Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Enseigner en classe différente

Aventuriers de l’autorité perdue : telle semble être la vocation des enseignants de «3e en alternance». Ces classes réunissent à priori des caractéristiques propres à en faire des classes difficiles : élèves dont l’image de soi et de l’école ainsi que le comportement sont souvent dégradés ; rapports avec l’institution scolaire ayant pris la forme d’un face-à-face crispé et désenchanté, où chacun se sent condamné à exercer ou subir une autorité stérile ; difficulté de trouver des enseignants désirant s’y investir.

Professeur de français depuis cinq ans au collège, je coordonne, depuis 2010, la 3e en alternance. Par son fonctionnement, je pense que cette classe permet aux élèves de se construire, ou se reconstruire, ouvrant ainsi de nouveaux possibles en matière d’autorité. Redoublants, éprouvant depuis longtemps des difficultés à suivre en classe, ils ont une mauvaise image d’eux-mêmes et de leur capacité à réussir. La 3e en alternance contribue à leur faire prendre conscience de leurs aptitudes, voire de l’autorité qu’ils détiennent.

Grâce aux modalités d’évaluation, les élèves se découvrent capables de réussir en classe. Pour préparer leur examen de fin d’année (le certificat de formation générale, moins ambitieux que le brevet en termes de contenus mais porteur d’exigences réelles), ils se voient proposer des activités plus accessibles. Comme la notation est incitative, faire preuve de sérieux, d’application et d’assiduité permet d’obtenir des notes très correctes, voire bonnes. Les élèves tendent alors à accentuer leurs efforts, stimulés par le plaisir nouveau de conquérir notes et appréciations gratifiantes.

Leur rapport aux adultes avec qui ils travaillent évolue. Pour eux, l’apprentissage se déroulait jusqu’alors uniquement au collège, avec des adultes ayant peu l’occasion de les valoriser. À présent, ils passent douze semaines en stage, auprès d’adultes attendant d’eux d’autres qualités, qu’ils réussissent généralement bien à mobiliser. Il en reste ensuite quelque chose dans leurs rapports avec les professeurs : la confiance acquise en découvrant que les adultes savent reconnaitre leurs qualités favorise une attitude plus sereine face aux enseignants, donc plus propice au travail.

Les élèves font davantage le lien entre leur projet professionnel et le travail en classe. Au terme de l’année scolaire, ils postulent pour des formations (CAP, plus rarement 2de professionnelle) qui recrutent d’abord sur la base des résultats scolaires. Dans cette optique, les activités proposées en classe sont pour eux autant de moments où chacun écrit directement son avenir.

Parallèlement, la 3e en alternance permet aux enseignants de se construire professionnellement, en allant plus loin dans la découverte des voies diverses de l’autorité. La variété des situations d’enseignement (demi-classe, classe entière, visite d’une entreprise) est stimulante. Ce fut aussi l’occasion pour moi de prendre en charge des tâches exigeantes en matière d’organisation : élaboration du calendrier (articulant périodes de stage, périodes de cours en demi-classe, périodes de cours en classe entière), collecte et transmission à la direction des conventions de stage des élèves dans les délais, procédures liées à l’orientation, etc.

Levant le voile de la difficulté, élèves et enseignants de la 3e en alternance découvrent ensemble, dans cette aventure commune, un horizon motivant et gratifiant. Au-delà, en renouant les liens entre la communauté éducative et des élèves qui s’en sentaient exclus, et en faisant tendre ces derniers vers leur futur statut de citoyen, cette classe fait grandir les élèves, leur fait découvrir l’école comme partie intégrante d’un ensemble plus large (la République) qui leur reconnait un rôle à jouer. Déjouant ainsi la fatalité qui parait à priori la condamner au statut de classe difficile, la 3e en alternance se révèle comme le creuset d’une nouvelle donne stimulante en matière d’autorité.

Guillaume Loock
Professeur de lettres modernes, professeur principal de 3e en alternance (collège Gustave-Courbet, Pierrefitte-sur-Seine)


Stage by step

C’est le nom d’un programme d’actions pour accompagner les élèves dans la construction de leur projet professionnel. C’est une occasion de resserrer les liens entre les acteurs de la communauté éducative. Entre chaque élève, sa famille et le professeur principal, cinq rendez-vous permettent de mieux se connaitre : entretien de recrutement, réunion de rentrée, remise des bulletins, rencontre individualisée au moment de la formulation des vœux d’affectation post-3e. Lors de cette dernière rencontre, la capacité de l’élève à exprimer le projet personnel défini à partir de ses expériences joue un rôle clé.

Stage de cohésion
Accueillis par le 93e régiment d’artillerie de montagne de Varces, accompagnés du professeur de technologie et de l’assistante sociale, les élèves se sont vu proposer diverses activités sportives en groupe, ou encore expliquer le fonctionnement d’une mairie et d’un régiment.

Ce stage permet de faire acquérir aux élèves des compétences sociales et civiques fondamentales, en les familiarisant avec certaines structures de la République française (la Défense nationale et la commune), et en leur faisant découvrir la notion de “cohésion” par des activités concrètes.

Leur participation à ce stage a valu à nos élèves la remise d’un brevet, lors d’une cérémonie officielle organisée dans notre collège, par le général Cuche, gouverneur des Invalides. En fin d’année, ils se sont rendus au Sénat pour la remise du prix spécial du jury dans le cadre du «trophée Civisme et Défense 2012».