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Monsieur, peut-on utiliser Minecraft ?
La 4e est une année chargée en géologie pour les élèves : des volcans aux séismes, de la tectonique des plaques à la gestion des risques naturels. Cette année, j’ai décidé que l’étude des volcans aurait pour but d’éduquer aux risques, bien que ceux-ci soient faibles en Limousin. Pour répondre à la problématique de l’éducation des populations et afin de ne pas réinventer l’eau tiède, nous sommes d’abord allés voir comment on se prépare dans les zones plus exposées de Saint-Léonard-de-Noblat. En Limousin, les volcans les plus proches sont réputés éteints depuis longtemps. Après avoir testé la simulation de séismes, nous nous sommes demandé si l’on pouvait créer une simulation de volcans. Certains se souviennent de leur CM2 et demandent à faire des maquettes de volcans. Les groupes se lancent dans la modélisation de volcans à base de papier, de bicarbonate, de vinaigre. Là, c’est le drame : par rapport à ce que nous connaissons des volcans et des deux grands types d’éruptions, les modélisations sont des échecs. La lave utilisée n’est pas chaude, elle ne cristallise pas pour donner une roche, la réaction chimique utilisée ne permet pas de recréer une éruption explosive, etc. Comme à chaque fois que nous expérimentons, notre modèle est ensuite critiqué en fonction des connaissances dont nous disposons à cet instant du cours. Tous les groupes en conviennent, nous pourrions trouver une solution numérique à nos problèmes. Dans une classe, une élève débloque la situation en disant, d’un air mi-dubitatif, mi-complice (mon statut de joueur de jeux vidéos et, plus largement, de geek, est chose connue) : « Peut-on utiliser Minecraft ? »
Recourir à la modélisation numérique
À cet instant je reprends la main, l’air grave, pour lancer l’activité grâce à la formule consacrée : « Le problème scientifique qui nous anime est le suivant : comment modéliser un volcan scientifiquement crédible à l’aide de Minecraft ? »
Je précise que, pour réussir cette activité, les élèves doivent par groupe : réaliser un volcan scientifiquement crédible ; proposer une visite virtuelle ; la poster sur le compte YouTube que j’ai créé pour l’occasion.
Ceux qui maitrisent suffisamment Minecraft doivent tutorer les autres groupes. Dans mes trois classes de 4e, les élèves se sont tout de suite emparés du projet. Certains ont même spontanément créé un monde ouvert dans lequel ils ont convié leurs camarades, y compris des autres classes, administrant de fait une communauté hybride, certains travaillant dans le logiciel, d’autres faisant des recherches sur les volcans.
Au final, le choix de l’interdisciplinarité
Finalement, cette activité nous aura pris environ cinq heures, tous les groupes ont réussi à modéliser un volcan scientifiquement crédible dans les limites des contraintes imposées par le logiciel. Selon les groupes, il y a eu deux façons de faire : le parc d’attractions, réminiscence d’une visite à Vulcania pour certains, ou la transformation d’une montagne générée aléatoirement par le logiciel. Je suis aussi satisfait du fait que cette activité a été l’occasion pour certains élèves, par ailleurs souvent isolés entre filles et garçons, de prendre les rênes d’authentiques équipes de recherche.
Au-delà du travail en équipe, cette activité a été l’occasion de mobiliser des compétences d’autres disciplines. Les élèves sont spontanément allés voir mes collègues de technologie, car pour animer leur volcan, ils avaient besoin d’utiliser des portes logiques. Ils se sont aussi adressés au collègue d’arts plastiques pour avoir des conseils pour se projeter en 3D. En effet, construire des formes géométriques comme des cônes ou des nuages avec uniquement des cubes ou savoir concilier les contraintes de la modélisation avec des critères plus esthétiques n’est pas chose facile. Mes collègues se sont donc inclus dans le projet, en proposant des activités en rapport avec ce que nous réalisons en sciences de la vie et de la Terre.
Cette activité a été l’occasion d’accomplir un vrai travail de chercheur : faire le point sur les compétences, expérimenter, éventuellement échouer, critiquer entre pairs, améliorer son modèle et recommencer jusqu’à remplir les critères que l’on s’est fixés. Enfin, publier son travail, le voir éventuellement servir de point de départ pour d’autres. En effet, les séances s’étalant sur la semaine, les groupes d’autres classes sont allés consulter la chaine et se sont inspirés des travaux présents pour débuter le leur. Cela a été l’occasion de parler de la notion de plagiat en sciences et en art.
Julien Péaud
Professeur de SVT, académie de Limoges
Pour en savoir plus, une démo sur Youtube : https://youtu.be/EMPra2sFWRY