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Théâtre obligatoire ?

Avant-propos du Petit cahier #25 : Faire du théâtre

Les Cahiers pédagogiques ont depuis longtemps considéré le théâtre comme devant être une composante importante du parcours scolaire, comme un auxiliaire pédagogique de premier ordre. Pas seulement sous la forme de textes étudiés en classe, mais encore davantage par le recours à l’expression dramatique pour permettre aux élèves de mieux s’approprier des apprentissages, qu’ils soient cognitifs ou psychosociaux. Aussi, l’accent mis récemment par le président de la République sur le théâtre à l’école ne peut que nous interpeler. N’avons-nous pas consacré six dossiers à ce sujet (depuis 1964, avec le dossier « Théâtre et enseignement » de notre n° 51, jusqu’à 2015 et notre n° 519, « À l’école du théâtre ») ?

Mais il convient de voir de plus près non seulement comment cela peut se concrétiser et surtout quels objectifs sont visés. S’agit-il simplement comme on a pu l’entendre, de préparer les élèves à un « Grand oral » (la justification d’un apprentissage par son évaluation, c’est un peu le monde à l’envers, même si c’est fréquent dans notre système éducatif) ? Ou une manière pour les élèves de s’approprier « les grands textes » ? Ou d’acquérir de la confiance en eux-mêmes ?

Ces objectifs sont tout à fait louables, mais on peut aller plus loin, surtout si on veut faire autre chose que de prolonger une pratique de clubs, laquelle est bien évidemment à encourager1.

Les six textes rassemblés ici laissent entrevoir tout ce que le théâtre peut apporter et comment il peut être utile aux apprentissages dans toutes les disciplines scolaires, que ce soit en langues vivantes, en histoire ou en sciences – même si le cours de français reste son support privilégié –, mais aussi comme base possible de pratiques interdisciplinaires passionnantes.

La pratique théâtrale ne doit pas être un supplément d’âme, qui compenserait en quelque sorte un retour austère vers une école très verticale, sollicitant peu l’activité des élèves, mais au contraire un adjuvant à une pédagogie qui valorise de multiples compétences. La pratique du théâtre à l’école peut favoriser à la fois la coopération et l’expression personnelle, la créativité et la rigueur, cette belle humilité de l’acteur qui fait la grandeur du théâtre. Il faut pour cela qu’elle veille à enrôler tous les élèves, en évitant à tout prix la division du travail, les plus brillants tenant les premiers rôles. Comme le dit Philippe Meirieu : « Quand je montais mes premiers spectacles avec mes élèves, je ne donnais pas le premier rôle au bègue et je croyais naïvement que la qualité du résultat validait la qualité de ma pédagogie ; j’ignorais la spécificité de l’acte éducatif qui est de permettre à tous de se dépasser, quitte à ce que le produit final en soit moins gratifiant pour son concepteur-démiurge. »

On le voit, évoquer une présence plus forte, « fondamentale », du théâtre à l’école, c’est convoquer une fois de plus la pédagogie, une pédagogie qui permette de faire réussir tous les élèves, et plus que jamais, pourrions-nous dire, d’en faire des « acteurs »…

Jean-Michel Zakhartchouk

 

Notes
  1. Ce n’est pas moi qui vais contester cette fécondité du « club », alors que c’est là qu’au lycée, j’ai le plus appris, et que je retiens comme une lumière au milieu d’un enseignement bien terne, notamment en français.