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Maths utiles, maths universelles, un faux débat (suivi d’un entretien avec Jean-Pierre Kahane)
Les mathématiques restent, dans les représentations du public, des parents, des élèves et même de beaucoup d’enseignants, une discipline qui pose problème. Dire qu’on l’enseigne provoque souvent chez les interlocuteurs la même réaction : « Tu sais, moi, les maths… » sur un ton qui évoque tant de souvenirs enthousiastes ou paralysants, encore pleins de l’émotion ressentie ! Il nous a semblé nécessaire de dépasser cette impression première, de montrer ce que l’on connaît moins de l’enseignement des maths, surtout si on n’est pas du métier : sa complexité et sa richesse. Les derniers dossiers des Cahiers pédagogiques sur ce sujet ont été, en 1991, le numéro 299, « Culture mathématique » et, en 1993, le 316 : « Français-mathématiques » (sans compter de nombreux autres articles [[Rapport accessible sur le site éduscol : www.eduscol.education.fr/D0015/LLPHAG03.htm ]]) ; leur contenu reste pour l’essentiel intéressant aujourd’hui. On ne peut donc pas dire que cette discipline soit négligée dans notre revue, mais nous avons voulu proposer un dossier consacré plus largement à l’actualité de l’enseignement des maths.
Aujourd’hui plus encore qu’il y a quelques années, l’argument le plus fréquent des élèves peu intéressés par les maths, et de beaucoup d’adultes aussi, est : « À quoi cela sert-il ? ». Cette question, Jean-Pierre Kahane la pose sous un titre un peu provocateur, en introduction du dossier. Une telle ouverture nous aide à entrer dans les différents thèmes qui suivront.
Dans la première partie, des témoignages, mais aussi des points de vue de chercheurs, (Jacques Nimier, Frédéric Laroche) nous font comprendre les spécificités du rapport aux mathématiques et la place qu’y tiennent l’imaginaire, les phénomènes psychologiques, relationnels, sociologiques.
Au-delà de l’affectif se pose le problème de l’abstraction qui est au centre des préoccupations des enseignants. Il ne s’agit pas seulement d’exposer des mots et des règles, il s’agit de faire s’approprier des concepts, de faire passer le « sens ». Depuis l’époque déjà ancienne des « maths modernes », de nombreux travaux épistémologiques et didactiques ont transformé l’enseignement des maths : on s’intéresse aux représentations des élèves, et on sait analyser la façon dont ils peuvent construire leurs connaissances. Les exemples variés donnés dans la partie 2 (Construire des concepts) montrent que l’élaboration du sens passe désormais par la résolution de problèmes et le débat. À travers les questions que peut poser l’apprentissage de la division, à travers les interrogations et les opinions différentes autour de la façon d’amener les enfants à « compter » (Rémi Brissiaud, Roland Charnay), nous comprenons que ce n’est pas si facile, au-delà de la formule, de « créer » le sens : accepterons-nous d’interroger là-dessus nos pratiques ? Pour clore cette partie, Yves Chevallard plaide justement pour une transformation en profondeur de l’enseignement des mathématiques, qui doit dire comment et pourquoi elles permettent de penser le réel.
Enfin, la troisième partie rassemble différents regards sur les pratiques quotidiennes. Les changements ne se réduisent pas, contrairement à ce que croient beaucoup, à la place prise par les nouvelles technologies. Aborder les notions de façon « expérimentale », mettre les élèves en situation de « recherche », relier l’enseignement à d’autres disciplines sont autant de voies nouvelles évoquées ici. Le problème des pratiques interdisciplinaires est très souvent soulevé par les enseignants, de l’école à la faculté. Le dossier « Français-mathématiques » faisait ressortir tout l’intérêt de travailler le lien entre ces deux disciplines ; des enseignants montrent ici comment on peut à la fois donner sens aux concepts mathématiques à travers des activités interdisciplinaires, et ne pas réduire les maths à une discipline de service.
On ne peut parler de pratiques interdisciplinaires sans revenir sur les nouveaux dispositifs (IDD, TPE) qui ces dernières années ont amené les enseignants sur des terrains inconnus. Trois articles décrivent et analysent des TPE associant maths et philosophie, physique, ou sciences de la vie et de la Terre.
Nous espérons que ce dossier, s’il ne prétend pas évoquer toutes les questions d’actualité, pourra montrer en quoi l’enseignement des mathématiques s’est renouvelé : sans cesser, comme par le passé, de viser à la formation de l’esprit, il retrouve leurs liens avec d’autres disciplines, et avec leur histoire.
Françoise Colsaët, professeur de mathématiques, lycée de Cavaillon.
Est-il bien utile d’enseigner les mathématiques ?
