Florence Rebeschini Aulanier
Professeure de SES, agrégée en sciences sociales

Monique Royer
Directrice du CFPPA des Pays d’Aude et du CFA agricole de l’Aude