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Quelles conditions pour la réussite de lycéens de la voie professionnelle dans le supérieur ?

L’École Nationale d’Enseignement Professionnel Supérieur (ENEPS) est née du plan campus en 2008. L’idée était de créer une école nationale d’excellence, réservée aux bacheliers professionnels : la notion d’égalité des chances est bien un élément fondateur.
Le projet de cette école est le résultat d’une volonté politique de l’Université Joseph Fourier (UJF). Le département Génie civil (GC) de l’IUT1 de l’UJF a été sollicité pour mettre en œuvre une telle école, avec l’accord de l’équipe pédagogique pour monter ce projet.
Cette école a recruté, à la rentrée 2010, pour sa deuxième rentrée universitaire, des lycéens issus du baccalauréat professionnel du secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP), leur permettant ainsi d’intégrer un cursus universitaire au sein de l’UJF. À compter de la rentrée 2010, l’ENEPS ouvrira également une deuxième spécialité, Génie électrique et informatique industriel (GEII).
L’objectif, dans un premier temps, est de donner aux étudiants un enseignement adapté afin qu’ils puissent obtenir en deux ans un Diplôme Universitaire de Technologie (DUT), spécialités Génie civil ou Génie électrique et informatique industriel. Ensuite munis de ce diplôme, les jeunes pourront poursuivre vers une licence professionnelle ou une licence de sciences et technologies, voire un master professionnel ou une école d’ingénieur au sein de l’UJF.

Un cadre privilégié

Cette école présente des particularités dans trois domaines.
– Tous les enseignants ont été volontaires pour s’impliquer dans ce projet. Ceuxqui ont la responsabilité de la première année sont d’origines diverses : dix enseignants agrégés, en poste à l’IUT1 département Génie Civil ou à l’UFR Mécanique de l’UJF, sept enseignants-chercheurs de l’IUT1, du département GC et de l’UFR Mécanique de l’UJF, deux enseignants, certifié et agrégé de lycée, ainsi que deux intervenants du monde professionnel. Beaucoup ont déjà enseigné dans le supérieur, seuls les enseignants de l’UFR de Mécanique et du lycée n’avaient jamais exercé en IUT. Le choix d’une équipe à expériences multiples a été fait dès le départ. À cette diversité se conjugue une motivation commune : le défi à relever, l’expérience pédagogique à mener pour faire réussir ces élèves.
– L’organisation de l’année universitaire se déroule sur trente-quatre semaines afin de répartir la charge pédagogique hebdomadaire.
– L’effectif de la promotion est limité de sorte que les enseignants puissent travailler au plus près des besoins des étudiants. La promotion de vingt-quatre étudiants est composée essentiellement de bacheliers professionnels. Les cours et les travaux dirigés se déroulent ainsi avec un nombre d’étudiants restreint et les travaux pratiques par groupes de douze. La pédagogie dans chacun des modules est adaptée et basée sur la pédagogie de projets. Chaque jeune dispose du tutorat d’un enseignant pour le bon fonctionnement de son Projet Professionnel Personnel (PPP). Des heures d’étude sont intégrées de manière hebdomadaire à raison de deux fois une heure et demie. Cette étude est « pilotée » par des rotations de binômes d’étudiants de deuxième année, classés parmi les vingt premiers en fin de première année de la formation initiale classique du DUT GC.
Cette école entretient un partenariat institutionnel en termes de prestations sociales. Une convention entre le CROUS de Grenoble et l’UJF a été signée afin que ces jeunes puissent intégrer un logement universitaire situé dans un même bâtiment, et assurer un suivi des demandes de bourse.

Enfin, cette école a un partenariat privé.
– Une convention de partenariat a été signée, en septembre 2009, entre le groupe Bouygues GFC Construction et l’UJF sur un protocole bien précis : accueil de stagiaire, visite de chantier, suivi pédagogique professionnel à travers des projets tuteurés.
– Une convention de partenariat va être signée entre la fondation du groupe Schneider Electric et l’UJF, et là aussi avec un protocole bien précis.
– Des bourses d’excellence ont pu être mises en place grâce à la fondation SPIE Batignolles.

Des stages ont été proposés grâce à la collaboration du groupe Vinci et aux entreprises locales du bâtiment et des travaux publics.

Des résultats encourageants

Les résultats intermédiaires de la première promotion, dont les étudiants ont été recrutés après une sélection stricte, sont très encourageants. Treize étudiants ont été retenus à la rentrée universitaire 2009-2010 pour cette section GC sur soixante-cinq candidatures. Les critères de sélection sont basés sur les avis des proviseurs (seuls les avis favorables et très favorables ont été retenus) et les avis des enseignants ainsi que la motivation des candidats.
À ce jour un seul abandon, en décembre 2009, est à dénombrer, il s’agit d’un très bon étudiant, mais pas suffisamment motivé pour poursuivre en GC. À mi-parcours, un étudiant a été invité à se réorienter vers un BTS en fin d’année universitaire. Les onze autres étudiants ont obtenu une moyenne générale allant de 13 à 9/20 (un seul étudiant). Le taux d’échec est donc pour l’instant très relatif, 15 %, dont un départ et une réorientation très probable.
Mais la réussite globale est à la fois psychologique et pragmatique, elle tient en plusieurs points :
– la prise de conscience de ces étudiants qu’ils sont entrés à l’université dans une École intégrée à une structure à forte valeur ajoutée, pédagogique et matérielle, filière qui a quarante ans d’expérience ;
– une équipe pédagogique qui communique beaucoup, trois réunions pédagogiques ont eu lieu depuis la rentrée ;
– le rôle des délégués du groupe avec le directeur se concrétise par des échanges permanents ;
– l’étude mise en place rassure les étudiants et leur donne la possibilité de travailler avec des jeunes inscrits en 2e année GC ;
– le PPP et le tutorat enseignant-étudiant permettent le suivi des jeunes ;
– le groupe restreint constitué de douze étudiants est aussi un facteur de réussite.

Entretien avec Pierre Billet, directeur de l’ÉNEPS, réalisé par Dominique Zambon et mis en forme par Sabine Coste