Entretien entre Jean-Pierre Kahane et Françoise Colsaët
Jean-Pierre Kahane a présidé la Commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques chargée par le ministre de l’Éducation de proposer des pistes pour faire évoluer l’enseignement de cette discipline1. Il a accepté de se demander avec nous pourquoi et comment enseigner les mathématiques aujourd’hui.
– Avant d’aborder la question des programmes et des modalités de l’enseignement, je voudrais vous poser une question un peu provocatrice : aujourd’hui, est-il bien utile d’enseigner les mathématiques, dont certains annoncent l’inéluctable déclin ?
– Pourquoi enseigner les mathématiques aux enfants ? Ils ont tant de choses à apprendre, qui toutes paraissent indispensables : lire, écrire, dessiner, courir, nager, chanter, consulter le Web, conduire la voiture, voyager, faire du sport, regarder la télévision, etc. Dans ces apprentissages l’école a un rôle inégal. Dans l’ensemble, on lui attribue les tâches les plus ingrates par exemple l’orthographe, ou la table de multiplication. Les mathématiques ont une image sévère. Ne pourrait-on pas s’en débarrasser ? Ou bien les réserver à quelques-uns, comme on le fait pour les langues mortes ? Il est légitime de se demander s’il est bien nécessaire d’apprendre les mathématiques. De toute façon, elles progressent, comme les autres sciences, à un rythme qui interdit leur assimilation par les individus et qui fait que l’on n’en saura jamais qu’une infime partie. Et les parties les plus fastidieuses, qui occupaient une grande place dans leur enseignement, sont maintenant prises en charge par les ordinateurs et les calculatrices.
Une revanche contre la tyrannie des maths…
– L’idée du déclin de l’enseignement des mathématiques est-elle séduisante pour certains ?
– L’annonce d’un déclin peut séduire une partie des élèves et de leurs parents ; depuis longtemps on parle de la tyrannie des mathématiques, de leur pouvoir sélectif, et on les assimile à un apprentissage de l’échec. De plus, l’organisation de ce déclin peut s’effectuer selon une certaine logique. D’un côté, tout ce qui est mécanique de calcul peut être laissé aux machines. De l’autre, le traitement intelligent et motivé peut être laissé aux utilisateurs. On ne disconviendra pas du fait que les mathématiques apparaissent partout, qu’elles sont utiles et même nécessaires, qu’il faut des mathématiques pour la physique bien sûr, pour l’architecture, pour l’économie, pour la gestion, pour la médecine, pour tous les métiers d’ingénieurs, etc. On ne dira donc pas que les mathématiques sont inutiles, au contraire. On dira que pour les faire comprendre et les faire apprécier, rien ne vaut de les faire enseigner par ceux-là même qui les utilisent. Ce sont donc les professeurs de mathématiques qui sont inutiles ; on pourrait, on devrait confier cet enseignement, au moment opportun, à ceux qui savent le rendre utile : les physiciens, les architectes, les économistes et les gestionnaires, les médecins, les ingénieurs, etc. Vive les mathématiques, mais à bas les professeurs de mathématiques, tel devrait être le programme de l’avenir.
– Que pensez-vous de cette argumentation ?
– Avant d’en prendre le contre-pied, je voudrais insister sur sa force. Nous ne sommes plus au temps, s’il a jamais existé, de la mathématique reine des sciences. Nous avons connu des illusions et des déboires dans l’enseignement des mathématiques pour tous. La vue même que nous avons de cette discipline comme science s’est profondément modifiée au cours des trente dernières années : actuellement, nous voyons les sciences mathématiques comme un immense système qui brasse des idées venant de toutes les sciences et de toutes les techniques, qui les distille et qui les élabore pour en faire des concepts et des théories mathématiques, et qui les transforme de telle façon qu’elles trouvent des applications très loin du champ qui leur a donné naissance. Ce qu’il y a de nouveau, c’est le retour aux origines : les mathématiques se nourrissant des autres sciences. Des physiciens et des informaticiens en premier lieu, et aussi des chimistes et des biologistes, des ingénieurs, des démographes, des économistes, des statisticiens dans tous les secteurs d’activité, et tous ceux qui contribuent à élaborer des modèles mathématiques, participent, pour une part de leur activité, à la construction et pas seulement à l’utilisation des sciences mathématiques. La place de celles-ci dans le monde contemporain tient pour une grande part à ces interactions.
Comment envisager l’apprentissage des mathématiques ?
– Ces évolutions induisent-elles nécessairement un changement dans l’enseignement ?
