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Pour sortir du franco-français

Dans le numéro des Cahiers pédagogiques consacré à l’école allemande, on pouvait lire une invitation à « ouvrir yeux, oreilles et disponibilité à la logique d’autres cultures, systèmes, individus afin de prendre conscience de ses propres implicites « .

De la dialectique qui surgit de la confrontation entre l’alter et l’ego naît effectivement une meilleure connaissance de soi grâce à la découverte de l’autre. Mais l’éducation comparée ne peut se confondre avec cette seule démarche

Vertus de la comparaison

L’éducation comparée nous permet d’abord d’aller à la rencontre de l’autre, pour lui-même, afin de satisfaire notre curiosité intellectuelle mais aussi de mieux comprendre la cohérence des autres systèmes éducatifs, la logique des choix qui se font pour améliorer telle ou telle situation, remédier à tel ou tel problème. Pour saisir cette cohérence et cette logique, il est nécessaire d’approcher les questions éducatives dans leur globalité, au sein de systèmes éducatifs marqués par une histoire et une géographie.

La méthode comparative est, disait Durkheim, un substitut à la démarche expérimentale proprement dite. Elle permet de travailler sur des phénomènes qui ne peuvent être soumis à l’expérimentation à cause de leur échelle ou pour des raisons déontologiques. La méthode comparative, parce qu’elle est analogique, est aux sciences de l’éducation ce que la méthode expérimentale est aux sciences exactes.

Mais on ne peut pas comparer n’importe comment et il est vain de comparer pour comparer. La rigueur s’impose si on veut que la démarche comparative soit un outil fiable. Ainsi convient-il de présenter les faits dans leur complexité, dans le cadre d’une démarche systémique.

On peut tout au plus dégager des éléments de comparaison, des tendances, en évitant les lois universelles, les spéculations intellectuelles, les transferts hâtifs.

L’objectif reste avant tout de se décentrer, de mettre à distance ce que nous avons tendance à considérer comme familier, habituel et donc normal.

L’éducation comparée est porteuse de potentialités multiples en ce qu’elle prend en considération des logiques plurielles, des normes différentes. Elle est un formidable outil d’investigation de la réalité éducative. Elle suppose, dans son essence même, la mise à distance dans le temps (historique : l’éducation comparée est aussi diachronique) ou dans l’espace, de ses objets d’étude. La connaissance et l’étude des solutions apportées à des problèmes éducatifs dans d’autres contextes fonctionnent souvent comme forces de propositions pour remédier à nos problèmes.

C’est en ce sens que l’éducation comparée représente une discipline vers laquelle chercheurs et décideurs ont intérêt à se tourner pour porter ce regard neuf, parce que décentré, par rapport à leur réali, pour s’inspirer des réalisations déjà expérimentées dans d’autres lieux, les adapter et pourquoi pas, les améliorer. C’est ce que font actuellement de nombreux chercheurs à l’étranger et en France. On ne peut que regretter que les décideurs et responsables éducatifs ne tiennent pas suffisamment compte des résultats de ces recherches.

L’éducation comparée est amenée à se développer pour de multiples raisons : poids des systèmes éducatifs dans les différents pays et recherche de leur efficience maximale, internationalisation des métiers et développement de la mobilité professionnelle, développement des voyages et des échanges scolaires, universitaires, professionnels Il serait urgent dès lors qu’elle soit pratiquée par les enseignants et qu’elle devienne une discipline obligatoire dans les cursus de formation des étudiants des IUFM et des départements de sciences de l’éducation, de sociologie, de langues étrangères, qu’elle fasse aussi partie de la formation initiale et continue des chefs d’établissement et des inspecteurs

Les axes de ce dossier

À partir de cette problématique d’ensemble, nous avons décidé d’orienter ce dossier en nous centrant sur quelques questions, pour lesquelles une approche comparatiste peut être particulièrement fructueuse :
– Comment la formation des enseignants de langue est-elle conçue et mise en uvre dans plusieurs pays ?
– En quoi les échanges scolaires et universitaires sont-ils porteurs d’enjeux forts ? Et en quoi peuvent-ils produire d’éventuelles dérives ? En quoi nous permettent-ils de mieux appréhender d’autres cultures ?
– Comment les disciplines peuvent-elles s’enrichir d’une réflexion sur les didactiques, voire les épistémologies comparées de celles-ci ?
– De nombreux pays font des propositions différentes en direction des élèves en difficulté. Ne serait-il pas utile de les connaître mieux ?

On retrouvera ces questions dans les différentes parties d’un dossier qui comprend de fort nombreuses contributions, venant des cinq continents, et qu’il a fallu limiter pour des raisons de place.

Pour la coordonnatrice de ce dossier comme pour l’équipe des Cahiers, il est clair que l’éducation comparée ne doit pas être réservée à quelques initiés, mais au contraire appartient à tous : élèves et étudiants qui effectuent des séjours, des stages, des études à l’étranger, praticiens, professeurs des écoles, des collèges, des lycées, chefs d’établissement qui mettent en place des appariements scolaires, et plus généralement tous ceux qui travaillent sur l’interculturalité et sur l’altérité. Elle appartient aux parents qui veulent comprendre la logique et la cohérence du système éducatif qui accueille leurs enfants et qui y réussiront mieux en se référant à d’autres systèmes éducatifs. Elle appartient aussi aux responsables et décideurs divers qui l’utilisent à des fins économiques, sociales et politiques. Puisse le lecteur s’en rendre compte à travers les pages qui suivent…

Dominique Groux, IUFM de Versailles.