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Tout dépend de ce qui est demandé et de ce qu’on en fait

J’enseigne depuis de nombreuses années les mathématiques dans un lycée général et technique de la banlieue parisienne, lycée à la population très hétérogène (recrutant sur deux collèges sensibles de Mantes la Jolie et Mantes la Ville, un collège « rurbain » et un collège en zone pavillonnaire).
J’interviens essentiellement dans des classes de Seconde ainsi qu’en 1ère et Terminale technologiques (STG) et en 1ère L. Je le précise, car il me semble que la problématique du travail à la maison dans ce type de 1ère /Terminale n’est pas la même que dans des classes de ES ou de S où les mathématiques ont un poids plus important dans le cursus et dans ce qu’on peut imaginer de la poursuite d’études après le bac.

Où sont les inégalités ?

Je suis convaincue qu’il faut donner du travail à faire aux élèves à la maison, car les élèves de lycée sont destinés à poursuivre leurs études après le bac. Ceux qui iront en université ou en classe préparatoire doivent être déjà rôdés à la fois à fournir un travail personnel régulier et aussi à réagir correctement face à un travail qui leur serait donné et qui leur poserait problème. Ils doivent aussi savoir comment rédiger et présenter un travail fait à la maison, l’exigence étant plus forte dans ces domaines qu’un travail fait en classe en temps limité. C’est vrai aussi des élèves qui prépareront un BTS, mais ceux-là seront plus encadrés.
On peut considérer que le travail à la maison génère des inégalités entre ceux qui trouveront de l’aide chez eux et les autres. À mon sens, tout dépend de ce qui est demandé et comment c’est exploité. De plus, si je donne un travail à faire qui n’est pas à faire dans l’immédiateté, je peux aussi être une personne-ressource pour aider les élèves à le faire. Il me semble plus inégalitaire de ne pas donner de travail, sachant qu’à la sortie du lycée, nos élèves se retrouveront avec des élèves issus de milieux et d’établissements plus favorisés qui auront déjà des habitudes de travail performantes.
Une autre compétence à développer dans le travail à la maison est l’anticipation. Ne pas attendre pour s’y mettre lorsqu’un devoir est donné pour « dans longtemps » me semble une bonne préparation pour la fac, où il ne faut pas attendre les partiels pour commencer à travailler ses cours.

Quel type de travail ?

La question me semble plus simple en 1ère /Terminale (dans les séries citées en introduction) qu’en Seconde, d’une part parce que des habitudes de travail personnel ont déjà été prises, même si elles sont à entretenir, et d’autre part, parce qu’il y a moins de différences de projet dans les poursuites d’étude. Je développerai donc davantage ce que je mets en place (ou en tout cas ce que je tente de mettre en place) en classe de Seconde.


– Il y a tout d’abord ce qui est du ressort du travail personnel au quotidien. En début d’année, je distribue aux élèves de Seconde une feuille qui doit être visée par les parents, comportant entre autres mes attentes sur ce point. En voici un extrait (avec quelques commentaires en italique)

« En sortant de cours, l’élève essaie de se remémorer l’essentiel de la séance. (En début d’année, je prends les dernières minutes de cours pour que les élèves fassent ce travail en classe, en demandant à certains de récapituler à l’oral l’essentiel de ce qui a été appris dans la séance, en terme de savoirs ou de savoir-faire ; puis au début du cours suivant, on prend quelques minutes pour récapituler l’essentiel de la fois précédente. Après quelques semaines, je leur fais penser en début et en fin d’heure à le faire, le temps qu’il sortent ou qu’ils rangent leurs affaires, mais on ne le fait plus ensemble.)

Le soir-même :
– il essaie de se remémorer l’essentiel du cours, puis relit le cours.
– il relit les énoncés des exercices traités et corrigés en classe ; il essaie de se souvenir de la méthode de résolution utilisée; il vérifie en relisant les corrections.

Lorsque des exercices sont à faire :
– l’élève recherche dans la liste des objectifs du chapitre lesquels correspondent à l’exercice donné. Il note les numéros de ces objectifs dans la marge. (Au début de chaque chapitre, je donne une liste numérotée des objectifs visés dans ce chapitre. On fait aussi parfois des exercices en classe qui sortent des objectifs. Les élèves savent alors que ce type d’exercice n’est pas exigible en contrôle.)
– l’élève rédige ce qu’il a réussi à faire ;
– s’il n’a pas abouti, il laisse une trace des pistes essayées (brouillon).
Les élèves ne doivent pas passer plus de 20 minutes par jour sur ce travail en tout, mais sont invités à noter ce qui leur vient à l’esprit, afin qu’ils soient actifs et en recherche. Mais un des problèmes est l’exploitation de ce travail, car je manque de temps pour le vérifier en début d’heure (pour 33 élèves !). Je peux ramasser quelques cahiers, les regarder, les commenter. Mais si je ne le fais pas, presque toujours, les élèves ont tendance à gommer, voire à arracher, les exercices faux. De même, en début d’année, les élèves n’ont pas de questions, ou n’osent pas les poser. Il faut amorcer la pompe en activant régulièrement ce temps de questions, et j’ai moi-même du mal à m’y tenir.
Je me suis aperçue aussi que parfois les élèves pensent avoir compris, et se rendent compte au moment du contrôle que ce n’est pas le cas. Pour essayer de remédier à cela, j’ai mis en place une petite interrogation hebdomadaire vérifiant les savoirs et savoir-faire de base vus dans la semaine. Cette interro est notée, mais la note ne compte pas. Il s’agit d’inciter les élèves à être plus conscients de là où ils en sont, à prendre aussi l’initiative de s’inscrire en aide individualisée. Or peu d’élèves prennent cet outil au sérieux, puisque « ça ne compte pas dans la moyenne ». En même temps je me refuse à la compter, car pour moi, c’est de l’évaluation formative préparatoire à l’évaluation sommative.

