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Vers un grand projet national pour l’enfance et la jeunesse
Grande diversité des signataires, objectifs et propositions forts et tranchés : cet appel est-il en soi le signe que le monde de l’éducation est décidé à ne pas se contenter du statuquo pour les années à venir ?
L’Appel de Bobigny est le fruit de débats sans concession, menés pendant trois ans, avec la volonté de ne pas produire de l’eau tiède, de ne pas se contenter d’un consensus mou.
Au départ, nous avons voulu réagir à la succession de réformes et aux régressions petites ou grandes, à la division des acteurs de l’éducation qui, de fait, étaient inaudibles. Nous refusions que les prochaines élections présidentielles et législatives se passent comme les précédentes, sans débat national sur l’éducation. Nous avons, au-delà de l’actualité, travaillé à élaborer un ensemble cohérent de propositions et de priorités, pour déboucher sur un projet national pour l’éducation, l’enfance et la jeunesse.
C’est une conception globale de l’éducation que nous avons développée, de zéro à dix-huit ans et au-delà tout au long de la vie, sur tous les temps et espaces éducatifs autour de mots clés comme : co-éducation, coopération éducative, travail en équipe, projets partagés, exigence qualitative et ambition pour tous les jeunes, lutte contre les discriminations et les exclusions, les inégalités, équité et droit réel à l’éducation au-delà de l’égalité formelle, place des parents et des jeunes, y compris les plus éloignés de l’école et des associations, refonte des processus d’évaluation, remise à plat de la formation des enseignants, service public petite enfance, priorité à l’école et au collège.
Nous sommes devant des choix de société, des choix de fond pour l’éducation, l’enfance et la jeunesse. Le choix ne sera pas entre le statuquo et les régressions qui s’accumulent ces dernières années, mesure après mesure.
Le débat souhaité par les signataires de l’appel vous parait-il bien engagé à quelques mois des échéances électorales ?
Nombre de candidats déclarés à l’élection présidentielle nous ont envoyé des réponses écrites sur l’éducation, l’enfance et la jeunesse, après avoir reçu l’Appel de Bobigny.
Nicolas Sarkozy, s’appuyant sur le fait qu’il n’était pas officiellement candidat, n’a pas développé de proposition et a mis en évidence dans son bilan des mesures qui sont en contradiction avec les valeurs et les objectifs de l’Appel de Bobigny. Nous n’avons pas eu de nouvelle depuis.
Des réponses sérieuses et développées de François Hollande, Éva Joly et Jean-Luc Mélenchon constituent sans doute leur première prise de position sur le sujet. Elles marquent des convergences certaines avec l’Appel de Bobigny, dont ils reconnaissent tous la contribution.
Nous organisons un grand débat national, public, au Palais d’Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental, le vendredi 23 mars à 18 h 30, ouvert à toutes et à tous. Les candidats républicains, ou leurs représentants, seront invités à participer. Le débat sera nourri par des témoignages de grands témoins (chercheurs, experts, historiens) et animé par des spécialistes de l’éducation.
L’Appel se distingue en élargissant le champ de l’éducation bien au-delà de l’école, en insistant sur le rôle des collectivités locales ou encore des associations, et on sait que la part de l’État dans les dépenses d’éducation va en diminuant. Qu’attendre, dans ce contexte, des responsables nationaux ?
L’Appel de Bobigny est une invitation large, faite aux villes et aux acteurs éducatifs du territoire, à contribuer, par des initiatives locales, à un « grand débat national » sur l’éducation, car « ce projet concerne tous les citoyens ». C’est pourquoi nous insistons beaucoup, dans ce texte, sur la mise en place et le développement des Projets éducatifs locaux. Les PEL s’appuient sur l’ensemble des ressources éducatives et des atouts du territoire, combinant les apports de l’éducation formelle, informelle et non formelle. Il s’agit bien de conjuguer respect des valeurs communes, des cadres et objectifs nationaux de service public, et la nécessité de l’initiative et de l’autonomie de chacun, pour permettre l’épanouissement et la réussite de tous les jeunes et de chacun, la réconciliation des perspectives individuelles et collectives.
Nous avons défini, pour y parvenir, un cahier des charges national, cadre de référence nécessaire pour assurer l’équité et le respect des objectifs nationaux, des valeurs et des principes généraux, travailler en partenariat avec les collectivités, permettre et favoriser les coopérations éducatives entre tous les acteurs.
Si nous ne réagissons pas, demain règnera la mise en concurrence systématique des individus, des territoires, des écoles et établissements, des associations, la marchandisation de l’éducation dès la petite enfance, sur tous ses champs. Nous demandons aux responsables nationaux une véritable priorité à l’éducation, reconnue dans une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle pour l’enfance et la jeunesse.
Yves Fournel
Président délégué du Réseau français des villes éducatrices
Propos recueillis par Patrice Bride