« Lettre à mon futur moi » : les élèves se conseillent

Rien ne sert de prodiguer des conseils à la classe : ils ne sont point écoutés. À moins que… Eurêka ! En fin d’année scolaire, cet enseignant de SVT a demandé aux élèves de terminale suivant sa spécialité d’écrire leurs propres conseils à leur « je » de septembre dernier. Les véritables destinataires : leurs pairs en première.

« Je vous conseille de travailler régulièrement. » « N’hésitez pas à poser des questions. » « Rangez bien vos cours chez vous. » Mes conseils résonnent dans la salle de classe dès le premier jour de l’année scolaire. Quoi de plus normal que de donner des conseils aux élèves pour les aider à progresser.

Pourtant, le constat est souvent le même : ils se perdent dans des oreilles sourdes. C’est frustrant, épuisant et inopérant. Dès lors, comment faire pour optimiser la transmission des conseils ?

Pour expliquer l’inefficience des conseils adressés à la classe, deux hypothèses se profilent. D’une part, les conseils venus des pairs sont sans doute bien mieux audibles que ceux adressés par la figure lointaine du professeur. D’autre part, on peut raisonnablement postuler que des conseils personnalisés qui s’adressent à un seul élève sont davantage pris en compte que ceux à destination du collectif.

Une perspective de travail peut aider à tester ces deux hypothèses de manière simultanée. Il ne s’agit plus de considérer le collectif classe comme le récepteur des conseils, mais bel et bien d’organiser des conditions pour qu’il en soit l’émetteur aux oreilles singulières de chaque élève. À peine l’idée surgit-elle que déjà un rappel se fait entendre : « Une belle intention, mais qui nécessite encore de prendre du temps au détriment de l’étude des programmes ! » Pas si sûr…

En entrant dans la classe en ce mois de juin, mes élèves de terminale spécialité SVT trouvent une enveloppe sur leur paillasse. À l’intérieur, une feuille blanche. La consigne suivante est donnée à l’oral : « Écrivez une lettre à votre “vous” du mois de septembre dernier pour lui donner des conseils sur l’année scolaire qui arrive. » Les élèves restent figés. Je précise que ces lettres seront remises à leurs successeurs dès la rentrée prochaine.

Après la surprise, les élèves se lancent avec intérêt dans la tâche. Pour éviter des conseils trop généralistes et désincarnés, je rajoute qu’il est important de ne pas écrire à un élève « lambda » de terminale mais bien à eux-mêmes.

Après une quinzaine de minutes, je ramasse les enveloppes et on passe à autre chose. À la fin du cours, je range les enveloppes dans le placard. Elles sont décorées. C’est un détail qui ne trompe pas : les élèves se sont impliqués dans cette activité avec motivation et sérieux. Pour écrire cet article, j’ai dérogé à la règle en ouvrant certaines enveloppes. La lecture de quelques lettres d’élèves dévoilent des conseils convergents :

• des conseils sur l’organisation du travail personnel : « En vrai moi je n’arrive pas trop à travailler tous les soirs, pour la spé je te conseille de prendre 1h le mercredi après-midi et 3h à la suite le samedi ou le dimanche. »
• des conseils sur des techniques de révision : « Le plus important c’est de faire de faire des schémas qui résument tout, et aussi de faire un tableau avec des arguments que tu apprends pour chaque chapitre. »
• des conseils pour s’adapter au professeur : « Tu verras M. Reynaud parle vite quand il est en mode cours mais ses livrets de cours sont utiles. »
• des conseils sur l’orientation : « Perso moi je vais en médecine, si tu as besoin pour Parcoursup ou pour comprendre la différence entre LAS et PASS (moi j’ai trop galéré), hésite pas à m’écrire [adresse mail]. »

Comme convenu, je conserve ces lettres pour les remettre aux futures élèves de spécialité SVT terminale en septembre prochain. Nous verrons bien les retours que provoquent les lectures.

Pour l’heure, je me surprends à penser que l’écriture provoque aussi quelque chose chez les élèves d’aujourd’hui. C’est un peu comme si émettre un conseil était finalement aussi nécessaire que de l’entendre. J’ai donc demandé leur avis aux élèves, à découvrir sur le blog Feydercoop des classes coopératives de notre lycée : « Des lettres pour les futurs spécialistes ».

Cette activité de « courrier-conseil » peut sans doute être proposée juste après une évaluation pour donner les enveloppes l’année suivante au début du chapitre correspondant. Je testerai l’année prochaine.

Rendez-vous en septembre pour un retour sur l’ouverture des lettres !

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