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Mettre le paquet sur l’accompagnement personnalisé dans un collège rural

Répartition par les enseignants de maths des points du programme entre cours et AP

Comment avez-vous mis en place l’AP dans votre collège ?
Le projet d’établissement prévoit, depuis trois ans, le développement de l’accompagnement personnalisé de la 6e à la 3e avec un nombre important d’heures en 6e (douze heures et demie pour quatre classes) permettant la mise en place de groupes de compétences. Pour les autres niveaux, l’accompagnement personnalisé est financé sur la base de deux heures par classe. Ainsi, ce sont trente-huit heures et demie de notre dotation globale horaire qui sont mobilisées pour la mise en œuvre de l’AP. Ce projet a été formalisé dans le cadre d’une expérimentation « article 34 ». La réflexion sur le contenu de l’accompagnement personnalisé a fait l’objet de nombreux temps de réflexion et de régulation en conseil pédagogique et dans le cadre d’une formation d’initiative locale avec un chercheur de l’ESPE de Toulouse, André Tricot.

Comment se passent concrètement les séances d’AP ?
L’organisation retenue est différente selon les niveaux de classe. En effet, la réforme prévoit trois heures par semaine d’AP en 6e, et une à deux heures par semaine pour les autres niveaux.

En 6e, nous avons mis en place des groupes de besoins et de compétences en français et en mathématiques sur une partie du temps consacré à ces enseignements (une heure et demie par semaine dans chaque discipline). Des barrettes dans l’emploi du temps permettent de constituer plus de groupes que de classes (six groupes pour quatre classes). La mise en place de groupes homogènes ne constitue cependant pas l’essentiel du temps d’enseignement de ces disciplines. Le principe de l’hétérogénéité est maintenu avec un temps en classe entière important.

La constitution des groupes est basée sur le travail de liaison école-collège et elle est régulièrement revue en cours d’année. Ce principe induit un travail collectif des enseignants sur les progressions annuelles. Il est également nécessaire d’articuler ce qui se passe en groupes d’AP et en classe entière afin de ne pas avoir l’impression de deux enseignements disjoints d’une même discipline. On peut mesurer, ici, l’importance du travail d’équipe chez les enseignants.

Par ailleurs, l’effectif de chacun des groupes tient compte des besoins des élèves avec dans certains cas dix élèves suivis au plus près par les enseignants et, dans d’autres, des effectifs plus importants permettant des travaux collectifs adaptés.

Et pour les autres niveaux ?
Dans les autres niveaux de classe, nous ne constituons pas de groupes mêlant des élèves de plusieurs classes. L’absence de barrettes de cours de groupes sur ces niveaux permet une souplesse dans la mise en œuvre. Les enseignants peuvent ainsi proposer une réponse adaptée aux besoins et aux acquis des élèves à chaque moment de l’année, avec des approches différenciées selon les profils d’élèves pour traiter le programme disciplinaire et non pour le répéter pour ceux qui n’auraient pas bien compris une première fois.

L’accompagnement personnalisé permet par exemple de traiter un même point du programme mais en ajustant la stratégie aux besoins des élèves. Avec un groupe, l’enseignant va revenir sur des prérequis nécessaires à la compréhension de la notion (revoir les bases de la conjugaison avant d’aborder la question de la valeur des principaux temps du récit au passé) tandis qu’avec un autre, cette même notion pourra être approfondie (au-delà des principaux temps du récit au passé, aborder la question de l’expression de l’antériorité par rapport à un fait principal ou encore aller plus loin dans les travaux d’expression écrite). Cette différenciation est d’autant plus perçue comme légitime que le projet d’évaluation des élèves introduit, pour le socle commun, la notion de degré d’acquisition (alors que jusqu’à présent, le système d’évaluation dans le livret personnel de compétences était binaire).

