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Trois obstacles au développement du partenariat
Le premier obstacle réside dans le fait que l’utilisation du terme de partenariat ou la mobilisation de l’idée ne suffisent pas, à eux seuls, pour caractériser le mode d’action qu’ils désignent.
Une notion confuse
Lors des tables rondes de la journée organisée par Curiosphere, le mot partenariat a été utilisé indifféremment pour qualifier des sponsorings désignant la façon dont était financée l’action, pour caractériser une sous-traitance ou une délégation au travers de la description d’une action menée par une association ou un organisme de prévention en lieu et place du monde scolaire, voire encore pour désigner des accords inter-institutionnels marquant les ententes scellées entre institutions par conventions ou textes cadres, afin de permettre la construction d’actions conjointes.
En revanche, les vidéos présentées lors de la journée organisée par Curiosphere, Relations amoureuses et estime de soi et Les comportements alimentaires des adolescents illustraient, elles, de réelles situations partenariales, c’est-à-dire des actions construites, négociées et animées conjointement.
La différence, un mal nécessaire
Dans les représentations collectives, le terme de partenariat laisse imaginer une sorte d’harmonie d’intentions ou d’objectifs, alors qu’en réalité tout sépare les acteurs et leurs systèmes. Il est d’ailleurs fréquent que des enseignes commerciales, associatives ou mutualistes s’emparent du terme pour habiller des stratégies d’ordre mercantile au nom de cette supposée solidarité sous la dénomination de « partenaire officiel de… ».
Le partenariat est un mode d’organisation qui solidarise les acteurs issus de mondes divers autour de ce qui fait problème dans une situation donnée. Il permet de construire des communautés sur la base des différences de chacun. Chacun a des compétences (au sens de « savoir faire », mais aussi au sens de « pouvoir et légitimité à agir ») différentes, et les positions dans les systèmes sont aussi différentes.
En allant chercher des partenaires, nous rencontrons la différence et la résistance, c’est un mal nécessaire pour créer du nouveau. Mais alors, qu’est-ce qui unit les partenaires ?
Si le rectorat de Moselle a développé le projet Caaps (Comportements alimentaires des adolescents : le pari de la santé), c’est parce que le service de santé scolaire a mené une analyse des besoins et que le personnel scolaire a été sensibilisé à la pertinence du projet. Reste que l’univers des enseignants, celui des conseillers d’éducation, du personnel de service et des services de la santé scolaire sont de nature très différente. S’ils travaillent ensemble, c’est qu’ils font l’hypothèse que de leurs différences peut naitre un projet plus efficace pour les élèves, mais surtout que chacun sait qu’il peut en tirer bénéfice, même si la nature de ces bénéfices peut être, là aussi, très différente : une façon d’être valorisé ou vu autrement pour le personnel de cantine, une occasion d’aborder l’alimentation pour le professeur de sciences de la vie et de la Terre, une manière de motiver les élèves par une finalisation personnalisée du travail en éducation physique, lutter contre l’obésité pour le personnel médical, etc.
Quand dans la culture de l’un, le respect de la hiérarchie est incontournable, ralentissant la décision, alors que l’autre est pressé de finaliser l’opération, des tensions apparaissent. Autre sujet de discorde : pour l’Éducation nationale, les budgets fonctionnent sur l’année scolaire et non sur l’année civile, ce qui suppose d’obtenir un budget quelques mois avant que l’action ne commence. Procédures et concertations s’imposent alors à un univers médical ou associatif, qui, dans leur monde professionnel sont maitres, mais aussi responsables de leurs décisions selon une temporalité liée à une obligation de résultat à court terme, alors que le processus d’apprentissage sur lequel travaillent les acteurs scolaires nécessite des mois ou des années. Les espaces légitimes de décision, mais aussi les tempos et les procédures décisionnelles sont différents, comme le niveau de responsabilité d’ailleurs.
Il n’y a pas d’objectifs communs, au moins dans un premier temps, mais reconnaissance d’un problème ou d’une problématique commune où chacun peut trouver intérêt à agir. Pas question d’associer un acteur qui ne trouverait pas d’intérêt à l’entreprise commune, il développera assez rapidement une stratégie d’évitement ou d’abandon. La communauté de travail et les objectifs interviennent un peu plus tard après la rencontre.
