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Quelle rentrée nous a préparé le BO ?

Au quotidien, nous l’oublions, et pourtant c’est une réalité en marche : nos objectifs nationaux s’inscrivent depuis juillet 2000 (sommet de Lisbonne) dans un ensemble de visées communes « désignant des performances à atteindre au niveau de l’ensemble de l’Union européenne d’ici 2010 […] qui constituent par là même autant de références pour notre politique éducative en ce qui concerne la maîtrise des compétences de base, les sorties du système scolaire sans qualification, l’achèvement du cycle secondaire, le nombre des diplômés en mathématiques, sciences et technologie ainsi que la participation des adultes en âge de travailler à la formation tout au long de la vie ». On devrait ainsi voir se multiplier des procédures d’évaluation destinées à mesurer des acquis et à comparer les résultats des différents systèmes scolaires. Ainsi, on apprend dans ce BO que la DEP devait réaliser en mai-juin 2004 une « évaluation-bilan dont les données devraient, pour la première fois, fournir une appréciation (au moins pour certaines académies) des compétences générales atteintes par les élèves en fin de collège ».
Nous ne sommes qu’au début de nos réflexions sur la pertinence des choix éducatifs mis en œuvre dans différents pays et sur leur évaluation comparée. On a dit beaucoup de bien ces dernières années du modèle finlandais qui réussirait à allier réussite humaine et scolaire ; il faut sans doute y aller voir de plus près (ce que fera le n° des Cahiers de mars 2005, tandis que le n° de novembre 2004 présentera le système italien).

L’autonomie, qu’en faisons-nous ?
La lecture du BO nous rappelle une évidence dont nous ne nous saisissons guère : celle de l’autonomie des établissements « qui ne se confond pas avec la nécessaire liberté pédagogique des maîtres [et] ne peut être exercée individuellement par chaque enseignant. Elle est mise en œuvre d’une part au niveau des écoles et des établissements (offre de formation, constitution des classes, des emplois du temps) et, d’autre part, au niveau des équipes pédagogiques (équipes des enseignants d’un même cycle, d’une même classe, d’une même discipline, d’une même filière). Le travail en équipe est le corollaire obligé de la mise en œuvre de l’autonomie ». On aimerait que cette dernière phrase porte en germe l’avènement du travail en équipe généralisé dans nos établissements… Il faut en effet redire la marge de manœuvre non négligeable dont nous disposons et qui n’attend que notre imagination pour produire des effets : « À l’école primaire, de nombreuses possibilités de souplesse sont permises notamment à l’intérieur des cycles ; les choix opérés prennent sens dans le projet d’école qui regroupe les principaux axes de travail retenus pour répondre aux besoins des élèves. Dans le second degré, les textes réglementaires précisent déjà de nombreuses possibilités de souplesse horaire […] Il est souhaitable d’aller au-delà et d’expérimenter de nouveaux modes d’organisation des enseignements et de mise en œuvre des programmes. Les professeurs d’une même discipline et d’un même niveau peuvent organiser en commun une partie de leurs heures d’enseignement. Plusieurs combinaisons sont possibles : dédoublements sur une partie de l’horaire, regroupements de classes avec un même professeur sur une autre partie, interventions communes… Il est également possible d’associer ces modes d’organisation avec des regroupements d’horaires en séquences mensuelles ou bimensuelles […] »
Voit-on beaucoup d’établissements où cette souplesse est utilisée, que ce soit pour regrouper des heures d’enseignement et en finir avec le morcellement en tranches de 55 minutes, ou pour discuter sérieusement d’une répartition de moyens horaires sur un niveau donné ?
Les militants que nous sommes doivent cependant admettre leurs contradictions. Nous faisons l’éloge d’une autonomie « bien tempérée »… jusqu’au moment où elle est prétexte pour mettre fin, de fait, aux IDD1 : « Il est possible […] de substituer aux IDD d’autres modalités d’aide aux élèves en considérant que les moyens dévolus aux IDD sont mis à la disposition des équipes pédagogiques pour l’usage qui leur semblera le plus utile aux élèves. » Le tour de passe-passe est visible. Rappelons que les IDD ne sont en aucun cas des heures d’aide, mais des heures d’enseignement pour tous les élèves, même si tous ne font pas la même chose. Et que proposer à tous les enseignants de choisir entre des heures d’aide – scénario connu- et des IDD qui nécessitent un investissement de chacun pour aller vers l’inconnu et une rénovation des pratiques, c’est être assuré du résultat… À moins, bien sûr, qu’une équipe ne décide de penser vraiment des formes d’aide aux élèves en se défiant des formes de remédiation aussi connues qu’inefficaces… Pari tenu ?

