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Qu’apprend-on au collège ?
Le livre est censé s’adresser d’abord aux parents, puisqu’il s’agit de « comprendre ce que nos enfants apprennent ». Or, nombre de commentateurs ont souligné sa complexité et François Dubet par exemple note dans Le Monde qu’un livre destiné à un vaste public reste à concevoir. Pas simple d’ailleurs si l’on ne veut pas justement trop réduire la complexité…
En fait, il sera surtout utile aux professionnels de l’éducation. On ne peut que saluer cette initiative, puisque sous cette forme ramassée, dans une langue très accessible, chaque enseignant dispose d’un ensemble qui lui permettra de mieux savoir ce qui doit être appris dans les autres matières.
On n’empêchera jamais personne d’accuser cette tentative pour définir une culture commune et des exigences de base comme un pas de plus vers on ne sait quel triomphe de l’ignorance, comme une pièce supplémentaire d’un grand complot contre les savoirs. Pourtant, si on regarde sérieusement tout ce qui est écrit, on se rend compte que l’exigence est forte, parfois même irréaliste dès lors qu’il s’agit de permettre à tous les élèves de s’approprier les savoirs en question. Luc Ferry parle d’ailleurs de l’« idéal éducatif du collégien ». Voilà en tout cas des points de repère, des balises, qui permettent de donner plus de sens à son enseignement, tout en ouvrant sur l’interdisciplinarité. À plusieurs endroits en effet, il est fait allusion aux ponts entre disciplines et plus précisément aux itinéraires de découverte qui doivent se mettre en place au cycle central. Nous y reviendrons dans les Cahiers. Le ministre réaffirme la dimension culturelle de ce nouveau dispositif obligatoire. Il ne s’agit pas de faire du récréatif, mais bien de relier des projets de haut niveau, mêlant des facettes diverses de la Culture (y compris dans sa dimension technologique) à l’appropriation des savoirs fondamentaux. « Moyen de remotivation pour les uns, voie d’approfondissement pour les autres, elle permet d’entretenir le goût de l’effort et de relever le défi de l’hétérogénéité ».
Dans les disciplines, la dimension historique et épistémologique apparaît à chaque fois et c’est sans doute le plus important et le plus novateur. Là encore, les échanges interdisciplinaires peuvent en être facilités grâce à cette explicitation du sens de chaque approche.
Reste que cette publication n’a vraiment d’intérêt que si les enseignants s’en servent, l’utilisent pour réfléchir sur ce qu’ils enseignent, pour mieux se poser la question du « pourquoi » au moins aussi importante que celle du « comment ». Et elle ne peut être qu’un élément d’un ensemble qui implique aussi de nouveaux modes d’évaluation, une nouvelle organisation du temps scolaire, et sans doute des changements dans la formation initiale et continue.
Espérons, même si nous avons si souvent l’occasion de craindre le contraire, que les choses iront dans ce sens, que le nouveau ministre, quel qu’il soit, ira de l’avant, sans craindre trop les éternels conservateurs et lobbies corporatistes, tout en étant pédagogue…
Jean-Michel Zakhartchouk