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Jean, Sofiane, Shaïma et Pauline

« L’école maternelle n’est pas une école au sens ordinaire du mot : elle forme le passage de la famille à l’école, elle garde la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même temps qu’elle initie au travail et à la régularité de l’école […] », décrivait l’arrêté du 22 juillet 1882, relatif à l’organisation pédagogique des écoles maternelles. Mais elle s’est peu à peu dévoyée de ses fins : « On oublie qu’elle a son objet propre ; qu’elle ne doit être ni une garderie, ni une école élémentaire ; qu’elle doit seulement préparer et acheminer les enfants à cette école », déclarait Pauline Kergomard aux préfets et inspecteurs d’académie en 1905.
Ou, un peu plus tôt, « l’école doit être faite pour l’enfant et non l’enfant pour l’école ! Hélas, ces idées sont lentes à pénétrer les esprits. Depuis quelques années, ceux qui aiment vraiment les enfants sont hantés par une inquiétude qui augmente chaque jour. Cette inquiétude est provoquée par le travail prématuré et disproportionné auquel sont soumises les jeunes intelligences[[Pauline Kergomard, L’éducation maternelle dans l’école, 2e éd., 1889.]] ». Et Pauline Kergomard d’annoncer, qu’« après tant d’essais sincères mais infructueux, il faut ouvrir les yeux à l’évidence : apprendre ce qu’il faut savoir pour être digne non seulement d’instruire, mais “élever” des enfants du peuple, c’est une chose ; ­apprendre ce qu’il faut savoir pour donner de bonnes habitudes physiques, morales et intellectuelles aux enfants de 2 à 6 ans, c’est une autre chose[[Pauline Kergomard, « Dictionnaire Buisson 1911 », p. 1 258-1  259, in Ferdinand Buisson, Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction publique, éditions Hachette, 1911.]] ».

Aujourd’hui encore, les mêmes interrogations, les mêmes dilemmes et de nouvelles attentes pour « notre exception française ». Suffira-t-il d’une bonne volonté de plus, suffira-t-il de remplacer une vérité par une autre pour refonder l’école maternelle ? Nous avons préféré ouvrir notre champ de vision, témoigner d’une école en marche, capable de saisir les mutations, de dialoguer pour construire à plusieurs l’école de demain. Nous avons voulu tendre un pont entre l’univers de la petite enfance et celui des professionnels de l’enseignement préélémentaire, faire une place aux enfants, aux parents, aux professeurs d’université, aux chercheurs, pensant qu’il était temps que les expériences se nourrissent les unes des autres.

Car aujourd’hui, travailler à la construction du jeune élève, c’est certes porter la spécificité de l’école maternelle, afficher ses savoirs et ses pratiques, mais plus encore partager collectivement ses missions. Nous n’avons pas réussi à recueillir le point de vue des collectivités, associations de parents d’élèves, membres du monde médical, architectes, éditeurs que nous avons sollicités. La réforme engagée touche aussi ces acteurs et leur point de vue nous intéressait. Ce sera pour une autre fois ; il faut du temps pour que chacun, fort de ses convictions, de son mode de fonctionnement, s’exprime au sein d’une même revue.

À l’heure où nous bouclons le dossier, la consultation sur le projet de programme de l’école maternelle vient de s’achever. À travers la lecture des questionnaires, ce qui frappe d’abord, c’est bien l’attachement des enseignants à leur école. À les lire, on se dit que l’on s’est frayé un chemin en réalisant ce dossier dans leurs certitudes et leurs interrogations : l’affirmation de compétences professionnelles spécifiques, le respect du développement de l’enfant, l’attention portée à ses besoins, la place du corps, du jeu, de la création artistique, les attendus souvent débattus, et puis le travail en équipe, l’évaluation et l’avenir des digital native.

Christophe Blanc
Conseiller pédagogique

Valérie Neveu
Inspectrice de l’Éducation nationale