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Situations-problèmes et savoir scolaire

Michel Fabre nous offre là un très beau livre de réflexion-action sur une pratique aujourd’hui largement présente, sinon dans les classes, tout au moins dans les écrits pédagogiques et didactiques actuels.

La notion de problème est initialement abordée sous l’angle épistémologique.

Empruntant à l’étymologie, l’auteur rappelle les trois domaines sémantiques de référence : l’idée de projet et d’intentionnalité (un problème se caractérise par un but à atteindre), l’idée de difficulté ou d’obstacle (qui dit problème suppose recherche car entre l’état initial et l’état final, il y a quelque chose qui fait question), et l’idée de saillance, terme peu explicite auquel nous aurions préféré celui de signification (on affronte le problème parce qu’il est énigme, controverse, charade, devinette) pour celui qui l’affronte, parce qu’il fait sens. Le problème introduit alors la métis (la ruse, l’intelligence pratique) comme voie privilégiée d’accès à la raison.

Qui dit problème impose d’envisager le savoir comme réponse à une question, alors que l’école est fréquemment vécue comme un lieu de réponses à des questions que les élèves ne se posent pas. Dès lors, l’auteur tente de répondre à trois questions fondamentales : les réponses sont-elles plus fondamentales que les questions (c’est le dilemme du Ménon) ; est-il si important (avec Frège, philosophe contemporain) de savoir si les réponses sont vraies ou fausses ; le plus déterminant pour la pensée, reprenant Descartes, est-ce de résoudre des problèmes ? Ses réponses mettent en lumière l’importance de la problématisation comme mouvement de la pensée et comme occasion d’ouverture et de fermeture du sens.

La notion de problème est ensuite considérée dans le domaine scolaire.

Empruntant à Gilles Deleuze (les logiques du sens), les notions de signification (la valeur des activités scolaires) de référence (le lien avec les pratiques sociales) et de manifestation (l’expression, la rapport des élèves aux activités scolaires), le problème est discuté dans ses rapports avec le sens et la vérité. L’idée de problème ouvert est distinguée de celle de situation-problème en didactique des mathématiques afin simultanément de mieux éclairer le paradigme du problème et d’en montrer les ambiguïtés.  » Tantôt la situation-problème semble se confondre avec une simple situation, tantôt elle s’organise véritablement autour de la prise de conscience d’un problème par l’élève : échec, énigme ou controverse. La situation problème oscille entre deux pôles : un pôle pédagogique (l’essentiel est que l’élève entre en activité, que lui apparaissent les enjeux sociaux de l’apprentissage) ou un pôle didactique des problèmes (en développant une analyse épistémologique attentive dans une logique de continuité-rupture à la notion d’obstacle). La situation-problème est généralement focalisée sur la résolution, peu attentive à la problématisation.  »

La dernière partie revient sur les ambiguïtés de la notion de problème à travers une multiplicité d’exemples et de témoignages.

Un livre clé, donc, pour la bibliothèque de tous les formateurs. À cause des problématisations qu’il propose de l’idée de problème en pédagogie et en didactique. Par l’ancrage de cette réflexion dans l’espace philosophique. Par aussi la qualité de l’écriture, ce qui ne gâte rien.

M. Develay