La différenciation peut encore porter sur les modalités du cours et la définition d’objectifs secondaires spécifiques à un groupe. En 4e, un prochain cycle de séances d’AP va permettre de regrouper des élèves identifiés comme étant peu à l’aise à l’oral. Tout en traitant un point du programme, l’enseignante va organiser le travail en favorisant la production orale des élèves en petit groupe. Cette dimension ne sera pas mise en avant dans un autre groupe qui travaillera le même point du programme mais de manière différente. Les élèves sont donc pris en charge dans des groupes qui sont spécifiquement constitués par l’enseignant selon l’objet de la séance ou du cycle de séances. En gardant bien à l’esprit que cette organisation ne doit pas aboutir à un alourdissement du nombre d’heures de cours hebdomadaires pour les élèves, nous parvenons à éviter l’écueil d’un AP qui serait une simple forme de remédiation.

Répartition par les enseignants de maths des points du programme entre cours et AP

Répartition par les enseignants de maths des points du programme entre cours et AP

Quels dispositifs d’évaluation avez-vous mis en place ?
L’évaluation de ce dispositif repose sur plusieurs outils. Il y a, avant tout, le conseil pédagogique de l’établissement. Même si tous les enseignants de ce conseil ne participent pas directement à l’AP, ils ont cependant en charge les élèves, à un moment donné. Ainsi, la régulation du dispositif s’appuie sur un état des lieux collectif de l’évolution des élèves.

Avec les enseignants directement concernés par l’AP, nous avons ciblé des compétences et des connaissances à travailler en priorité, à partir d’un repérage effectué en amont de la prise en charge des élèves. Il est donc important de vérifier régulièrement le degré d’acquisition de ces points identifiés comme des fragilités chez nos élèves ou comme des leviers importants pour la réussite (par exemple, les compétences métacognitives).

Le dispositif expérimental bénéficie également de l’appui des corps d’inspection. Il est essentiel d’accompagner les équipes sur le terrain, en observant, notamment, les gestes professionnels. Par exemple, la prise en charge d’élèves en groupes allégés ne doit pas aboutir à une perte d’autonomie de l’apprenant qui attend, parfois, que l’enseignant, rendu très disponible par l’effectif, soit forcément présent à ses côtés pour être actif. Ainsi, l’évaluation du dispositif porte à la fois sur les acquis des élèves et sur les modalités de prise en charge.

Comment votre organisation, selon vous, s’inscrit-elle dans le cadre de la réforme du collège et de la généralisation de l’AP prévue par les textes ?
Rappelons que l’objectif retenu par l’établissement est le renforcement de l’accompagnement de tous les élèves, pour garantir une égalité d’accès à la formation et à la qualification, dans un contexte d’établissement rural accueillant un taux de catégories socioprofessionnelles défavorisées supérieur à la moyenne. Cet accompagnement prend la forme d’une diversification de l’organisation pédagogique dans plusieurs disciplines afin de mieux répondre aux besoins des élèves. Nous passons donc d’un soutien pour les élèves les plus fragiles à une différenciation pédagogique qui profite à tous. Ainsi, l’AP n’est pas une heure de plus pour ceux qui n’ont pas su faire en classe. Il devient une modalité d’enseignement et d’apprentissage qui concerne tout le monde, sans ajouter d’heure de cours à celles prévues par les textes officiels.

Cette évolution du dispositif est un élément important qu’il a fallu travailler en profondeur avec les équipes. En effet, l’accompagnement personnalisé n’est plus une mesure complémentaire permettant de favoriser l’égalité des chances. Il devient une modalité d’enseignement qui s’adresse à tous les élèves, en fonction de leurs niveaux de compétences, de leurs besoins.

Il nous semble que cette philosophie éducative correspond aux attentes de la réforme du collège que, suite à la proposition de la rectrice de l’académie de Toulouse, nous avons choisi d’anticiper.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

Le site du collège : http://madeleine-cros-dourgne.entmip.fr/