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Autonomie accrue ou contrôle renforcé ?

La question de l’autonomie des établissements englobe nombre de difficultés concrètes et de problèmes irrésolus. Actée historiquement par le décret du 30 aout 1985, elle s’impose comme un préalable juridique sur lequel tout semble dit et écrit. Il y a bien, formellement et aux yeux de la loi, une autonomie des collèges et des lycées, décrétée dès les origines de ce statut d’établissement public et local d’enseignement (EPLE).

Or, elle ne cesse d’interroger les professionnels, d’interpeler les usagers, de titiller les décideurs publics. Les acteurs de terrain ne savent pas où la situer, comment la faire exister et l’inscrire dans leur travail quotidien. Les usagers ont parfois des attentes consommatrices (choisir un établissement, demander pour leur enfant des prises en charge spécifiques, etc.), qui engendrent de nombreuses frustrations. Les instances ministérielles sont mal à l’aise pour aborder un sujet seulement destiné à faire advenir une articulation judicieuse entre déconcentration et décentralisation. C’est un malentendu qui perdure et s’aggrave avec le temps et l’évolution des besoins éducatifs. Initialement, l’autonomie des établissements scolaires devait servir une décentralisation maitrisée, où l’État gardait un contrôle étroit et direct sur les missions déléguées aux collectivités par l’entremise d’une déconcentration conséquente et d’une double tutelle, administrative sur les instances déconcentrée et fonctionnelle pour les départements et régions. L’autonomie ainsi conçue n’était donc qu’un moyen sans rapport avec la gestion pédagogique locale.

L’évolution sociale a finalement dépassé l’intention originelle. La massification des publics scolaires, la diversification des contextes éducatifs, la complexification croissante des exigences de formation nécessitent désormais une mise en œuvre plus authentique de l’autonomie. Il faut adapter les prises en charge éducatives à l’hétérogénéité croissante des élèves, gérer de manière plus efficiente des ressources et des compétences diverses. Le monde dans lequel nous vivons est plus complexe qu’il ne l’était en 1980, la mondialisation et l’économie de la connaissance imposent des niveaux de qualification toujours plus élevés. L’école ne peut plus être gérée de manière standardisée. La simplicité du centralisme administratif doit évoluer vers davantage d’adaptabilité et de créativité.

Élargir les responsabilités données aux enseignants, faire vivre les initiatives locales en renouvelant les modes de gestion, faire confiance, plus directement et plus concrètement, aux acteurs d’un terrain éducatif en attente : telle est aujourd’hui l’urgence d’une pédagogie capable d’accompagner tous les élèves vers l’autonomie.

Jean-Christophe Torres, proviseur