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Maîtriser l’écrit en classe de français. Des cercles de lecture aux cercles d’écriture au collège

Hélène Guillerme, Jean-Claude Meyer et Agnès Surgey, Chroniques sociales, 2022

Qui a déjà testé des cercles de lecture dans sa classe sait à quel point ce type de dispositif est fécond tant dans la construction du sujet-lecteur que dans les interactions sociales qu’il génère. Mais qui a déjà testé ce type de dispositif sait aussi qu’il est parfois complexe à animer et à exploiter pour que de nouveaux savoirs se stabilisent dans l’esprit des élèves.

Ces obstacles plus ou moins levés, on se prend naturellement à rêver à un prolongement de ce type de cercle dans le domaine de l’écriture, convaincu de l’interdépendance entre sujet-lecteur et sujet-scripteur. Comment faire alors ? C’est ici tout le propos et l’intérêt de cet ouvrage. Comment lier les cercles de lecture et d’écriture pour que les compétences ou les opérations propres à chacun de ces domaines s’enrichissent conjointement ? Comment créer des situations de lecture et d’écriture authentiques, engageantes tout en maintenant un haut degré d’exigence tant dans leur réalisation que dans leur évaluation ? Les auteurs de cet ouvrage répondent à ces questions en proposant un dispositif en plusieurs étapes, qui n’est pas sans rappeler les simulations globales développées par Francis Debyser dans les années 70.

Il s’agit tout d’abord de s’appuyer sur des cercles de lecture pour développer progressivement chez les élèves une posture fondatrice : l’élaboration d’hypothèses de lecture. Ce faisant, les élèves, sujets-lecteurs, sont amenés à distinguer plusieurs opérations : décrire/interpréter, puis rendre compte d’une hypothèse. De nombreux exemples concrets ( activités, supports, travaux d’élèves) sont donnés. Nous avons retenu notamment l’excellente fiche de synthèse des débats interprétatifs. Au cours de la rédaction des carnets de lecteur, puis à la fin des cercles de lecture, la classe note ainsi les idées soumises à la discussion selon quatre axes :  l’œuvre et moi , l’œuvre et le monde , l’œuvre et le travail de l’écrivain, l’œuvre et ses échos culturels.

Ensuite les cercles d’écriture peuvent être mis en place. Comme dans un jeu de rôle, chaque élève est invité à endosser le rôle d’un écrivain fictif. Ainsi une distance se crée entre le sujet-scripteur et la personne de l’élève, une distance à même de faciliter une plus grande réflexivité.

A chacun donc de se choisir un nom, une identité, un livre qu’il aurait pu écrire. Les écrivains fictifs comparent ensuite leurs habitudes d’écriture et leurs représentations de l’acte d’écrire avec celles de leurs camarades. De cette manière, leurs propres styles se dessinent peu à peu. Les quatre axes : l’œuvre et le monde, l’œuvre et moi, l’œuvre et ses échos culturels, l’œuvre et le travail de l’écrivain, les guident habilement dans les discussions.

Chacun part ensuite à la rencontre de ses futurs lecteurs, ses camarades, afin de recueillir leurs souhaits : quels thèmes, quel cadre spatio-temporel, quels personnages, quels registres les intéresseraient ? Une occasion idéale pour que les élèves abordent de manière authentique ces dimensions clés des textes littéraires.

La fiche de commande en main, le travail d’écriture peut commencer. Des va-et-vient entre lecteurs et auteurs sont organisés régulièrement pour faciliter la réécriture et le regard réflexif sur le texte qu’ils écrivent ou lisent. L’objectif est de «  récolter les avis de ses pairs pour comprendre comment le texte provoque des réactions, des désaccords, des débats. […] Il peut porter sur la correction de la langue bien sûr, mais aussi sur la transmission du sens, avec l’idée que le texte s’adresse avant tout à quelqu’un. » Bien sûr, la version définitive du texte est offerte au lecteur.

Toutes ces médiations poursuivent un même objectif : « permettre à l’élève-scripteur de devenir conscient des ressources et des processus qu’il mobilise dans son acte d’écrire ». Il s’agit bien d’œuvrer pour que tous les élèves « s’engagent véritablement dans et par l’apprentissage », qu’ils actionnement pour cela des démarches collaboratives et coopératives, et qu’enfin la métacognition et l’évaluation formative soient placés au cœur des séquences didactiques.

Mais l’intérêt de cet ouvrage ne se limite pas à la présentation précise et concrète de dispositifs originaux.

Si dans la première partie les auteurs explicitent leurs choix didactiques et pédagogiques, c’est aussi l’occasion pour eux de rappeler les définitions de concepts clés plus généraux touchant à l’évaluation, à l’approche par compétences, à la coopération entre pairs, aux didactiques de la lecture, de l’écriture.

En somme un livre complet qui montre comment concrètement les enseignants du second degré peuvent lier de manière authentique, coopérative et exigeante, l’enseignement de la lecture et de l’écriture.

Aurélie Guillaume