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Ne plus noter pour mieux évaluer

Lors de l’année scolaire 2011-2012, l’absentéisme au lycée atteint 20 % pour les classes de seconde. Dix conseils de discipline donnent lieu à sept exclusions définitives et cinq abandons scolaires complètent ce constat. D’où une mobilisation de l’équipe pour tenter d’enrayer le processus.

Semestre sans notes et entretiens individuels

Une réflexion s’est engagée dans les équipes pédagogiques sur les modalités d’évaluation et sur l’accompagnement personnalisé pour nos élèves des métiers du tertiaire. Elle nous a conduits à proposer « le semestre sans notes » pour les classes de 2de, en septembre 2012 et à privilégier une évaluation par compétences qui nous ramène à l’essentiel : qu’est-ce que chaque élève a appris au cours de chaque leçon ?

« Ne plus noter pour mieux évaluer » est le leitmotiv de cette expérimentation. Nous avons banalisé deux demi-journées en juin et septembre 2012 pour permettre aux équipes de construire ce dispositif. Aménager ces temps de réflexion et de mise en commun participe grandement de la réussite de notre démarche.

Outre ce choix quant à l’évaluation, nous avons demandé aux équipes de mieux accueillir et accompagner chacun de nos élèves. Un consensus s’est rapidement dégagé quant à l’utilisation d’entretiens individualisés. Trois temps ont été définis :

  • Un entretien d’accueil, à la rentrée : chaque enseignant reçoit quatre ou cinq élèves pour discuter de ses motivations, de ses difficultés antérieures. Cet accueil permet la création d’un lien privilégié entre enseignants et élèves, dont on ne peut méconnaitre la forte tendance à être pilotés par leurs affects.
  • L’entretien de mi-semestre : il porte sur l’autoévaluation de chacun quant aux trois compétences définies, dans sa discipline, par les enseignants. C’est un moment-clé de l’expérimentation qui aide au décryptage, permet de se positionner par rapport aux attentes, voire de réorienter les trajectoires individuelles.
  • L’entretien « conseil de classe » : ces derniers dérogent à la forme traditionnelle. Ils sont pensés comme un moment de conseil à chaque élève. Un bulletin scolaire expérimental articulant partie certificative, auto-évaluation des élèves et expression des pistes de progrès envisagées par les élèves lors de l’entretien, nous semble être un outil conforme à notre philosophie de l’expérimentation. L’articulation des temps de bilans entre professionnels avec un sas de communication individualisé recentre le conseil de classe sur ses effets sur les élèves.

Donner la parole aux élèves est une préoccupation permanente. Une heure de « forum » à fréquence hebdomadaire, basée sur la « pédagogie institutionnelle » de Fernand Oury vise à réguler le climat social de la classe en débattant et créant une charte, une constitution de la classe.

Quel bilan ?

Le chiffre de l’absentéisme, en classe de 2de, s’est stabilisé aux alentours de 7 %. Nous n’avons eu aucun conseil de discipline et aucun abandon à déplorer entre septembre 2012 et mars 2013. Les élèves révèlent se sentir bien au lycée à 88 %. Ce chiffre est à mettre en parallèle avec les 60 % d’entre eux se déclarant satisfaits de leur orientation. De plus, 70 % déclarent apprécier les entretiens et avoir eu la sensation d’être moins stressés, d’avoir plus le temps, de se sentir considérés de manière plus individualisée…

L’ensemble des équipes juge ce temps positif. Des enseignants sceptiques au départ, relèvent des comportements plus engagés des élèves lors des temps d’évaluation, alors qu’ils craignaient un désinvestissement.

Le dispositif est reconduit tout en laissant le temps aux équipes de l’améliorer lors de deux demi-journées en juin et lors de la prérentrée avec la préoccupation constante de mettre en œuvre des pratiques qui génèrent adhésion des élèves et des enseignants tout en respectant la dimension institutionnelle certificative des cursus de LP.

François Baritiu
Professeur d’EPS

Claude Vidon
Proviseur du lycée d’électrotechnique Marcel Deprez (Paris)