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TACIT, pour évaluer et remédier aux difficultés de compréhension de l’implicite des textes

Dans leur ouvrage collectif publié par l’ONL (Observatoire National de la Lecture), Michel Fayol et ses collaborateurs (2000) constatent que « devant un texte d’une quinzaine de lignes, 85% à 90% des élèves sont capables de prélever une information figurant littéralement dans le texte. Dès que le prélèvement direct d’informations ne suffit plus pour répondre, les performances chutent. Ainsi, relier entre eux des éléments présents dans le texte en les interprétant est une opération encore délicate, tout comme élaborer des inférences ». Comprendre un texte suppose non seulement la capacité d’identifier les informations explicites pertinentes qu’il contient mais également les liens implicites entre ces informations. Cette double compétence, une fois acquise par l’élève, sera à la base de nombreux autres apprentissages scolaires. La compréhension de consignes écrites est, en effet, à la base des exercices dans de nombreuses matières scolaires (De La Haye & Bonneton-Botté, 2007). Plus généralement, cette aptitude continuera de se révéler utile tout au long de la vie dans des contextes très variés.


La compréhension de l’implicite des textes : quel contexte ?

La capacité à effectuer des inférences est spontanée et instantanée chez les normo-lecteurs mais peut poser problème pour certains lecteurs et apprentis lecteurs en difficulté (élèves de Segpa, élèves en difficulté qui sont particulièrement nombreux en ZEP). Ce problème peut persister jusqu’à l’âge adulte : en 2007, 22% des participants à la Journée d’Appel à la Préparation à la Défense éprouvaient des difficultés de compréhension. Cain, Oakhill, Barnes et Bryant (2001) expliquent que les bons compreneurs, effectuant des inférences, intègrent stratégiquement les éléments venant et du texte et de leur base de connaissances pour comprendre et qu’ainsi la compréhension du texte leur permet d’étoffer leurs connaissances. Si ces stratégies ne sont pas maitrisées, mal ou pas utilisées, la compréhension est affectée. Nos propres recherches (De La Haye et al., 2012) mettent en évidence une augmentation des écarts du niveau de gestion de l’implicite des textes entre le parcours ordinaire et le parcours SEGPA sur les quatre années de collège. En effet, sur cette question de l’implicite, les élèves scolarisés en SEGPA ne semblent pas, en moyenne, progresser tout au long de leur scolarité au collège, contrairement aux élèves restés dans le cursus ordinaire.

Un programme d’entrainement scolaire à la compréhension de l’implicite en lecture devrait donc pouvoir pallier ce déficit en permettant l’apprentissage de ces stratégies. Cependant, dans l’enseignement de la lecture, de manière encore majoritaire aujourd’hui, la compréhension ne fait pas l’objet d’un enseignement spécifique systématique. Et l’analyse des pratiques pédagogiques (Goigoux, 2000) montre que les élèves ne sont que très peu sollicités sur le registre de la compréhension de l’implicite.
Pourtant un tel enseignement est possible (Rémond, 2003). Cèbe et Goigoux (2009), par exemple, ont développé des outils « papier-crayon », présentés dans un autre article de ce dossier. Un logiciel d’entrainement peut ainsi constituer un outil d’enseignement de la compréhension en elle-même, et ainsi faciliter l’apprentissage des stratégies de compréhension.

La construction du logiciel TACIT[[TACIT : Testing Adaptatif de la Compréhension Implicite de Textes : logiciel disponible à l’adresse suivante : http://www.tacit.fr.]]

Pour construire ce logiciel, nous avons utilisé la méthodologie des modèles de réponse à l’item. Ces modèles évaluent conjointement, sous la forme de paramètres estimés dans un modèle de probabilité, la compétence des élèves testés et la difficulté des épreuves, à partir d’une étude préalable sur un échantillon test de grande taille. Lors de cette phase préalable, nous avons donc présenté plus d’un millier d’items de manière aléatoire à plus de 2300 élèves du CE1 jusqu’à la 3e. Chaque item est constitué d’un court texte suivi d’une question inférentielle et de trois possibilités de réponses exclusives ainsi que d’une réponse « je ne sais pas ».

