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Poids des cartables : et si on allégeait les journées ?

Régulièrement, le plus souvent à la rentrée, la question du poids du cartable revient à la une de l’actualité dans les reportages télévisés, les interventions ministérielles ou les inquiétudes légitimes des parents. Et les enseignants sont priés de réduire le matériel – toujours excessif – demandé aux élèves, tandis que les éditeurs, montrés du doigt, sont sommés de produire des livres moins lourds, tout en étant plus solides et moins chers.
Ce problème n’est pas nouveau : en 1965, Marc Flandrin, professeur au lycée Lakanal de Sceaux faisait ce triste constat : « Regardez-les passer, ces pauvres gamins de 6e, de 5e. Leurs silhouettes dessinent des S penchés pour servir de contrepoids au lourd cartable gonflé, courroies au dernier œillet, coutures craquantes ou baillantes. Il est huit heures du matin. Ce boulet les suivra jusqu’au soir où le demi-pensionnaire exténué le ramènera chez lui. »[[Cahiers pédagogiques n° 53, mars 1965, republié
dans le hors-série numérique « Mai 1968 et l’école, vu
par les Cahiers pédagogiques », disponible en téléchargement sur notre site.]]
Depuis, on a inventé la micro-informatique, le téléphone portable, la télévision à écran plat et quantité de biens de consommation, de nombreuses familles sont équipées de lave-vaisselle ou de lave-linge… Mais on n’a pas réussi à régler la question du poids du cartable des collégiens. Triste époque !
De nombreux établissements ont tenté des solutions, comme le double jeu de manuels (mais la proposition peut passer pour peu réaliste d’un point de vue budgétaire, voire écologiquement incorrecte). On met aussi en place des casiers pour les demi-pensionnaires. On encourage les enfants et leurs parents à être plus vigilants sur ce qu’il est vraiment nécessaire d’apporter à l’école (les jeunes élèves se rassurent souvent en transportant la totalité de leur matériel pour éviter les oublis).
Une autre piste, bien plus ambitieuse, pour la réduction du poids des cartables serait de diminuer le nombre de disciplines dans la journée. En effet, si les élèves n’en avaient par jour que deux ou trois (par blocs de deux voire trois heures dans certains cas) au lieu de six ou sept actuellement, cela contribuerait certainement à diminuer le poids des cartables, en réduisant tout simplement le nombre de livres et cahiers à apporter. Cela permettrait également de sortir du fractionnement de la journée en de multiples activités qui est source de bien des difficultés scolaires. On pourrait en outre envisager en classe des activités plus élaborées et plus ambitieuses (je pense par exemple aux séances en salle informatique ou au centre de documentation et d’information) et développer d’autres méthodes pédagogiques qui se satisfont mal du cadre étroit de l’heure de cours.
Dans le même ordre d’idées, on pourrait imaginer une réorganisation de la journée d’école : moins de cours par jour mais plus de jours de cours par an. Cela rendrait les journées d’école moins lourdes et donc plus efficaces et le cartable s’en trouverait nettement allégé. C’est la formule choisie par bon nombre de nos partenaires européens qui ne semblent pas s’en porter plus mal.
Tous ceux qui se sont penchés sur les rythmes scolaires l’ont montré : l’année scolaire est en France trop courte et trop lourde (comme le cartable). Pourquoi ne pas la rallonger un peu en allégeant les journées de classe ?
Ainsi, la question du poids des cartables doit être remise à sa juste place : celle d’un problème d’organisation de l’école et des enseignements. Les vraies solutions, celles qui apportent des réponses durables, réelles et générales dépendent avant tout de l’institution et de sa capacité à proposer une réorganisation de la journée et de l’année scolaire qui tienne compte réellement des intérêts et des difficultés des élèves. Faute de quoi, dans quarante-trois ans, on reparlera encore du poids du cartable…

Denis Sestier, Professeur en collège.