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Paroles de lycéens

« Il est plus facile d’obéir sans comprendre que de comprendre la nécessité de l’obéissance et de l’assumer ainsi… » : voilà un mot d’ordre qu’on ne qualifierait pas spontanément de « soixante-huitard »… Et pourtant c’est bien ce qu’on peut lire sous la plume de lycéens s’exprimant dans les Cahiers à la rentrée 68… Retours sur des semaines de grève qui furent aussi des stages intensifs d’apprentissage de la citoyenneté.
Nous venons de vivre ces jours derniers une expé­rience extraordinaire : en effet, pour une fois, tout ce que nous voulions, ou presque, s’est réalisé. Nous désirions con­naître ces étrangers qu’étaient pour nous les professeurs, éta­blir le dialogue, et aborder avec eux tous les sujets ; c’est fait, nous avons vécu parmi eux pendant quinze jours, les profes­seurs sont descendus de leur estrade et nous avons franchi le fossé qui nous séparait d’eux dans l’enseignement tel qu’il était jusqu’à présent pratiqué. Nous voulions supprimer les barrières de classes, de sections, de niveaux ; cela s’est fait, au fur et à mesure de l’action ; nous nous sommes découverts les uns les autres. Nous souhaitions avoir des responsabilités ; pendant trois semaines nous avons fait « tourner » le lycée, organisé la cantine, le standard téléphonique, mené les commissions de travail, assuré le nettoyage et tout le reste.
Nous voulions aussi pouvoir contester, réformer et exprimer notre opinion librement… L’occasion s’est présentée et nous avons montré que nous pouvions formuler un avis sensé et constructif. Bref, le lycée est devenu vraiment notre maison.
Tout cela s’est passé dans une ambiance enthousiaste et fraternelle, le travail de discussion et d’élaboration de projets de réforme a été fait avec sérieux et sérénité. […] Les professeurs ont constaté la maturité de leurs élèves, de même que les parents présents aux travaux.
Mais il faut que cela continue et aille encore plus loin.
[…] Il faut que ce dynamisme intellectuel et physique demeure et que nous ne retombions pas dans l’apathie où nous étions plongés à cause des structures rigi­des et contraignantes qui nous étouffaient. Maintenant notre but, à nous qui avons participé à cet effort de rénovation, doit être d’informer nos camarades qui ne sont pas venus, de leur faire prendre conscience de leurs droits et de leurs devoirs et de les intéresser à la vie de notre lycée. Car, si nous avons travaillé et discuté sur des questions importantes comme l’autodiscipline, la cogestion, et proposé des réformes, il est bien évident que celles-ci ne pourront être appliquées que dans le cas d’une prise de conscience générale et individuelle, par tous les élèves, de leur responsabilité.

H. L. et M. N.