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Nous sommes nos propres raisons d’y croire

William James raconte comment, dans leur wagon attaqué par des brigands, des voyageurs vont renoncer, gagnés par la crainte. « Tous les voyageurs se laisseront piller parce que, si les bandits peuvent compter les uns sur les autres, chaque voyageur sait que sa résistance entrainerait sa mort. » Alors que s’ils se levaient d’un seul homme, se croyant fermement et sans même se le dire les plus vaillants, ils mettraient en fuite leurs détrousseurs. « Or, si chaque voyageur avait foi en la réaction des autres, il réagirait et le pillage deviendrait impossible[[William James, La volonté de croire, Les empêcheurs de penser en rond, 2005.]]. »
Comme ces voyageurs, nous voyons l’école menacée et les plus faibles encore davantage dépouillés que les autres. Et pourtant, j’entends dire autour de moi qu’il est déjà trop tard. Que 2012 ne changera rien. Que 2012 c’est fichu. Effondré. Enterré. Que droite ou gauche, rouge ou bleu, ce sera blanc bonnet.
Devant ces discoureurs décidés à se laisser piller les mains en l’air, je me demande… Trouverait-on davantage de satisfaction dans l’écriture catastrophiste que dans l’apologie de la conviction partagée ? Ne va-t-on pas plus aisément vers la clameur du désespoir en solitaire que vers le murmure de la promesse ? Tirerait-on plus de gloire à rendre seul les armes qu’à chercher ensemble le souffle qui ravivera les braises ? Préfèrera-t-on se laisser dépouiller ou saura-t-on encore une fois compter les uns sur les autres, les uns avec les autres ?
Comme les voyageurs en péril, nous sommes nos propres raisons d’y croire. De croire en nous-mêmes et ne pas céder à nos vanités faciles de sombres aruspices. De croire en nos collectifs avec qui nous combattons les fatalismes comme d’autres les brigands. De croire en des échéances qui nous permettront de remettre sur le feu nos fers tôt refroidis. De croire avec d’autres que la politique vaut la peine qu’on lui confie, sans blanc-seing certes, la responsabilité partagée de l’éducation qui va venir. De croire en la cité et en ceux qui la feront avec nous.
2012 arrive. Dans nos partis politiques, nos médias avec ou sans écran, parlons de nos élèves, de nos classes. Parlons aussi de nous qui faisons l’école, celle que nous voulons, celle que nous aimons. Il en restera toujours quelque chose.
2012 arrive. Ne laissons pas l’enjeu dans les mains des aquoibonistes et des tristes prophètes. Ayons nos raisons de croire et de dire que c’est une bonne nouvelle. Et que nous voulons y être.

Christine Vallin

* Photographie : Stéphane Friedelmeyer