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Modes et dérives en pédagogie

C’était le titre du numéro 330 des Cahiers, en janvier 1995. Ce pourrait être un dossier à reprendre régulièrement. Les Cahiers sont-ils un véhicule des modes pédagogiques ? Oui, puisque nous sommes dans les eaux vives des courants que nous trouvons novateurs, porteurs de changements salutaires pour l’école. En 1995, les innovations, largement diffusées à travers les stages Mafpen, c’étaient la gestion mentale et La Garanderie, la pédagogie différenciée, « faire émerger les représentations », l’évaluation formative et les grilles critériées.

En 2013, il n’y a presque plus de formation continue, c’est par d’autres voies que se diffusent les idées et pratiques nouvelles, le travail par compétences, les classes sans notes, le numérique et les twittclasses, l’organisation du temps scolaire, etc. Ces modes, souligne le dossier de 1995, sont intéressantes dans leur contenu : elles mettent l’accent sur un point jusque-là laissé dans l’ombre ou proposent des façons de faire qui enrichissent l’arsenal pédagogique. Le problème, c’est qu’elles courent sans cesse le risque d’être davantage affaire de discours que de pratiques. Pour tous ceux, dont nous sommes, qui s’échinent à faire bouger les fonctionnements rigides de l’école, l’idée neuve qu’apporte un courant de recherche est une manne dont ils s’emparent avec parfois un excès de conviction, frôlant le dogmatisme d’un discours prescriptif et la généralisation un peu hâtive.

Il a fallu, dans les Cahiers, à intervalles réguliers, se demander à quels élèves profitaient surtout les pédagogies dites « actives » ou quelle validité avait la notion de « profils » d’apprentissage ; il a fallu accepter de rethéoriser nos chères idées, en les réexaminant comme des hypothèses de travail à la lumière du réel, qui résiste, à son habitude. C’est ce que nous avons encore à faire en ce moment où l’envie que les réformes réussissent, que le volontarisme du ministère fissure les immobilismes, pourrait nous pousser à être ou à paraitre des suiveurs de modes ou d’institutions. Veiller à ce que notre discours ne soit pas rigide ou intimidant, mais reste ancré dans la réalité de nos pratiques d’acteurs, à tous les niveaux, dans l’école. De la théorie, c’est-à-dire une réflexion éclairée, plutôt que des théories.

Florence Castincaud est professeure de français en collège à Nogent-sur-Oise (Oise)