Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Tu es fatigué ? Je te pousse

2img_2769.jpg

Nous faisons une sortie VTT avec nos élèves de BTS (brevet de technicien supérieur) sur deux jours, fin septembre. Nous partons à 8 h du lycée, nous nous extirpons de la banlieue urbaine pour gagner les monts du Lyonnais : une journée pour parcourir cinquante kilomètres. Nous dormons en gîte après un repas partagé, organisé par les élèves. Cette sortie n’a pas de rapport avec les enseignements que nous devons dispenser, mais c’est une sortie qui fédère. Elle met à l’épreuve la solidarité, car si ce n’est pas un réel exploit sportif, il y a quand même des cyclistes que d’autres pousseront dans les côtes, il y a la barre donnée pour retrouver l’énergie nécessaire pour gravir la nouvelle côte, etc. Cette sortie fait tomber les masques, elle accélère la connaissance des autres, et ceci dans tous les sens : entre élèves, entre professeurs, entre élèves et professeurs et réciproquement.
2img_2769.jpg
Autour des professeurs organisateurs, vraiment motivés, une dynamique se crée. «On part tous ? Oui, c’est obligé» , «Pas de vélo ? Tu connais bien quelqu’un qui peut t’en prêter un ?». Ceux qui refusent d’abord sont poussés dans leurs retranchements. Il reste le blessé, qui nous rejoindra le soir en camion.

Nos premières heures d’enseignement technologique servent à régler les vélos, à organiser l’intendance : «Qui prépare les menus, fait les courses, cuisine, lave, etc. ?» On prend du temps sur nos enseignements, car le bénéfice que nous tirerons de cette sortie compensera largement les quelques heures nécessaires pour élaborer, puis vivre cette sortie ensemble. Pour nous, c’est prioritaire.

Nous nous débrouillons pour trouver les 500 euros nécessaires à la location du gîte. En fait, en cours de seconde année, les élèves présentent leurs projets de fin d’études à un concours, et il y a toujours des projets qui permettent de récolter l’argent nécessaire à la sortie suivante. Nous ne demandons aux élèves que de financer le repas partagé.
502-int_img_11.jpg
Certes, nous pourrions organiser des sorties plus prestigieuses : du saut à l’élastique, l’ascension du mont Blanc. Mais cela poserait des problèmes de moyens. Là, nous sommes autonomes. L’important est d’offrir aux jeunes l’occasion de se dépasser. Pas dans un exploit sportif inatteignable. Quelque chose qui soit à leur portée. Tu es fatigué ? Je te pousse. Tu n’en peux plus ? On s’arrête et on partage un encas. Tu as crevé, j’ai des outils pour que tu répares, etc.

Même si les élèves sont tous majeurs, on s’expose toujours dans une sortie. Plus ou moins. Il y a toujours des chutes dans le fossé ! L’an dernier, malgré le rappel des règles de sécurité, il y a eu une chute collective : un poignet cassé qui a nécessité l’intervention des pompiers, une opération avec pose de broches. Une autre fois, au retour, on avait perdu un élève qui a mis plusieurs heures à nous prévenir. Le proviseur et quelques collègues viennent nous retrouver en voiture, juste pour partager le repas du soir : les élèves apprécient qu’ils se déplacent pour vivre cette soirée avec eux. Quand les seconde année voient partir les jeunes pour la sortie VTT, ils les envient avec nostalgie.

Patrick Loiseau
Pour une équipe d’enseignants en BTS CRSA, lycée Marcel-Sembat, Vénissieux