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Une 6e « pilote », enjeu collectif pour les enseignants

Comment mieux accompagner les élèves qui seraient insuffisamment autonomes, très habitués à être soutenus par leur enseignant de premier degré lors de leur dernière année de primaire et lâchés seuls au collège ? Beaucoup de changements s’opèrent pour les élèves : changements de salles, de professeurs, de matières, de méthodes de travail, d’organisation face aux écrits, face à l’oral, de modes de relation entre les professeurs et les élèves, augmentation du nombre d’interlocuteurs. Dans notre collège classé « Ambition Réussite », nous avons mis en place une « 6e pilote » pour rendre plus fluide et naturel ce passage du CM2 à la 6e.

Un travail d’équipe

Au-delà des dispositifs existants, comme les PPRE ou l’aide aux devoirs, nous avons voulu prendre en compte l’élève dans ses apprentissages de façon globale. Le travail d’équipe s’organise beaucoup autour de projets sur plusieurs matières. On reprend un texte vu en cours d’histoire pour aborder une notion en français, ou encore une œuvre littéraire qui reprend une page d’histoire, une lecture de graphique que l’on aborde en cours de maths et que l’on explicitera en géographie, en technologie.
Les élèves sont conscients d’être dans une classe un peu particulière. Ils sont avertis, ainsi que les parents, dès l’inscription au collège. Ils savent que les professeurs se voient et travaillent ensemble. Les élèves essaient même parfois de faire les liens eux-mêmes entre les notions et les matières, même si cela n’est pas toujours évident. Ils ont compris que le travail se faisait en accord avec toute l’équipe d’enseignants.

Une organisation des lieux adaptée

Les élèves de la classe de 6e « pilote », tout comme les autres 6es d’ailleurs depuis cette année, ont leur salle de cours dédiée, ce qui restreint les déplacements des élèves et permet un affichage pédagogique varié. Les élèves ont plus de supports visuels (un peu comme en primaire). Ils peuvent aussi investir l’espace avec leurs œuvres en arts plastiques. Ils ont la possibilité de laisser des affaires non nécessaires dans l’immédiat dans la salle. L’espace leur est moins impersonnel.
Toutefois pour les matières telles que la SVT, la technologie, l’éducation musicale et les arts Plastiques, les élèves changent de salle. Il y a ainsi un aspect déjà rencontré en primaire et de la nouveauté avec quelques déplacements afin de se repérer dans sa nouvelle identité de collégien. L’école primaire est bel et bien une époque révolue. Il faut vivre au rythme des sonneries du collège, si l’on ne change pas de salle, on change de cours. On sort de la salle, on se range dans le couloir et on attend le professeur du cours suivant. Cette période est gérée par les professeurs, puisqu’ils circulent dans les couloirs mais aussi par la vie scolaire. Les élèves sont assez respectueux de ce déroulement.

Rechercher la continuité avec le primaire

Les élèves sont évalués par compétences, il n’y a pas de notes. C’est en continuité avec ce qui se faisait en école primaire. Les écoles de secteurs ont toutes des livrets scolaires basés sur l’évaluation par compétences. Cela nous permet de valoriser les élèves, de les motiver avec plus de précision, et surtout ne pas les stigmatiser par une note. Les compétences évaluées sont disciplinaires, mais aussi transversales.
L’intervention du professeur des écoles en co-animation et dédoublement de classe se fait avec les enseignants volontaires : cette année essentiellement en cours de mathématiques et en aide aux devoirs. L’enseignant du premier degré est présent pour partager les tâches de travail avec l’enseignant du second degré. On ne sous-estime aucun des deux corps, il y a un réel partage des tâches. Le professeur des écoles accompagne les élèves dans
– leur prise de notes, dans la copie d’un cours (mots, phrases oublié(e)s, organisation du cahier, soin du cahier….),
– pour réexpliquer les notions abordées en classe de façon plus individuelle,
– pour accompagner un élève tout au long d’un exercice de façon à consolider l’acquis,
– pour motiver les plus fragiles, leur donner confiance en eux, éviter que certains décrochent leur attention du cours.
L’enseignant du second degré reste maître de sa matière. Nous discutons des formes que le cours peut prendre, s’il est préférable de décloisonner ou pas. Lors des dédoublements de classe nous avons chacun notre pédagogie, mais des objectifs communs. Cela nous permet de mieux connaitre les difficultés de chacun, et d’être un peu plus à même de répondre à leurs difficultés propres, de leur proposer du travail différencié plus adapté. Cela permet aussi d’utiliser plus facilement les nouvelles technologies pour aborder un sujet ou bien faire des activités en lignes. Varier les supports d’apprentissages permet de susciter de l’intérêt pour l’élève à un moment ou un autre.
Pour l’heure d’aide aux devoirs nous avons mis en place un cheminement qui permet de travailler sur l’autonomie. En début d’année le professeur des écoles organise entièrement cette heure en planifiant les devoirs à faire, dans quel ordre, en indiquant le matériel. Peu à peu ce sont les élèves qui prennent en charge l’organisation, la façon de travailler (seul ou en groupe, sur papier ou sur ordinateur) en hiérarchisant l’ordre des devoirs, les plus importants étant ceux pour lesquels ils ont besoin de l’adulte. Ce dernier est là pour apporter une nouvelle explication ou bien reprendre la notion non comprise. Nous avons aussi réussi à créer un climat positif car en cette fin d’année les élèves sont capables de se regrouper et de travailler quasiment en autonomie pendant une heure, en s’expliquant eux-mêmes les notions non consolidées. Les groupes faits spontanément sont hétérogènes, ce qui facilite les échanges et les réflexions, tous les membres d’un même groupe ne se posant pas les mêmes questions. Il y a des élèves qui ont encore besoin de travailler seuls, ou accompagnés de l’adulte ou ayant besoin d’être rassurés de ce qu’ils entreprennent. Chacun avance à son rythme et sur le support le plus adéquat. Nous avons organisé la classe de façon à y intégrer trois ordinateurs en fond de classe et quelques dictionnaires.

Le point fort de cette 6e pilote est finalement dans le travail commun des enseignants, professeurs des écoles et professeurs du collège, et ces derniers entre eux. Cela demande beaucoup de communication et d’échanges, mais nous permet de gagner considérablement en cohérence auprès des élèves, et de mieux les accompagner ainsi dans l’entrée au collège.

Florence Bobkiewicz, professeure en collège à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis).