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Quand l’accompagnement éducatif part à la dérive…

En Ambition-Réussite, la question du travail à la maison se pose avec une acuité particulière : non seulement les élèves ne peuvent compter sur aucune aide pour faire leurs devoirs mais, en outre, ils ne disposent souvent d’aucun endroit pour travailler après l’école.

Un premier dispositif d’aide aux devoirs a donc été mis en place depuis de nombreuses années avec les associations de quartier. Mais en dépit d’une indéniable bonne volonté, les intervenants étudiants ou retraités, souvent bénévoles, se heurtent à d’importantes difficultés. Les groupes sont composés de 10 à 12 élèves qui, s’ils sont issus d’un même niveau et d’un même collège, sont répartis dans des classes différentes et n’ont donc pas les mêmes devoirs… La tâche est encore compliquée par les particularités du public : les intervenants, qui ne disposent d’aucune formation pédagogique, se trouvent souvent démunis face à des élèves dont les difficultés d’apprentissage et les lacunes sont extrêmement lourdes. Ils cèdent fréquemment à la tentation de faire les devoirs à leur place au lieu de les aider à reprendre leurs leçons, refaire les exercices vus en classe ou revoir leurs méthodes de travail.

Espoirs déçus

Le classement Ambition-Réussite et les moyens supplémentaires qui ont été alloués de ce fait nous ont en revanche permis de mettre en place un certain nombre de dispositifs de soutien pris en charge par des enseignants, et notamment les professeurs AR dont l’emploi du temps est aménagé en conséquence. Les élèves s’inscrivent chaque début de semaine aux séances, en précisant quel point du programme ils souhaitent reprendre ou approfondir. Ce fonctionnement permet un soutien réellement « sur mesure » et remporte donc un certain succès tant en terme de fréquentation que de résultats.

Nous placions beaucoup d’espoir dans l’accompagnement éducatif, et notamment dans l’axe « aide aux devoirs et aux leçons » qui nous donnait les moyens d’étendre un dispositif d’aide au travail encadrée par des professionnels. Un appel à projets a donc été lancé sur la base d’une enveloppe d’heures qui s’est rapidement révélée bien moins importante que prévu. Nombre d’enseignants n’ont pas souhaité y répondre, estimant leur charge de travail déjà trop lourde pour pouvoir s’y consacrer de manière satisfaisante. D’autres ont malheureusement profité du flou qui règne autour de la notion d’ « accompagnement éducatif » : divers dispositifs ont fleuri de toutes parts et en ordre dispersé sans qu’aucun contrôle sur les contenus ou sur la présence des élèves puisse être exercé (pas d’inscription préalable, pas d’appel, aucun d’outil de suivi, pas même de salle fixe… un véritable casse-tête pour la Vie Scolaire…). Ces espaces sont rapidement devenus des « fourre-tout » dans lesquels se côtoient des élèves jugés en difficulté et inscrits d’autorité par leurs enseignants, les élèves punis et mis en retenue par le professeur assurant l’accompagnement éducatif et enfin des élèves volontaires, désireux de profiter d’une aide supplémentaire pour effectuer leur travail. Les enseignants qui se sont engagés sur ces dispositifs n’ont pas pris conscience (ou n’ont pas voulu prendre conscience) du conséquent travail de préparation, de concertation et de suivi qu’exigent de telles actions pour être efficaces. Faute de candidatures, certains ont accepté jusqu’à 5 heures d’accompagnement éducatif par semaine en plus d’un service pouvant aller jusqu’à 20 heures.
La plus grande opacité règne tant sur les critères d’attribution des heures allouées que sur l’évaluation des résultats des diverses actions et on semble attacher plus d’importance à l’affichage de projets aux titres ronflants qu’au bénéfice que peuvent en retirer réellement les élèves. En l’état actuel des choses, parler d’ « accompagnement » ne relève-t-il pas de la supercherie ?
L’aide aux devoirs est une chose bien trop sérieuse pour être ainsi bâclée ou réduite à une distribution d’heures, sans principes.

Laure Varin, CPE.