Qui va être formé ?
Toujours la même belle phrase pour affirmer que la formation continue est « un levier stratégique » pour développer les compétences des personnels. On y croirait davantage si l’on retrouvait un jour un programme d’universités d’été et de PNF digne de ce nom, alors que ce type de formation très riche a été réduit à néant en quelques années…
Il reste néanmoins trois catégories gagnantes ! Si vous être maître de CP ou CE1 ou en AIS ou débutant, vous avez une petite chance… « Un effort particulier sera entrepris en 2004 en particulier au CP et au CE1, pour accompagner la priorité donnée dans le premier degré à la prévention de l’illettrisme et à la mise en œuvre des nouveaux programmes. […] Au niveau académique, on continuera à porter une attention soutenue à l’accompagnement de l’entrée dans le métier des jeunes professeurs, mis en œuvre depuis deux ans. […] Une attention particulière est à accorder à la mise en œuvre de la formation rénovée dans le domaine de l’adaptation et de l’intégration scolaire. […] Les nouvelles dispositions de formation et de certification en ce domaine seront mises en œuvre dès la rentrée 2004. » Ah, les jolis futurs des BO, tendus vers des horizons prometteurs ! À vos tours de guet pour les voir s’approcher, peut-être…

L’alternance, c’est-à-dire ?
On attend un texte de cadrage, non paru encore en juin 2004, qui « précisera les aspects réglementaires et apportera les clarifications attendues pour mettre en évidence la spécificité des dispositifs (notamment sur la durée minimale de l’alternance et sa périodicité). Un document d’accompagnement, en cours de préparation, précisera les finalités et les modalités de cette diversification pédagogique ».
Le texte du BO, après des rappels divers, s’attache particulièrement au projet d’une classe de 3e « rénovée » avec possibilité d’option lourde de découverte professionnelle « pour ces élèves âgés d’au moins 14 ans qui manifestent une accumulation de retards ou de lacunes que les modalités traditionnelles de soutien scolaire ne permettent pas ou n’ont pas permis jusque là de surmonter, mais aussi des intérêts, des goûts ou des talents non pris en charge dans la scolarité ordinaire du collège, et dont la situation d’échec scolaire patent risque de les faire « décrocher » si on cherche à les maintenir dans le cursus ordinaire ». Le CRAP, avec d’autres mouvements, s’est prononcé contre ce projet (voir dans ce numéro « Parole du CRAP »). Certes, on ne peut, sur le principe de l’alternance et sur les formes qu’il peut revêtir, avoir un discours dogmatique. Mais cette proposition pour la 3e ne fait que reprendre l’idée que les élèves en difficulté ont simplement besoin de s’orienter vers un « ailleurs ». Nulle part on ne dit, ce qui serait pourtant indispensable, que les enseignants n’en ont pas terminé avec la prise en compte de l’hétérogénéité dans les classes, avec la recherche des meilleurs moyens pour favoriser la réussite de chacun, bref, avec la nécessité vitale de renouveler leurs pratiques. On continue donc à ne pas s’interroger sur la prise en compte de tous les élèves au collège : cela supposerait que les équipes d’établissement, voire de niveau, prennent en main des projets, des organisations, se donnent des objectifs. On en est loin (voir plus haut, « Autonomie »).
Ce projet de nouvelle 3e a reçu en juin un avis défavorable 2 du Conseil supérieur de l’enseignement (organe consultatif).

Changements dans les séries lycée
Série L : « Dans la voie générale, prolongeant la création en série L d’une option obligatoire au choix de mathématiques à la rentrée 2003, un enseignement de spécialité de 3 heures est institué en classe terminale à la rentrée 2004 dans cette même série. Les mathématiques deviennent de la sorte un des choix possibles d’enseignement de la série L et devraient permettre aux élèves d’élargir leurs possibilités de poursuite en langues vivantes en classes de 1re (séries générales et technologiques) et en histoire-géographie en classes terminales des séries ES, L et S. »
Série STT : « Dans la voie technologique, la rentrée 2004 marquera la préparation de la rénovation de la série sciences et technologies tertiaires (STT) qui entrera en vigueur à la rentrée 2005 en classe de 1re. […] Cette série, désormais dénommée sciences et technologies de la gestion (STG) [sera] une voie d’accès privilégiée à l’enseignement technologique supérieur, plus particulièrement dans les sections de techniciens supérieurs (STS) et les instituts universitaires de technologie (IUT). » Le BO invite ainsi les autorités à organiser l’information des élèves de 3e sur « les exigences nouvelles de la future série « sciences et technologies de la gestion », afin de réduire les orientations « par défaut » qui caractérisent trop souvent la série STT et qui conduisent nombre de bacheliers à des échecs lors de leurs poursuites d’études ».
On suivra avec intérêt le devenir de ce changement ; mais pour que la STT cesse d’être le lieu d’une orientation par défaut, il faudra sûrement plus qu’une modification d’étiquette…

Florence Castincaud