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Petit historique dans le premier degré, liant compétences, cycles, programmes et ministres

Remontons une vingtaine d’années en arrière. À l’école élémentaire, existent trois cours : le cours préparatoire, le cours élémentaire et le cours moyen.
Les « programmes et instructions », datant de 1985 pour l’école élémentaire, sont définis en termes de contenus ou d’activités, par exemple :
– Au CP : « problèmes exprimés sous la forme : a +… = c » ;
– Au cours élémentaire : « reconstitution de textes » ;
– Au cours moyen : « la monarchie et la formation de l’État ».
À l’école maternelle, n’existent que des orientations, datant de 1986. Ces deux publications ont été éditées en livre de poche, accessibles au grand public, sur l’initiative du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Pierre Chevènement.

Événement d’importance : la loi d’orientation du 10 juillet 1989, alors que Lionel Jospin est ministre de l’Éducation nationale, organise la scolarité en trois cycles. La loi indique : « Les programmes définissent, pour chaque cycle, les connaissances essentielles qui doivent être acquises au cours du cycle ainsi que les méthodes qui doivent être assimilées. Ils constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en prenant en compte les rythmes d’apprentissage de chaque élève. »
Cette même année 1989, les premières évaluations nationales au CE2 sont fondées sur le repérage de l’acquisition non plus de contenus, de savoirs, mais d’objectifs et de compétences (les deux termes sont utilisés).

Une période de transition assez bâtarde s’ouvre, car les programmes nationaux relèvent toujours de l’ancien régime (programmes de CP, CE, CM, et par contenus).

En 1991, les programmes pour l’école élémentaire de 1985 et les orientations pour l’école maternelle de 1986 sont publiés à nouveau, mais accompagnés des compétences à acquérir au cours de chaque cycle ; il s’agit du premier petit livret bleu au format à l’italienne[[Les cycles à l’école primaire, CNDP-Hachette écoles, 1991.]], avec une préface de Lionel Jospin. Cette publication présentant les compétences de fin de cycle constitue une révolution (parfois invisible…). Mais pour s’organiser par cycles, nouveaux, avec des programmes par cours, anciens, c’est un peu acrobatique… (pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué…).

Les compétences définies sont de trois types qui auront un franc succès :
– Compétences « transversales, relatives aux attitudes de l’enfant, à la construction des concepts fondamentaux d’espace et de temps et aux acquisitions méthodologiques » ;
– Compétences dans le domaine de la maitrise de la langue ;
– Compétences d’ordre disciplinaire « qui recouvrent à la fois des savoirs et des méthodes spécifiques à chacun des grands domaines ».

Annoncé en 1990 dans le décret d’application de la loi d’orientation, un livret de cycle est attendu, attendu, attendu… pendant deux ans.
En 1992, arrivent dans les écoles les volumineux livrets de cycle par compétences, qui constituent une proposition (et non une obligation) de formule de livret scolaire, livret qui, lui, est obligatoire[[Régi par le décret n° 90-788 du 6 septembre 1990 concernant les trois cycles.]]. Des écoles l’utilisent ou élaborent un « livret de cycle maison », parfois encore plus étoffé que le livret du ministère. Des circonscriptions élaborent des livrets comparables.

Pour la maitrise de la langue, les compétences sont en 1992 déclinées en activités et situations d’apprentissage, dans un nouveau petit livret à l’italienne cette fois rouge, préfacé par Jack Lang : La maîtrise de la langue.

Il faut attendre 1995 pour que les programmes précédents vieux de 10 ans bénéficient d’une harmonisation et du même coup d’une réactualisation ; ils sont « allégés et recentrés » (!), annonçant pour la première fois des « documents d’accompagnement » : préfacé par François Bayrou, un second petit livret bleu à l’italienne présente les programmes par cycles : d’un côté les programmes, de l’autre les compétences de fin de cycle.

La même année, une circulaire présente une typologie de livrets, tous établis par compétences, et attribue un rôle de validation à l’inspecteur : « Le choix de cet outil relève de la responsabilité pédagogique des conseils des maitres et est validé, comme tout choix pédagogique, par l’inspecteur de l’Éducation nationale. »[[« Choix et utilisation à l’école primaire du livret scolaire », circulaire n° 95-079 du 29 mars 1995, BO n° 15 du 13 avril 1995.]] Ce n’est pas dans les faits toujours le cas.

En effet, subsistent dans certaines écoles, et jusqu’à aujourd’hui, les livrets à l’ancienne : les bulletins de notes (orthographe : 6,75 sur 10, moyenne de l’élève, moyenne de la classe, moyenne la plus forte, moyenne la plus faible…). Parfois même ils coexistent avec le livret par compétences, dans la même école, quand ce n’est pas dans la même classe.

Il faut être attentif pour trouver la phrase suivante « Les carnets d’évaluation envisagés comme des carnets de notes sont inappropriés à tout âge de l’école primaire » dans un document d’accompagnement publié en 2003 consacré aux… tout-petits : Pour une scolarisation réussie des tout-petits (CNDP, 2003). Luc Ferry est alors ministre.

Enfin – et l’on ne s’attardera pas aux nouveautés – faisant suite à la publication en 2006, alors que Gilles Robien est ministre, du socle commun de connaissances et de compétences, est publié en 2008 le livret de compétences, à remplir à chaque palier du socle, soit au CE1 et au CM2[[Circulaire n° 2008-155 du 24 novembre 2008, « Mise en œuvre du livret scolaire à l’école », BO n° 45 du 27 novembre 2008.]] : il présente connaissances et compétences (non distinguées) à évaluer en référence aux programmes actuels, précédés d’une lettre du ministre, Xavier Darcos.

Claire Boniface, IEN.