Pédagogie queer : sois toi

Dans notre épisode « Pédagogie [simili] queer¹ », les trois mâles blancs, quadragénaires, cisgenres, hétérosexuels et dyadiques que nous sommes partagent autant de questionnements que de pistes pour qui voudrait « queeriser » sa pédagogie. L’épisode est prétexte à se frotter à une pédagogie critique, radicale dans son approche, qui vise la déconstruction des normes oppressives – sexuelles, culturelles et sociales – plutôt qu’un aménagement sur le paradigme inclusif. Une pédagogie qui déjouerait, au quotidien, une action normative de l’école, au profit d’une normalisation des singularités.

Au-delà de l’engagement des plus militantes et militants, quid de la possibilité pour le plus grand nombre de devenir un allié queer à bas bruit ? Les enjeux sont d’autant plus considérables que l’on s’adresse à de jeunes personnes, par définition en construction de leur identité. À l’heure du harcèlement et des LGBTQIA + phobies, il semble y avoir urgence à trouver une approche juste et efficace.

La campagne de prévention et de sensibilisation 2023 de l’Éducation nationale contre les LGBT + phobies a pour slogan « Ici on peut être soi² », ce qui pourrait être l’axiome originel de la pédagogie queer³.

Un message qui « donne toute leur place aux élèves LGBT + dans le collectif et rappelle aussi à l’ensemble de la communauté éducative que l’école est un lieu de sécurité et de bienêtre, autant qu’elle est un lieu d’apprentissage », et d’enseignement, pourrait-on ajouter. Car en classe, aux côtés des élèves, il y a un adulte, lui-même en construction, professionnelle et personnelle, métier de l’humain oblige.

Qu’on songe à la scène culte du film Laurence Anyways de Xavier Dolan, où Laurence, jouée par Melvil Poupaud, entre pour la première fois dans sa classe dans ses atours de femme transgenre, pétrifiée dans l’attente de la réaction de ses élèves. Après un long silence, une élève lève le doigt, demande « Ouais, c’est juste par rapport à la page 8, paragraphe 3… », et banalise complètement la situation, en fait une non-question, au grand soulagement de Laurence. Dans la suite de la scène, Laurence traverse les couloirs et, bien sûr, on la regarde, mais pas plus lourdement que ça. Arrivée au self, elle est suivie par le chef d’établissement qui lui lance, avec un sourire des plus naturel : « C’est une révolte ? » Ce à quoi elle répond : « Non, c’est une révolution. » Une révolution, sémantiquement un tour complet sur soi-même.

On pourrait accuser la scène d’être utopique. Elle ne dit qu’une chose, « Ici on peut être soi ». Ce qui nous amène à la puissance des rôles modèles en éducation⁴, auxquels les élèves peuvent se raccrocher et s’identifier. Si, côté queer, le public du monde artistique n’est pas en reste (Chris & The Queen, les sœurs Wachowski, Elliot Page, pour ne citer que le côté très grand public), les réseaux sociaux sont une autre piste d’ouverture en éducation.

On les accuse de tous les maux, mais, sur TikTok ou Instagram notamment, des profs n’hésitent pas à montrer plus que leur « profitude », ils expriment leur identité de genre, se disent et montrent tels qu’ils sont : féministe, militant LGBTQIA +, gender fluid, etc. Une façon de dire aux élèves : je peux être moi, tu peux être toi.

Sur notre librairie

1. À écouter ici : https://bit.ly/NipéduSimiliQueer.
2. http://tinyurl.com/4x6x4w3u.
3. Hasheem Hakeem, « Axiomes de la pédagogie queer », Voix plurielles n° 18(2), 2021, p. 261–273. http://tinyurl.com/3dw3d4z3.
4. https://bit.ly/NipéduRoleModele.