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Réussir l’apprentissage de la lecture

L’école ne parvient pas à faire acquérir la lecture à tous ses élèves. À l’édition 2012 du PISA, 20 % des élèves français de 15 ans n’atteignent pas le niveau 2, « seuil à partir duquel les élèves commencent à faire preuve de compétences en compréhension de l’écrit qui leur permettront de participer de manière efficace et productive à la vie de la société ». Entre 2000 et 2012, cette proportion s’est accrue et le système français est plus inégalitaire que d’autres.

Comment l’expliquer ? Quels remèdes apporter ? Est-ce, comme voudraient le croire certains, « la faute de la méthode globale » ? L’explication serait simpliste. Il existe, certes, un consensus entre chercheurs sur l’efficacité d’un apprentissage systématique et explicite des correspondances entre les sons de la langue et les signes écrits. Et c’est ce qu’on observe dans une écrasante majorité des cours préparatoires : les enseignants enseignent le code. En revanche, on manque de recherches empiriques rigoureuses qui permettraient de savoir si certaines manières d’enseigner ces correspondances entre phonèmes et graphèmes sont plus efficaces que d’autres. Et surtout, apprendre à lire ne se réduit pas à la maitrise du code, y réussir dépend de bien d’autres connaissances et de bien d’autres conditions.

Ce dossier est consacré aux divers facteurs qui font que nos élèves deviennent lecteurs, dans une continuité qui va des premiers apprentissages jusqu’à l’âge adulte. Bien sûr analyser l’oral, apprendre les correspondances oral-écrit, automatiser l’identification des mots, apprendre à comprendre. Mais aussi avoir avec le langage un rapport permettant tantôt de l’utiliser pour communiquer, tantôt de se mettre en extériorité, de le considérer comme un objet d’analyse. Acquérir une familiarité avec les supports de l’écrit, des usages de ceux-ci, bref, entrer dans la culture de l’écrit. Comprendre le fonctionnement du langage écrit, véritable énigme pour les jeunes enfants ou pour ceux qui ont été tenus à part de l’univers de l’écrit.

Ce que nous montrent aussi les récits de pratiques réunis ici, c’est qu’il n’y a pas d’apprentissage de la lecture sans pratique des écrits, sans communautés de lecteurs, sans présence d’adultes qui commentent et explicitent ce qu’il y a à comprendre et comment s’y prendre. Le dialogue à propos des textes est un moyen d’entamer un dialogue avec les textes, d’« inscrire la présence du lecteur dans le texte lu ». Les interactions permises par les technologies numériques ouvrent également des possibilités.

Difficile, alors, de séparer l’apprentissage de la lecture des contextes et des contenus de la lecture. Les grands lecteurs sont ceux qui ont des raisons de lire. Est-ce qu’on peut vraiment aimer lire, tout court ? Celui-ci dévore des romans d’aventures, tel autre des revues de moto, et tel autre des documentaires sur les animaux. On lit pour s’évader, pour trouver un écho à ses inquiétudes, pour apprendre, pour répondre à ses curiosités, pour résoudre des problèmes, pour comprendre le monde, etc. La lecture est au cœur des pratiques scolaires dans toutes les disciplines. C’est ce qui peut permettre de dépasser le découragement devant des tâches vues comme insurmontables (« on va lire tout ça ? »).

En somme, apprendre ou réapprendre à lire exige de bénéficier d’un enseignement systématique, cela demande aussi de s’insérer dans des réseaux de sociabilité autour des écrits. Mais sans désir, sans projet, sans confiance en soi, pas grand-chose n’est possible.

Jacques Crinon
Professeur en sciences de l’éducation à l’ESPÉ de l’académie de Créteil, membre du comité de rédaction des Cahiers pédagogiques