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Passer de la co-présence à la co-éducation

A comme Absolument égaux, B comme Bien égaux, C comme Complètement égaux, D comme Désormais égaux, E comme égalité, F comme fille, G comme garçon… À force de répéter que l’égalité entre garçons et filles est acquise, on se prend à en douter. Si elle allait vraiment de soi, on n’aurait certainement pas besoin de la réaffirmer sans cesse.
Le sujet n’est certes pas récent, les sciences de l’éducation tirent la sonnette d’alarme depuis les années 1980. À cette époque, les filles étaient déjà meilleures que les garçons en primaire, mais on en parlait peu, tant c’était impensable. Les femmes étaient de plus en plus nombreuses à devenir enseignantes du secondaire et on se demandait si elles auraient suffisamment d’autorité pour « tenir » leur classe. Et malgré leur meilleur capital scolaire, les filles n’entraient pas dans les filières d’études les plus sélectives. Arrivées dans l’emploi, elles rentabilisaient moins leur diplôme. Trente ans plus tard, le constat est semblable, avec des progrès, certes, mais bien insuffisants. Pourtant, en y regardant dans le détail, la question de l’égalité filles/garçons à l’école a connu un renouveau important. D’une part, on a cessé que considérer les filles comme le problème (et les garçons la solution ?). Les garçons ne sont plus des élèves génériques exemplaires sur lesquels il faudrait aligner les filles : ils ont eux aussi un sexe et subissent eux aussi l’influence délétère des stéréotypes sexistes.
D’autre part, la prise de conscience que la question de l’égalité entre les garçons et les filles n’est pas réglée a progressé à pas de géant dans les années 2000. Pour preuve, le foisonnement d’actions, d’outils et de réflexion générés par le terrain même s’ils restent encore peu connus ou diffusés.
Alors, comment vont les filles et les garçons à l’école ? Quelles sont les questions que les enseignants, les familles, les femmes, les hommes, se posent lorsqu’ils s’occupent des enfants ou des élèves d’une classe composée d’individus sexués que l’on mélange sans avoir réellement pensé à ce mixage des sexes ? Ce dossier des Cahiers pédagogiques cherche à poser ces questions pour une meilleure prise de conscience du rôle que joue l’appartenance sexuée dans nos rapports sociaux. Car les adultes sont partie prenante dans la construction de l’identité des « êtres en devenir » que sont les jeunes.
Une réflexion pas toujours aisée, car elle renvoie chacun et chacune à ses propres questionnements identitaires, souvent occultée, souvent négligée, considérée comme secondaire, qui, pourtant, lorsqu’elle est soulevée, montre à quel point elle peut enrichir les relations, les considérations, les évaluations des uns et des unes vis-à-vis des autres.
En sélectionnant les articles, en sollicitant des contributions, il a été difficile de nous restreindre, et un seul numéro ne peut bien sûr prétendre en faire le tour. Nous n’avons pas épuisé les thèmes qu’il était possible d’aborder, et les différentes parties ne prétendent pas à l’exhaustivité. Nous avons choisi de nous centrer sur l’école, de la maternelle à la fin du secondaire, et nous avons voulu montrer que les questions étaient sensiblement les mêmes en France, en Suisse romande ou en Belgique.
Nous avons commencé par une première partie dans laquelle les catégories sexuées sont interrogées et déconstruites, parfois radicalement. Puis nous avons voulu nous centrer sur la question des garçons, qui a toujours été présente, mais qui est désormais traitée avec les mêmes théories qui ont porté la recherche féministe. Dans une troisième partie, nous avons tenu à nous souvenir que les enseignants aussi avaient un sexe et qu’ils et elles exerçaient leur métier dans une société pétrie de stéréotypes sexués. La dernière partie nous montre à la fois le fonctionnement de la mixité dans la classe et nous propose aussi de nombreuses pistes pour la faire vivre et la transformer en une réelle co-éducation.

Isabelle Collet
Chargée d’enseignement à l’Institut universitaire de formation des enseignants (IUFE) de Genève

Geneviève Pezeu
Professeure d’histoire géographie en lycée dans l’Essonne

Sexe ou genre ?

Le terme de « genre » est complexe à utiliser, ne serait-ce que parce que sa signification est différente d’une discipline à l’autre. Dans notre dossier, il est surtout employé dans un sens sociopolitique, désignant un système de normes qui considère que le masculin est supérieur au féminin, quel que soit le sexe des personnes qui les incarnent. Mais bien sûr, notre société s’attend à ce que les hommes soient porteurs du masculin et les femmes porteuses du féminin !
Pourtant, quand les hommes et les femmes se décrivent, ils et elles utilisent une vaste palette de caractéristiques, aussi bien du côté du féminin que du amasculin… Alors, finalement, quel est le sens de ces mots, si ce n’est que de nous assigner à des catégories de sexe souvent trop étroites pour définir qui nous sommes ?