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Transformer la violence des élèves

À son ouvrage Daniel Favre a donné un titre révélateur. En effet, violence il y a, et il nous explique comment chercher à la transformer. Pour cela il propose trois axes d’investigation : cerveau, motivations, apprentissage.
Daniel Favre a été chercheur en neurobiologie de 1975 à 1990, il est chercheur en sciences de l’éducation et c’est en 1990 qu’il fonde le laboratoire de modélisation de la relation pédagogique. Il n’a pas fui un domaine pour se réfugier dans un autre. Il ne cesse de tisser des liens entre neurobiologie et sciences de l’éducation et nous fait part des démarches que cela peut induire. (Il a ainsi publié une série d’articles sur les neurosciences et la pédagogie dans les Cahiers pédagogiques, n° 448, 449, 452, 455 de l’année 2006-2007).
Les dix-neuf chapitres de ce livre sont tous porteurs d’un optimisme profond fondé sur des connaissances mises en relation, un questionnement qui s’appuie sur des recherches, des ouvertures qui toutes font état d’une croyance dans l’être, l’être apprenant, l’être enseignant.
Quand l’être se sent démuni et qu’il ne sait pas ou plus comment se faire une place parmi les autres il se réfugie en quelque sorte dans l’agressivité. Daniel Favre nous dit comment ce chemin — que dans une situation donnée nous pouvons tous rencontrer, paraît souvent être la voie la plus courte, celle que dicte un abandon à son émotivité en l’absence de réflexion et dont nous assumons les conséquences négatives, l’agresseur comme l’agressé. Ce qu’il propose est un chemin qui va se transformer par l’ouverture à l’autre. Les mécanismes inducteurs de réactions destructrices sont ici mis à plat. Il ne s’agit pas de nier ou de condamner leur existence mais de découvrir leur fonctionnement. Nous nous voyons proposer une voie qui ouvre des perspectives de réconciliation avec soi-même et de conciliation avec l’autre : l’empathie.
Ni remède miracle dans cet ouvrage ni, surtout, constat désespéré qui suivrait l’air du temps, et surtout pas de résignation devant ce qui est parfois déploré comme inévitable. Au contraire l’attitude proposée est celle du chercheur-praticien qui ne s’enferme pas dans ses propres connaissances mais nous indique qu’il y a quelque chose à faire.
Le chercheur nous dit les choses telles qu’elles existent, puis nous propose les ressources susceptibles de les transformer. Il associe des connaissances précises sur le cerveau, une approche psychologique de la violence, et les dimensions pédagogiques et éducatives du métier d’enseignant.
L’ouvrage se compose de trois parties : les ressorts de notre agressivité et de notre violence ; réduire et prévenir efficacement la violence ; les objectifs d’une formation des enseignants.
L’organisation de l’ouvrage constitue une réponse à une question essentielle : comment l’être humain, cet explorateur né, équipé pour apprendre toute sa vie, peut-il devenir dépendant des stimulations que procure la violence ? La démarche induite par cette question est la recherche et la mise en œuvre de ce qui peut venir à bout de cette addiction, ce que l’auteur appelle : la rencontre transformative avec les autres.
Conférencier et animateur de stage, Daniel Favre apporte des réponses en même temps qu’il pose et se pose des questions constructives, autour de six grandes interrogations :
– Comment le langage intervient-il dans la genèse et la régulation de la violence et dans l’ouverture de la pensée au nouveau ?
– Comment faire évoluer les pratiques d’évaluation et les dispositifs pédagogiques pour qu’ils n’agissent pas a contrario en contribuant à affaiblir l’élève ?
– Comment enseigner à l’élève qui ne ressemble pas à celui que nous avons été ?
Comment prendre en compte les peurs sociales qui alimentent les processus de violence et comment distinguer l’autorité qui rend dépendant et affaiblit l’élève de l’autorité qui l’aide à développer son autonomie ?
– Comment éduquer et former de façon à parvenir à s’affirmer sans affaiblir et à confirmer affectivement l’existence des autres ?
– Comment faire évoluer les pratiques d’enseignement pour que l’élève puisse simultanément se socialiser et acquérir des savoirs ?
– Quelles valeurs développer auprès des élèves face aux valeurs compétitives de la société ?
L’efficacité de ces six points clés de la formation des enseignants ainsi que de l’intervention directe avec des adolescents violents a été mesurée comme significative, à l’école primaire et au collège, à deux ans d’intervalle par rapport à des groupes témoins.
Cet ouvrage nous rassure quant à la qualité de la recherche qui l’a initié et nous invite à orienter notre marche selon des axes nouveaux, différents, que nous sommes capables d’aménager nous-mêmes.

François Simon