– Au temps où l’unité de la mathématique semblait reposer sur ses fondements, il pouvait être tentant de partir des fondements pour l’enseignement mathématique. Cela induisait une vue très structurée, dans laquelle la progression de l’élève était censée suivre exactement la démarche de l’exposé mathématique. Une idée est encore en vigueur : en mathématiques, on ne peut ni ne doit utiliser que ce que l’on a appris dans le cours de mathématiques. Or les enfants manipulent les nombres et les figures bien avant qu’on ne les enseigne à l’École. Le cours de mathématiques a pour but d’organiser les connaissances et non de toutes les introduire. Et cela vaut à toutes les étapes de la scolarité. Il est donc bienvenu que les notions mathématiques soient introduites dans d’autres cours, et il ne faut pas s’indigner si le professeur de mathématiques est devancé par d’autres.
– Si les sciences mathématiques n’appartiennent pas aux seuls mathématiciens, si d’autres qu’eux savent les enseigner, à leur manière, en relation avec leur utilisation, il ne faut donc pas s’accrocher à l’enseignement des mathématiques en tant que matière ?
– Il faut, bien entendu, et très fermement, enseigner les mathématiques ! Mais là, il est bon de prendre du recul, et de s’interroger sur les buts de l’enseignement en général. Parmi les rôles de l’école, il y a celui de préparer les enfants à l’avenir dans un monde qui connaîtra des problèmes importants, mais encore largement inconnus.
– Comment l’enseignement des mathématiques peut-il y contribuer ?
– Une première approche est celle de la vie civique. Il nous faut comprendre les règles de la vie en société, déchiffrer les informations, être capables de débattre des enjeux politiques. Or nous vivons déjà dans un monde numérisé. C’est au sens strict aussi bien qu’au sens figuré que nous devons déchiffrer les factures, les notices, les statistiques, les informations et les prévisions de toute nature. À côté de la langue naturelle, nous pratiquons, que nous le voulions ou non, la langue des chiffres. Or beaucoup de gens, même parmi les personnes instruites, la pratiquent mal, s’y sentent mal à l’aise et font des fautes. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent « innumeracy ». C’est un thème à la fois important et savoureux, lorsque l’on évoque les bourdes des journalistes dans l’interprétation des données chiffrées. En tout cas, il donne l’occasion aux élèves de lier l’éducation civique et l’apprentissage de l’esprit critique.
Une seconde approche est la préparation au métier, la formation professionnelle. C’est là, évidemment, que le lien avec les applications est le plus évident. C’est donc là, aussi, où l’enseignement des mathématiques risque d’être lié à la pratique au point de disparaître. En effet, il y a une double tentation : de la part des praticiens, d’assumer complètement l’enseignement des mathématiques qu’ils utilisent, et de la part des mathématiciens, de délaisser complètement ce secteur.
L’universalité des mathématiques
– Les évolutions des compétences nécessaires à la vie professionnelle ont-elles des conséquences sur l’enseignement des mathématiques ?
– Le travail humain sera dans l’avenir très différent, naturellement, du travail actuel, mais plus indispensable encore à la survie et au progrès de l’humanité. Dans quel sens se feront ces évolutions ? Nous ne le savons pas, mais nous connaissons les atouts principaux qu’ont les êtres humains pour évoluer à travers les changements de l’environnement : la curiosité, qui amène à comprendre ce qui se passe, l’ingéniosité, pour construire des outils, et la capacité à transmettre les connaissances et les techniques aux nouvelles générations. C’est dire l’importance à venir de la recherche scientifique et technique tous azimuts, et de l’enseignement.
La recherche et l’enseignement doivent donc viser large. Nous l’avons déjà dit, les sciences progressent à un rythme qui les rend inaccessibles dans leur ensemble à quelque individu que ce soit. La transmission de la culture impose donc des enseignements différenciés, à un nombre croissant d’étudiants. Comment choisir ce qui doit être enseigné à tous ? C’est là que nous commençons à avoir une réponse de fond à la question de l’utilité des mathématiques et de leur enseignement.
L’utilité des autres sciences se mesure par leur prise sur un champ de la réalité. La biologie est la science du vivant, la physique celle de la nature inanimée, l’astronomie celle des astres, etc. Les mathématiques ne se réfèrent pas directement à un champ de la réalité. Elles opèrent sur des abstractions déjà constituées, elles les malaxent et les triturent pour en extraire des méthodes et des principes généraux qui en garantissent l’usage, indépendamment du domaine où on les applique. La spécificité des mathématiques dans l’ensemble des sciences, c’est cette non-spécificité à l’égard de la réalité extérieure. C’est la nature des mathématiques : on ne peut pas dire à quoi elles s’appliquent parce qu’elles viennent de partout et sont susceptibles de s’investir partout ; mais elles sont constituées par des enchaînements conceptuels et logiques dont la validité est universelle.
– Les mathématiques sont donc la science de l’abstraction ?
