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Qu’est-ce qu’un bon ministre ?
Un ministre, finalement, est toujours décevant. S’il dérange, on le lui reproche. S’il ne dérange rien, on le lui reproche. Mais à tout prendre, on préfère celui qui ne dérange rien. L’excellent La Fontaine, là-dessus, avait tout dit.
Du côté des hommes politiques, la perception du ministère de l’Éducation nationale a énormément changé. Le portefeuille était, jadis, considéré comme « technique », peu attrayant, peu porteur aussi. On savait la machine lourde et les syndicats puissants. Tout pour déplaire. Mais la démocratisation de l’accès au collège et l’investissement des familles, en période de crise sociale anxiogène, dans l’école et dans la quête de qualification pour les jeunes, ont modifié la donne.
Ce ministère reste jugé périlleux, et il l’est. S’agissant d’éducation, la réaction des usagers comme des personnels est terriblement impulsive, affective : on descend dans la rue d’abord, et on réfléchit après. Un candidat au poste doit savoir que, l’espace d’un mandat, il connaîtra un jour ou l’autre manifestations et incidents.
Hors micro, il n’est, par exemple, pas un homme politique, en France, qui ne considère que l’université a besoin d’une augmentation raisonnée des droits d’inscription. Tout le monde le pense, tout le monde le sait, tout le monde s’accorde sur l’idée qu’il faut revoir les systèmes d’aide et de bourses (là passeront les fractures programmatiques). Il n’empêche : le premier candidat qui le dit risque la mort.
Le portefeuille de l’Éducation nationale a cependant d’autres attraits. D’abord le budget. Le premier. Un ministre qui a cela en charge ne peut que peser lourd. Ensuite la visibilité. L’école concerne tout un chacun. En cette saison où les carrières se font ou se défont sur les plateaux de télévision, la chose n’est pas à négliger.
Rien ne sert de demander aux politiques de ne pas faire de politique. C’est une activité exténuante, dangereuse, où le temps file à une vitesse effrayante, spéciale. En revanche, on a le droit de leur demander de le faire bien. On a même le droit de les y aider.
Qu’est-ce, alors, qu’un bon ministre de l’Éducation nationale ?
Premièrement, quelqu’un de compétent et d’investi. Nous venons, sous le dernier mandat de Jacques Chirac, de voir défiler trois ministres médiocres (je ne dis pas des hommes médiocres). Que dirait-on d’un médecin ignorant des travaux et des recherches ? Un ministre n’est pas un expert mais doit savoir solliciter l’expertise. Ceux-là se sont crus libres de s’en passer.
Deuxièmement, quelqu’un qui met son ambition dans l’éducation même. Trop de politiques ont regardé la rue de Grenelle comme une simple étape. François Bayrou était compétent. Mais il a agi le moins possible car, ce qui l’intéresse, c’est l’Élysée et rien d’autre. Je suggère que nous introduisions dans la constitution un article stipulant qu’un ancien ministre de l’Éducation nationale ne peut être candidat à la présidence.
Troisièmement, quelqu’un de calme, quelqu’un qui réussit à gérer le présent pour penser l’avenir. Claude Allègre, par exemple, a brassé beaucoup de bonnes idées. Mais les bonnes idées n’avancent pas quand on sacrifie au plaisir narcissique de la formule à l’emporte-pièce. Ses bonnes idées, au bout du compte, il les a fait reculer.
Ça existe pourtant, un bon ministre. À droite Christian Beullac, à gauche Alain Savary – qu’on partage ou non leurs options idéologiques – ont agi avec conviction et avec efficacité.
Oui, ça existe. Encore faut-il que, chez ceux d’en haut comme chez ceux d’en bas, on en finisse avec les réflexes du camarade Pavlov.