Le partenariat qualifie avant tout une association d’acteurs fondée sur les différences de chacun pour négocier et construire une action commune visant la résolution d’un problème reconnu comme commun. Pour autant, cet appui sur la différence (de logique, de culture, d’intérêt) n’est pas sans poser problème : là où chacun pense s’engager dans un collectif d’action orienté par une même intention, tous se trouvent confrontés à l’hétérogénéité et aux différences de logiques ou de codes, ce qui complique les négociations.
Des identités professionnelles qui s’affrontent
Dans les négociations, l’identité professionnelle est interpelée, et s’affirme. Les enseignants déclarent ne pas être des assistants sociaux et les infirmières estiment qu’enseigner est un métier auquel elles ne sont pas formées, même si elles sont en charge de l’éducation à la santé.
Pour un enseignant, la question des apprentissages de ses élèves est centrale. Celle de la prévention est souvent renvoyée à des experts, en invoquant le manque de formation adéquate ou simplement de temps, surtout pour un domaine perçu comme périphérique des programmes scolaires. De même, sans trop questionner ce type d’affirmation, l’éducation relèverait des familles ou des associations périscolaires, comme le soin et la maladie des métiers de soignants. Cette partition n’est bien entendu pas si hermétique, mais elle est souvent ainsi exprimée dans l’exercice du métier.
Le partenariat pousse chacun à faire un pas de côté par rapport à ce qui fonde son identité professionnelle et à ce qui lui semble prioritaire, c’est ce qui permet d’ailleurs de créer de nouvelles formes de réponses aux problèmes. Mais cela n’est possible que si chacun y trouve un intérêt.
L’enseignant abordera, le plus souvent, la question de l’éducation à la santé à partir de trois motivations (ici de la plus fréquente à la plus rare).
D’abord une motivation relevant de sa fonction, de l’enseignement des disciplines, souvent les sciences de la vie et de la Terre ou l’éducation physique et sportive. Ce sera l’occasion d’illustrer, aborder ou explorer un pan particulier d’un champ disciplinaire.
Ensuite, de manière cette fois transversale, c’est l’occasion pour lui d’amener ses élèves à construire des opinions raisonnées pour faire des choix éclairés, dans le cadre des activités scolaires regroupées derrière ce qu’il est convenu d’appeler les « éducations à ».
L’enseignant peut, enfin, avoir rencontré chez ses élèves un problème de santé (toxicomanie, violence, grossesse précoce, etc.), qui gêne le cours de classe ou l’apprentissage.
La responsabilité de la formation est d’aider les enseignants à mieux comprendre ce qui fonde le partenariat en éducation à la santé et à laisser entrevoir les apports d’une démarche de collaboration avec des acteurs scolaires et non scolaires.
Corinne Mérini
Laboratoire Paedi, IUFM d’Auvergne, université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
Bibliographie
Corinne Mérini, Le partenariat en formation : de la modélisation à une application, L’Harmattan, 2006.
Partenariat ou travail conjoint ?
Ce guide est composé de sept fiches conçues pour dynamiser un cheminement qui, partant de l’idée de l’un, de l’autre ou de quelques-uns, amène à la concrétisation d’un projet réellement commun. Il est structuré en sept étapes correspondant à sept fiches intitulées :
L’émergence d’une idée ;
La recherche de partenaires ;
La rencontre avec les partenaires ;
L’officialisation du partenariat ;
La définition des opérations ;
La réalisation ;
L’action conjointe est achevée.
Chaque étape structure le cheminement à parcourir :
- le projet partenarial comme réponse à un questionnement ;
- des partenaires sont identifiés pour faire exister le projet ;
- le projet devient un projet commun ;
- les partenaires sont organisés autour du projet ;
- la mise en œuvre du projet est écrite ;
- le projet se concrétise ;
- l’action est terminée.
Si chaque fiche est une étape possible, elle n’est pas obligatoire. Les fiches peuvent être lues au gré des besoins. « Travailler ensemble », c’est une dynamique à trouver, mais aussi à entretenir. Les bienfaits d’une action menée collectivement et réussie vont bien au-delà de la réalisation de l’action envisagée. Cet outil est aussi un encouragement à s’y engager.
Pour télécharger l’ensemble des sept fiches, cliquer sur ce lien.
Danielle Desmedt
Coordinatrice d’un réseau d’éducation prioritaire
Martine Baconnais
Conseillère pédagogique de circonscription en EPS