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Twitter en philo : des gazouillis dans le vent ?

Dans le cadre de mon enseignement[[ J’utilise assidument Twitter pour ma veille personnelle (http://www.twitter.com/francoisjourde). Il n’est question ici que de mon usage avec les élèves et les étudiants.]], j’ai essayé cet outil assez simple et « dans le vent » de deux manières : pour la diffusion et pour l’interaction.

Diffuser et interagir

– Dans le cadre de mon cours de philosophie, Twitter m’a permis de générer un flux d’informations (RSS), consultable sur la page d’accueil de mon site ou en suivant directement www.twitter.com/profphilo. Par ce canal, j’ai diffusé des informations liées au cours, au programme de philosophie et à l’épreuve du baccalauréat, activant en cela la fonction blogue de Twitter. Je compte poursuivre cette utilisation modeste de Twitter, qui a été satisfaisante.
– Dans le cadre de mon cours de psychosociologie de la communication en BTS (www.twitter.com/jourde_bts), j’ai aussi exploité la fonction « réseau social ». Avec des étudiants volontaires, il s’agissait d’échanger des informations et de converser autour du cours, d’en pointer de possibles résonances avec le monde présent, de faire de la veille informationnelle. C’était aussi le moyen de développer la culture numérique des étudiants, de les sensibiliser à la construction de leur identité numérique et de renforcer la dynamique de groupe. Je n’ai en revanche pas utilisé Twitter pour favoriser l’expression individuelle dans la classe[[Monica Rankin invite ainsi ses étudiants à envoyer via Twitter des questions et des remarques projetées durant le cours même [http://www.utdallas.edu/~mar046000/usweb/twitterconclusions.htm]. Mais il s’agit d’un cours en amphithéâtre. Les « Twitter-enabled backchannels » sont devenus courants dans les colloques anglo-saxons (http://mediabullseye.com/mb/2009/03/hashtags-coming-to-a-conferenc.html).]]. Cette expérience a été modérément fructueuse : elle a attiré peu de participants, a suscité peu d’activité. Un obstacle a probablement été l’écrasante popularité chez les étudiants de réseaux sociaux concurrents, tels que Facebook et MySpace. Par ailleurs, l’extension de la relation pédagogique hors du cours permise par un tel outil de communication peut tout autant enthousiasmer, du fait de l’implication renforcée des acteurs, qu’inquiéter, notamment quant l’immixtion de la sphère scolaire et professionnelle dans la sphère privée.

Une invitation à dépasser les murs de la classe

Une bonne surprise est cependant venue de la nature ouverte et asymétrique du réseau Twitter[[Ceux que vous suivez ne vous suivent pas forcément, et réciproquement. C’est la différence, notamment, avec un réseau tel que Facebook.]]. Des étudiants ont en effet spontanément adressé des questions à des experts, sur des sujets qu’ils avaient à traiter (par exemple sur la concurrence presse-internet, sujet il est vrai très présent sur le réseau Twitter). Comme réseau ouvert sur le monde, Twitter peut faciliter le questionnement, la recherche et l’échange d’idées, et concourir ainsi à l’autonomie intellectuelle. Cette ouverture permet de projeter la classe hors de ses murs, ce qui peut d’ailleurs rendre délicate l’utilisation de Twitter avec les élèves non majeurs.

Un outil peu adapté à des échanges suivis

Twitter n’est pas un outil de conversation, c’est là l’un de ses principaux défauts. D’une part, si la limitation des messages à 140 caractères apprend la concision, elle devient une contrainte gênante lorsqu’il s’agit de converser. D’autre part, l’interface de Twitter (les messages s’empilent chronologiquement) rend pénible, voire impossible, le suivi d’un sujet de conversation. En ce sens, un service tel que FriendFeed (qui intègre d’ailleurs les flux de Twitter) se montre déjà bien plus satisfaisant. Gageons que d’autres outils du Web 2.0, comme la récente application Wave de Google promet de remédier à la plupart de ces inconvénients.

L’enseignant que je suis jubile à l’idée d’expérimenter plus avant ces outils de communication, de collaboration et d’apprentissage… et de me sentir fidèle à Diderot en me hâtant de rendre la philosophie populaire, par des moyens qui l’auraient probablement enthousiasmé.

François Jourde
Professeur de philosophie, Bruxelles