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Réécriture et écriture d’invention au lycée
Violaine Houdart-Merot propose une approche à la fois érudite, claire et pratique de la réécriture ou de l’écriture d’invention, très utile pour s’approprier ce nouveau domaine du travail de l’écriture au lycée (et d’ailleurs aussi au collège, ou en formation d’adultes). Cet ouvrage s’appuie uniquement sur des textes littéraires ; il s’inscrit dans la perspective des récentes instructions pour le lycée et des documents d’accompagnement de 2001, mettant en avant de nouvelles relations entre la lecture et l’écriture. Il s’appuie sur l’hypothèse que toute écriture est toujours une réécriture et que l’approche de l’écriture par la réécriture et l’approche romantique par la notion d’inspiration ne doivent pas être opposées.
Son contenu est en lien notamment avec l’objet d’études de 2de « le travail de l’écriture », et avec « la réécriture » en 1re L tout en fournissant de nombreuses pistes d’approche par l’écriture des autres objets d’études. Il ne constitue cependant pas une méthode directe pour travailler les formes particulières et actuelles de l’écriture d’invention au baccalauréat, ce n’est pas son objet, même s’il propose de nombreuses pistes de travail pour les séquences.
Dans une première partie, l’ouvrage comporte une présentation historique de la réécriture dans l’histoire de la littérature, suivie d’une synthèse très précise et éclairante des théories littéraires concernant l’intertextualité. Les différents types de réécriture sont ensuite présentés dans les quatre parties suivantes de l’ouvrage :
– insertion de textes (citations, plagiats, allusions),
– transformation de textes (traductions, parodies, transmutations de textes, réécriture de soi et correction de manuscrits),
– imitation de manières ou de discours (manières et pastiches, imitations d’écrivains, d’époque ou de mouvements littéraires, de discours),
– imitation de genres ou de registres.
Dans chacune de ces parties et dans les différents genres présentés, on retrouve une mise en perspective historique et littéraire, illustrée d’exemples précis et variés, accompagnée, le cas échéant, d’une mise au point terminologique ou théorique ou de réflexions sur les différentes catégories : des propositions d’exercices à pratiquer dans les classes les complètent.
Outre l’intérêt de l’approche historique, on signalera la clarté et la rigueur de la présentation des théories littéraires de l’intertextualité, de Bakhtine à Julia Kristeva, Barthes, Riffaterre et enfin Genette. Cette mise au point se fait au besoin critique, notamment par rapport à certaines des catégories proposées par Genette, qui fondent cependant les classifications de cet ouvrage.
Chacun trouvera une riche matière et des pistes de travail selon ses préoccupations ou ses intérêts, autant d’ailleurs, dans les analyses des pratiques de réécriture des écrivains eux-mêmes que dans les propositions d’exercices variés. Parmi les exemples littéraires de réécriture, on lira, par exemple, la correction des Aventures de Télémaque de Fénelon par Aragon, de nombreuses analyses de transposition d’un genre dans un autre, comme la transposition au théâtre de Jacques le Fataliste et son maître par Milan Kundera, la réécriture par Bauchau du mythe d’Antigone, dans un roman dont la narratrice est le personnage éponyme…
Les réflexions sur les différentes catégories offrent également un cadre de travail fécond et utile. En ce qui concerne par exemple la définition de la parodie, qui reste floue dans les documents d’accompagnement, Violaine Houdart-Merot propose de la définir, d’une façon assez large et en cohérence avec la tradition classique comme « tout texte qui dérive de la transformation comique d’un texte singulier » (p. 85), les transformations pouvant affecter le style ou le sujet, le burlesque étant réservé à « toute transposition d’un sujet noble en style vulgaire ». Après une analyse des usages ambigus du terme, le pastiche est défini comme « toute imitation d’une manière d’écrire, ayant le plus souvent (mais pas seulement) une dimension comique, qu’il s’agisse de la manière d’écrire d’un écrivain, d’une époque, d’un mouvement littéraire ou d’un type de discours. » (p.131) etc.
On ne trouvera pas ici de préparation directe pour l’EAF, dont les épreuves complexes d’écriture argumentative, proche d’une culture du commentaire, ne laissent pas de nous interroger, ni de réflexion sur les enjeux réels de l’écriture d’invention dans les programmes : nouvelle approche de la littérature ou de l’écriture ? Mais cet ouvrage éclaire et fonde, en revanche, par l’histoire de la littérature et de son enseignement, par les pratiques scripturales des écrivains eux-mêmes, par l’évolution de la critique, le statut de l’écriture d’invention dans les programmes. On y puisera une riche culture pour nourrir la réflexion sur l’écriture et la réécriture, des catégories et des points d’appui notionnels, des exercices à retrouver, à découvrir ou à transformer.
Isabelle de Peretti