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Revue Germinal, « L’école émancipatrice »

Germinal n° 5, « L’école émancipatrice », Le Bord de l’eau, novembre 2022

La revue Germinal vient de sortir son cinquième dossier : « L’école émancipatrice ». Lancer une revue en 2020  –  date de sortie du n°1 – dans un contexte où celles qui existent ont du mal à survivre relevait d’ un pari ambitieux pour les fondateurs. Le premier contact avec ce projet éditorial met le lecteur face à d’heureuses découvertes. D’abord un comité de parrainage prestigieux avec des personnalités comme Patrick Boucheron, Julia Cagé, Gaël Giraud, Guillaume Duval , Patrick Weil … Ensuite un comité de rédaction qui réunit une équipe de quarante personnes : des chercheurs – dont toute une génération de jeunes – , des hauts-fonctionnaires et intellectuels issus d’ institutions de recherche européennes et internationales. Enfin un objet éditorial qui impressionne par son format – 316 pages pour le n°5 – et par la qualité de la maquette où titres, intertitres, citations détachées contribuent à faciliter la lecture d’articles souvent denses.

Nommer la revue « Germinal »  n’est pas neutre. Marion Bet,  doctorante en philosophie à l’EHESS et cofondatrice de la revue,  précise que ce titre vise à « illustrer notre ambition républicaine, au travers du rappel du mois printanier du calendrier révolutionnaire de 1792, symbole de liberté politique, d’égalité des droits et de responsabilité sociale […] évoquer notre aspiration socialiste, à travers l’histoire des luttes ouvrières effectivement représentées par Zola […]  Enfin, il y a dans Germinal un symbole écologique avec l’image printanière de la germination, force de régénération et signe de vitalité. Ce nom présage, nous l’espérons, du dialogue fructueux qui émergera d’une part entre la revue et l’opinion publique, les acteurs politiques et les citoyens en général, de même qu’entre les sciences sociales au sein de la revue ».

Germinal se veut «  une publication généraliste à l’heure de la spécialisation »,  avec « un discours exigeant à l’heure de la société du spectacle »,  et « le sens du collectif à l’heure de l’individualisme ».

Les deux coordonnateurs de ce dossier n° 5 , Marion Bet et Christophe Prochasson,  précisent dans l’édito « Au cœur d’une conception socialiste de l’école doivent se trouver trois grands principes contrant les conceptions conservatrices et libérales qui disposent aujourd’hui de la plus grande écoute : équité de la différenciation, universalité du système scolaire, émancipation par le savoir ». 23 contributions permettent d’aborder les points névralgiques essentiels du système scolaire d’aujourd’hui : massification, inégalités, école inclusive, laïcité, formation, carte scolaire, méritocratie, enseignement professionnel…. On y retrouve  les signatures  de Jean-Paul Delahaye, Éric Charbonnier, Vincent Peillon, Claude Lelièvre, Pierre Merle, des témoignages d’enseignants, de responsables syndicaux , des analyses de chercheurs.

Ce vaste tour d’horizon – qui ne manque pas, au travers notamment de l’interview de Vincent Peillon, le coup un griffe sévère aux années Blanquer –  nous met face à un certain nombre de constats .

Quelques extraits :
« La qualité d’un système d’éducation n’est jamais supérieure à la qualité de ses enseignants |…] la façon dont on les forme, dont on leur permet d’évoluer dans leur carrière, dont on les place en fonction de leur excellence […] est une clef de diminution des inégalités sociales et solaires » (Eric Charbonnier).
« faire réussir tous les enfants est une question essentielle pour notre pacte républicain car nous ne pourrons indéfiniment prôner le vivre ensemble sur le mode incantatoire et dans le même temps abandonner sur le bord du chemin une partie des citoyens. Ceux qui à tort ou à raison estiment qu’ils n’ont pas accès aux mêmes droits que les autres auront des difficultés à accepter longtemps d’avoir les mêmes devoirs que les autres »  (Jean-Paul Delahaye)
« Le lycée devient un lieu d’individualisation par la négation du collectif ; les projets communs disparaissent au profit d’élèves autoentrepreneurs » ( Emma Dupont)
Il nous donne à voir également les clivages dans le monde de la gauche sur la manière de traduire dans des choix de mises en œuvre une « priorité à l’éducation ».
Le dernier texte du dossier  « Comment être chef d’établissement en démocratie ? » proposé par l’historien Christophe Prochasson – ancien recteur – souligne : « si autonomie des établissements il doit y avoir celle-ci doit être partagée par l’ensemble des acteurs coordonnés par les chefs d’établissements ». Des chefs dont l’autorité repose « sur des qualités personnelles faites de savoir et d’intelligence des situations ».
Traversé par le constat d’une profession enseignante en souffrance et manque de reconnaissance le dossier rappelle que la tentation du recours à des pratiques verticales et frontales est « la solution la plus paresseuse » . Il invite à des dispositifs collaboratifs attentifs à la parole de tous les acteurs de la communauté enseignante.
Nicole Priou