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Présent ?

Comme François Bégaudeau dans un roman très différent que nous avons recensé dans un précédent numéro, Jeanne Benameur nous parle d’un collège ZEP à travers un récit, un récit d’actualité puisqu’il s’achève, en épilogue, dans les incendies de novembre 2005. Fiction, mais étayée par une remarquable connaissance de la réalité concrète des ZEP que possède cette ancienne enseignante de français, qui sait de quoi elle parle. Fiction qui surtout repose sur une forte empathie pour des personnages auxquels on s’identifie, dont on découvre peu à peu les prénoms et des bribes de vie et de jardins secrets, des personnages qui sont reliés entre eux par le fil d’un certain conseil de classe décisif d’une classe de 3e. Un roman en fait complètement réaliste et complètement plongé dans la subjectivité et l’imaginaire de chacun.

Selon la fameuse phrase de La règle du jeu de Renoir, ici, chacun a ses raisons. Y compris la belle, mais redoutable, professeur d’espagnol qui s’avère plus fragile qu’elle n’en a l’air. Y compris le père d’élève, boucher proche du Front National, dont on nous fait ressentir les difficultés à tenir sa place de parent délégué dans ce conseil où il reste un intrus, malgré le costume de lin mis pour la circonstance.
On trouve ici de belles figures d’élèves, à travers notamment le portrait de Laurent, le bon élève auquel l’amour donne la force d’un acte singulier en plein conseil, et de Madison, qui a honte de son prénom ridicule accouplé à un nom bien « français », mais qui, elle l’élève « nulle », saura révéler à chacun sa « vérité ».

J’ai savouré quelques passages forts : les émois de la prof de SVT pour qui la vraie vie est ailleurs, les affres du conseiller d’orientation, peu satisfait de n’être finalement peut-être qu’un agent de triage, l’inconscience du professeur d’anglais donnant des conseils surréalistes aux parents de ce collège populaire. J’ai moins aimé le discours un peu trop « prêche » de la documentaliste. Et j’ai été ému par les deux figures d’agents de service peints avec finesse, sans démagogie populiste, eux aussi capables d’une culture vraie et humaniste.

Jeanne Benameur nous aide, à travers cette narration (comme dans l’article qu’elle a écrit pour le dossier ZEP paru en septembre 2006 dans les Cahiers) à rejeter les regards superficiels sur nos collègues ou sur les élèves. Pourquoi ne pas imaginer de travailler des pages dans des classes de français – ou en heure de vie de classe, tant il est plein de cette vie de classe, justement ?

Jean-Michel Zakhartchouk