Apprendre à s’approprier un cours sous forme de polycopié

Une des compétences qu’il me semble fondamentale de développer en vue de l’autonomisation des élèves dans leurs études supérieures est celle d’être capable de s’approprier un cours de mathématiques donné sous forme polycopiée.

—  En Seconde , je distribue aux élèves un paquet de 23 « fiches ». Ces fiches sont des polycopiés courts comportant du cours, des exemples-type et des exercices à faire. Une bonne moitié de ces fiches porte sur des bases de collège parfois mal acquises (développement, factorisation, droites remarquables d’un triangle, etc), les dernières portent sur des chapitres de Seconde dont je pense qu’ils peuvent être traités en autonomie (valeur absolue, hausses et baisses en pourcentage,…), ce qui me permet de prendre plus de temps en classe sur d’autres points nécessitant plus d’explication et de guidage. La première semaine, tout le monde me rend la fiche n°1, mais en fonction des erreurs commises, certains ont la fiche n°2 à rendre pour la semaine suivante, avec des corrections éventuelles à faire sur la fiche n°1, des indications leur étant fournies pour aider à cette correction ; d’autres ont la fiche n°1 à refaire, avec parfois des exercices de remédiation sur un type d’erreur récurrent . Ainsi, les élèves peuvent être décalés les uns par rapport aux autres au bout de quelques semaines.
Ce fonctionnement différencié est très lourd pour moi, car j’ai un dossier par élève dans lequel je marque ce qui est réussi ou non dans chaque fiche ainsi que le travail demandé pour la semaine suivante, et le travail de correction d’un paquet de fiches me prend de 5 à 7 heures par semaine… Mais il est bénéfique pour les élèves qui s’attardent ou non suivant leurs besoins, et cela évite les heures de révision fastidieuses et inutiles en classe entière. Une fois une fiche terminée par tous, elle est évaluée au contrôle qui suit. Les élèves ont également une note de fiche par trimestre, dans laquelle 15 points sont attribués à la régularité du travail (fiches et corrections rendues le jour attendu) et 5 points sur le contenu.
Le fait de garder des traces de ce que les élèves ont fait dans les fiches me permet aussi parfois d’engager une discussion sur leur façon de travailler lorsque je m’aperçois qu’une erreur faite dans une fiche puis corrigée se retrouve de nouveau dans le contrôle.

—  En classe de 1ère et Terminale
Là aussi, j’insiste sur la capacité à travailler un polycopié de maths en autonomie
En 1ère L , j’attends d’avoir redonné confiance en des élèves souvent brisés par leur année de Seconde pour leur donner un cours simple à étudier avec quelques exercices à me rendre. Je reprends ensuite avec la classe les erreurs-type que j’ai pu rencontrer en corrigeant leurs exercices avant de passer à l’évaluation sur ce cours.
En 1ère STG , je fais travailler deux ou trois fois par an les élèves par groupe, pendant environ 3 semaines à chaque fois, autour d’un polycopié comportant des activités d’introduction à un chapitre, du cours et des exercices corrigés. Les élèves peuvent passer deux fois l’évaluation de ce chapitre, le groupe prenant aussi en charge le travail de remédiation entre la première et la deuxième évaluation.
En Terminale , comme j’ai une place peu importante dans les séries dans lesquelles je choisis d’enseigner, je limite le travail à la maison à son minimum, mais en exigeant toujours des traces écrites de ce qui a été fait, même si ce travail n’a pas abouti.

Devoirs maison

Je donne aux élèves également un devoir maison par trimestre. Ils ont en général cinq semaines pour le faire. Ces devoirs ne sont pas spécialement difficiles, mais un peu longs. Environ un quart du barème est consacré à la rédaction. Les critères d’évaluation de la rédaction sont donnés avec l’énoncé du devoir : phrases d’introduction et de conclusion ; rappel des données et de la finalité du problème ; mise en valeur des résultats ; précision du vocabulaire et des notations.

Les élèves peuvent me poser des questions, demander des indications, faire vérifier leurs productions. En général, au premier trimestre, les élèves attendent les trois derniers jours pour s’y mettre et rendent un travail approximatif ou incomplet et bâclé, et les critères de rédaction sont rarement respectés. Dès le deuxième trimestre, une partie des élèves commence à chercher dès que je donne le devoir et construit son travail sur les cinq semaines. En général, les devoirs sont de mieux en mieux rédigés au fil de l’année. Lorsque je retrouve des élèves que j’ai eus en seconde en Première ou en Terminale, je constate que cet effort de rédaction n’a pas disparu.

Il arrive aussi que nous explorions un exercice en classe, en en décryptant la démarche à suivre, et que les élèves aient juste à le reprendre et à le rédiger pour la fois suivante.

Monica Levy, Professeur de mathématiques – Lycée Senghor, Magnanville (78).