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Selon l’endroit où l’on est assis…

On est là, plus ou moins en rond, en rectangle, autour d’une table, dans une salle trop grande, ou trop petite, probablement mal insonorisée, trop chaude ou trop froide selon la saison. On va parler une heure, ou plus. On va remplir des « pieds de bulletins », ou bien ce sera le professeur principal, ou le chef d’établissement qui le fera après, avec toutes les déformations que cela occasionne. On va regarder l’écran sur lequel vont défiler les notes, ou les appréciations du bulletin, quelquefois des graphiques statistiques qu’on ne commente pas. Dans mon établissement, c’est un conseil comme tant d’autres. Sera-t-il « réussi » ou pas ? À quoi est-ce que cela tient ? Et quelles conséquences cela a-t-il ?

La qualité des lieux, du son, du confort des participants, au fond, ce n’est pas l’essentiel. J’ai vécu des conseils très « réussis » par 15 degrés… Le matériel, des graphiques sur l’ordinateur, un travail statistique préparatoire bien fait ? Oui, ça peut aider. Mais cela peut être le pire ou le meilleur, selon ce qu’on en fait. Je connais des conseils où le matériel moderne est employé : on passe une heure à dicter (et épeler) au président du conseil l’appréciation de pied de bulletin qu’il tape en direct, et que nous lisons sur l’écran. L’essentiel est ailleurs : un conseil réussi, c’est un conseil dont tous les participants sont là, bien là, ni par obligation, ni pour défendre leur discipline ou leur position hiérarchique, ni pour « descendre » eux (élèves ou collègues) qui leur ont posé problème…mais pour peser le pour et le contre, prendre du recul par rapport à leurs vues personnelles, pour RÉFLÉCHIR ensemble. Quelles conditions s’imposent pour que le conseil soit ce lieu de réflexion collective ?

Le conseil n’est pas le seul lieu de mise en commun des « données ». Il faut qu’il y ait, et il y a , de façon organisée ou pas, des moments d’échange entre deux, plusieurs enseignants, entre enseignant et élève ou famille. De vraies pratiques de travail en équipe (voir autre article) le permettent, elles devraient être plus fréquentes, et obligatoires. Oui, le conseil sert à penser collectivement et reformuler officiellement une synthèse d’analyses, de conseils qui ont été ébauchés, déjà formulés de façon partielle pour les élèves ou pour les familles (en classe, sur leurs copies, dans des entretiens avec les professeurs) , et à prendre, dans certains classes, à certains moments des « décisions », c’est à dire à formuler encore un peu plus nettement un avis motivé (?) sur l’évolution de la scolarité de l’élève.
Pour que le conseil puisse être un lieu d’échanges, le rôle de son président est essentiel : il doit réguler la parole, avoir suffisamment d’autorité pour que chacun joue son rôle, prenne position, et il doit mener les débats posément et de façon équilibrée. C’est pourquoi je pense qu’il est très difficile que le conseil soit présidé par le professeur principal (ou même par un CPE). Il ne peut pas être à la fois un membre de l’équipe et le médiateur « au-dessus » de la mélée. Le rôle qu’il a à jouer impose que le président ait à la fois une conception éthique de ce rôle et une compétence certaine d’animateur.

Le début du conseil : à quoi sert le tour de table ?
Le conseil est aussi, disent les textes, le  » …. Le tour de table a le mérite de permettre à chacun, enseignants, chef d’établissement, d’entendre le point de vue des autres. Il devrait être accompagné d’informations statistiques (graphiques) bien choisies, commentées, et permettant la comparaison avec d’autres classes (évaluations communes, absentéisme). Les logiciels qui existent permettent de rassembler ces données, que seul le chef d’établissement a le pouvoir de réunir. Ainsi commencé, le conseil devrait permettre d’entrer dans un travail d’analyse. Le fait de centrer le conseil sur l’étude du cas individuel des élèves joue dans le sens de l’individualisme trop facilement considéré comme suffisant aujourd’hui. Au contraire, le conseil doit être, dans le prolongement d’une vraie de vie de classe, un moment où le problème de la classe comme collectif est analysé. Comme « seul » moment où le chef d’établissement peut entendre et comprendre ce qui fait que telle classe est « facile » et telle autre « impossible » ; c’est lui en effet qui sera, en fin d’année le seul garant d’une certaine justice entre les décisions qui seront prises dans les différentes classes.

Quelle place pour le bulletin dans le conseil ?
Le bulletin est un élément important dans la relation de l’établissement et de l’équipe à l’élève et à sa famille, et il faudrait dans le système, en tirer les conséquences : conception des bulletins, travail pour améliorer leur lisibilité, leur intérêt pour les familles et les élèves : il y a eu des avancées (en collège), mais beaucoup reste à faire. Mais il serait utile de dissocier les questions du bulletin et du conseil : le conseil ne doit pas être centré sur le bulletin. Le bulletin n’est pas non plus le seul document sur l’élève (il existe aussi le livret, d’un point de vue officiel, mais les copies aussi jouent ce rôle et quelquefois d’autres documents ). On dit beaucoup aux élèves ailleurs que sur le bulletin, ailleurs qu’en conseil aussi. Le bulletin n’est pas destiné à l’élève d’abord : les formulations qu’on y choisit doivent être pensées pour la famille, il y a des choses qu’on dira à l’élève, mais qu’on n’écrira pas, ou pas ainsi, aux familles. Centrer le conseil sur le bulletin gêne son déroulement : cela donne une excuse à ceux qui ne veulent pas en faire un vrai lieu de mise en commun de la réflexion, que ce soit les professeurs ou le président.

Françoise Colsaët, professeur au lycée de Cavaillon.