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Exemple d’item du logiciel TACIT

Les premiers résultats liés à la pratique de TACIT en classe (De La Haye et al., 2013) indiquent une efficacité réelle et notamment chez les élèves ayant un niveau de gestion de l’implicite très faible, ce qui est cohérent avec les retours des enseignants utilisant le logiciel dans leur pratique pédagogique.

Les fonctionnalités de TACIT

TACIT s’adresse à des élèves de classes primaires, collège voire lycée (parcours ordinaire et ASH). TACIT les aide à acquérir des compétences langagières primordiales dans la compréhension de texte (en particulier concernant l’implicite des textes), aspect essentiel du « socle commun de connaissances et de compétences ».
Le site n’est accessible qu’à des enseignants dument enregistrés, qui peuvent donner aux élèves un accès à des exercices en ligne. Le logiciel établit des statistiques de réussite. Il permet aux enseignants de connaitre le niveau de leurs élèves, qu’ils peuvent mettre en relation avec des réussites moyennes pour la même tranche d’âge, ou le même niveau de classe, et d’évaluer la progression des élèves au cours de l’année.

TACIT propose donc aux enseignants :
– un module d’évaluation (cinq évaluations disponibles) et un module d’entrainement,
– un suivi du niveau de compréhension de leurs élèves,
– des livrets d’entrainement adaptés au niveau de chaque élève,
– la possibilité de séances en classe entière ou en groupe de niveau,
– deux modes d’entrainement : autonomie ou tutoré par l’enseignant,
– la possibilité de faire travailler ensemble des élèves issus de classes différentes (décloisonnement ou soutien),
– des options paramétrables sur les exercices,
– un mode d’affichage pour vidéoprojecteur ou tableau blanc interactif,
– une aide contextuelle dynamique permettant une prise en main aisée du logiciel.
L’enseignant reste maitre du programme grâce aux deux types d’entrainements :
– Le mode autonomie : chaque élève travaille, individuellement et à son propre rythme, sur une série d’exercices, dont le niveau de difficulté est choisi par l’enseignant en fonction de l’élève. L’enseignant peut voir le contenu des exercices sélectionnés. Il voit aussi quel élève a choisi quelle réponse.
– Le mode tutoré : à partir d’une série d’items identique pour tous les élèves, l’enseignant contrôle le passage à l’exercice suivant. Les élèves répondent et le système leur demande d’attendre que tout le monde ait répondu. Cela permet d’aménager des phases de discussion et de correction en petit groupe ou en groupe classe. L’enseignant peut ensuite décider de faire repasser l’exercice ou de passer à l’exercice suivant. Il peut repérer les réponses choisies par chaque élève et faire expliciter les stratégies des élèves pour mieux comprendre les erreurs et permettre de faire prendre conscience aux élèves des stratégies efficaces à mettre en œuvre pour comprendre.
De plus, pour ces deux modes d’entrainement, l’enseignant peut choisir d’ajouter des aides aux différents exercices : (1) mise en couleur des mots-clés à partir desquels peuvent être produites les inférences, (2) ajout d’une question d’induction préparant à la question principale. TACIT offre aussi la possibilité d’activer différentes options comme rejouer l’exercice, afficher le score selon différents réglages…
En résumé, TACIT offre une grande flexibilité d’usage, permettant de travailler en petits groupes de niveau, de gérer la répartition des élèves sur les ordinateurs (travail en binôme, utilisation du logiciel avec peu d’ordinateurs), d’ajuster le niveau des exercices en fonction de celui de chaque élève, etc. Les séances d’entrainement peuvent être lancées soit sur un mode autonome, où chaque élève avance à son rythme soit sur un mode tutoré, où l’enseignant gère l’enchainement des exercices. Après chacun d’eux, l’enseignant peut engager une discussion avec ou entre les élèves sur leurs stratégies de résolution.

Fanny De La Haye, Maitre de Conférences en psychologie cognitive, ÉSPÉ de Bretagne (site de Saint-Brieuc), CRPCC
Olivier Le Bohec, Maitre de Conférences en psychologie expérimentale, Université Rennes 2, CRPCC
Yvonnick Noël, Maitre de Conférences en psychométrie, Université Rennes 2, CRPCC
Christophe Quaireau, Maitre de Conférences en psychologie expérimentale, Université Rennes 2, CRPCC
Jérémie Nogues, Développeur informatique du logiciel TACIT, Université Rennes 2, CRPCC