– Les objets mathématiques sont abstraits, mais ce n’est pas là leur caractère distinctif : toutes les sciences élaborent des abstractions. Les objets mathématiques sont généraux, sans usage défini : le triangle n’est certainement pas plus abstrait que le quark, que personne n’a jamais vu. Mais le triangle, depuis l’Antiquité, traverse les âges en variant ses aspects et ses usages, depuis la mesure des champs et le percement des tunnels jusqu’à la géométrie hyperbolique en passant par la géodésie terrestre et la mesure des distances spatiales, tandis que le quark est lié de façon exclusive à la physique des particules élémentaires. Ce que je viens de dire des triangles vaut aussi bien pour les nombres, les groupes, les probabilités, etc. Les sciences mathématiques élaborent et enchaînent des notions essentiellement polysémiques. C’est pourquoi elles s’appliquent si souvent de manière spectaculaire à des domaines nouveaux, ce que le physicien Wigner appelait l’efficacité déraisonnable des mathématiques dans les sciences de la nature. Cette efficacité n’est pas si déraisonnable : c’est justement l’efficacité de la raison humaine dans l’exploration du réel. Ici apparaît le double aspect des mathématiques : leur interaction avec les autres sciences et la solidité de ce qu’elles en extraient comme méthodes rationnelles.
Cela peut nous inspirer dans l’enseignement des mathématiques à tous les niveaux. D’un côté, elles sont liées à toutes les connaissances et pratiques humaines, par leur origine et leurs applications. De l’autre, elles ont élaboré et continuent à élaborer des outils de pensée généraux, qui peuvent apparaître comme de purs produits de la raison humaine, et qui en manifestent en tout cas la puissance. C’est les appauvrir que de ne les rattacher qu’à un domaine de la connaissance ou de la pratique, et c’est aussi les appauvrir que n’en faire qu’un jeu de l’esprit.
– Ne peut-on dire cependant que l’essentiel, dans l’apprentissage des mathématiques, c’est la formation de l’esprit ?
– Les collègues physiciens, biologistes, informaticiens, économistes nous le disent tous : ce qui les intéresse d’abord dans la formation mathématique, c’est la démarche. Les mathématiques ont une façon originale d’enchaîner définitions, hypothèses, conclusions, théorèmes et démonstrations. La validité d’un énoncé, avant d’être établie par une démonstration, peut être devinée, illustrée, testée sur des exemples ; mais, en fin de compte, c’est sur une démonstration qu’elle repose. Le raisonnement mathématique ne s’y réduit certes pas : il intègre la recherche d’exemples et de contre-exemples, l’utilisation de cas particuliers, d’analogies, de généralisations, l’appel aux théories connues, la découverte, quand il se peut, du cadre naturel où se pose une question, et il offre un champ très vaste à l’imagination.
Mais c’est la démonstration qui joue le rôle, en mathématiques, de l’expérience cruciale dans les disciplines expérimentales. Un objectif raisonnable de l’enseignement des mathématiques est qu’au terme des études les élèves aient une bonne idée de ce qu’est une démonstration mathématique. Comme on le sait bien, cet objectif est loin d’être atteint actuellement.
– Pour cela, quelles devraient être les compétences du professeur de mathématiques ?
– Le professeur devrait avoir la vision la plus étendue possible, je dis bien étendue et pas nécessairement profonde, de toutes les notions mathématiques qu’il est amené à enseigner.
Il peut les lier à leur histoire, et celle-ci à l’histoire universelle. Il peut s’attacher à leur impact dans les arts, la peinture ou la musique. Il peut regarder comment elles interviennent dans la pratique, dans la vie courante, dans les autres matières scolaires : géographie, technologie, enseignement civique, etc. Il doit avoir le moyen d’élargir sa vision des mathématiques, de saisir au moins en grandes lignes leur mouvement historique et leurs tendances actuelles. En d’autres termes, il faut que le professeur soit porteur d’une culture qui dépasse ce qu’il a à enseigner.
Cette exigence de culture répond à un besoin très souvent exprimé et ressenti. C’est la voie par laquelle, sans même le vouloir, le professeur de mathématiques apparaît aux élèves comme un véritable être humain, porteur d’une partie de la culture universelle. C’est aussi la voie par laquelle il se prépare à des changements de programmes, et à intervenir dans ces changements. L’enseignement des mathématiques doit être à la fois solide et plastique, à l’image des mathématiques elles-mêmes. Il serait bon de le concevoir en perpétuelle interrogation sur lui-même. Je le crois solide et beau, indispensable à l’humanité présente et à venir, et de ce fait intéressant tout le monde. Il évoluera comme toute chose humaine, et il est passionnant d’envisager les directions possibles pour cette évolution. Ce devrait être, typiquement, l’objet d’un débat démocratique impliquant l’ensemble des citoyens. Mais c’est à nous, comme mathématiciens et enseignants de mathématiques, de prendre les devants et d’en présenter les problèmes et les enjeux.
Jean-Pierre Kahane, membre de l’académie des sciences.