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Pour un métier solidaire et non solitaire
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette initiative qui perdure et rencontre un grand succès ?
Les Entretiens pédagogiques d’Argelès-sur-Mer sont nés du constat de la carence institutionnelle en matière de formation et d’une volonté d’implanter dans le département des Pyrénées-Orientales jugé sinistré, loin de Montpellier, un lieu d’analyse, de réflexion, de métissages d’apports entre les chercheurs et les enseignants. Cette initiative a rencontré rapidement l’aval de personnes partageant la même philosophie : ainsi est née l’association Reunir. Pour que ce rendez-vous de novembre sur trois jours perdure, fallait-il encore en réussir le coup d’envoi : la venue depuis 2003 d’intervenants comme Pierre Madiot, Richard Étienne, François Dubet, etc. a donné un label initial de qualité. Il ne restait plus qu’à entretenir la flamme pour convaincre définitivement les autorités de l’éducation et aussi nouer un partenariat avec les collectivités locales.
Pourquoi vient-on aux Entretiens d’Argelès ?
Enseigner est un acte complexe et l’on vient trouver aux Entretiens pédagogiques une dose d’expertises, de nouvelles compétences qui vont s’inscrire dans l’histoire des participants. On y vient parce que l’on est convaincu que le métier est plus que jamais solidaire et non plus solitaire, et que ces journées sont aussi un temps d’arrêt de la pratique journalière qui permet d’éclairer un cheminement professionnel en le mettant en perspective avec les avancées pédagogiques. C’est pour cela que nous soignons l’accueil (unité de lieu pour éviter les déplacements fastidieux) pour faciliter les rencontres et libérer la parole, que nous varions les dispositifs pour aider à la construction de projets, de démarches partagées, d’expérimentations.
Quels thèmes avez-vous abordé depuis dix ans ?
Ceux qui font partie des préoccupations des enseignants : l’évaluation, le travail de groupe, d’équipe, le travail par compétences, l’autorité, la motivation, la relation entre enseignants et parents, etc. Pour fêter en quelque sorte les 10e Entretiens, nous avons proposé, un thème fort et plus que jamais d’actualité : « Enseigner, une profession à réinventer ». Plus de 120 personnes ont participé aux travaux pendant les trois journées.
Qu’est-ce qui vous a frappé cette année ?
Ce qui m’a frappé et réjoui à la fois, c’est l’arrivée d’un public de jeunes. J’ai pu apprécier la qualité de leur réflexion en dehors de tout dogmatisme, leur maturité et leur liberté d’expression empreinte de critiques toujours constructives. Est-ce qu’un vent nouveau viendrait souffler sur la formation, elle qui s’étiole depuis trop longtemps ? On est en droit de l’espérer tant le renoncement, le fatalisme, le dénigrement par la société ont rongé le corps enseignant. On assiste peut-être à la réalisation dans l’engagement du praticien réflexif moderne.
Bon vent donc à votre association Reunir ?
Oui, elle a gagné en notoriété et cela nous permet d’envisager de diversifier notre action. Un partenariat avec les nouvelles écoles supérieures de l’enseignement est envisagé, de nouvelles conférences sont programmées, et peut-être un grand rassemblement qui mettrait en présence des acteurs de terrain et chercheurs de différents systèmes éducatifs (Europe et Québec par exemple). Nous pensons étoffer les ressources sur notre site, mais nous avons besoin encore de personnes compétentes supplémentaires pour finaliser nos projets.
Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk