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Les raisons d’un nouveau dossier (éditorial du dossier 1 : Cette fameuse motivation)

« Comment motiver efficacement les élèves ? » : cette question est arrivée en tête parmi toutes celles du débat national sur l’école de 2004. Comment interpréter ce classement ? Que nous dit-il sur l’état actuel de la réflexion sur le système scolaire ?
On peut bien sûr en faire une lecture optimiste. Il est bon de se demander comment l’école peut donner davantage de « raisons d’apprendre » aux élèves, comment les enseignants doivent s’y prendre pour les faire travailler, condition de la réussite. Il est intéressant de voir implicitement affirmer que la motivation n’est pas donnée d’avance, qu’il faut la construire et (puisqu’on se pose la question du comment) qu’il est possible d’y parvenir si on s’en donne les moyens. Nous voilà loin des mouvements de menton autoritaristes et des affirmations péremptoires qui ignorent le doute et nient la difficulté de mettre réellement chacun au travail.
On peut aussi faire une lecture moins réjouissante : la motivation, concept mou qui dispense de penser… Par ce terme, on psychologise des problèmes qui relèvent en réalité des contenus d’enseignement ou des conditions sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrivent les apprentissages. N’en reste-t-on pas à la superficie des choses en voulant chercher, tel un Graal, cette « fameuse motivation » (d’où la teinte d’ironie du titre de ce dossier) ? D’autant que si les élèves ne la rencontrent pas, on pourrait vite renoncer et décréter qu’on ne peut rien faire, du moment qu’ils ne sont pas motivés. Ajoutons qu’on risque d’oublier, en se posant la question du déclenchement de la motivation, que l’essentiel est de la faire durer ! Allumer la flamme, certes, mais comment l’entretenir, éviter qu’elle s’éteigne devant l’austérité des savoirs, les contraintes de la durée, l’absence de bénéfice immédiat… Parmi d’autres, Françoise Clerc rappelle ici avec force les limites de cette notion et les ambiguïtés de son succès.
Ces réserves faites, reste le souci quotidien des enseignants que les élèves travaillent et aient envie d’apprendre. Qui, dans sa classe, ne se pose cette question ? C’est bien pour proposer quelques pistes de réponses que nous avons mis en chantier ce numéro des Cahiers qui se veut d’abord pratique et utile.
En 1992, nous avions déjà publié sur le sujet un dossier épuisé rapidement, puis, quelques années plus tard, un hors série qui en reprenait plusieurs articles, lui aussi assez vite épuisé. Bien avant le succès du thème lors de la consultation nationale, nous avions décidé de revenir sur le sujet pour faire état des recherches récentes et rendre compte de multiples expériences vécues dans des classes, de la maternelle au lycée (en incluant largement le lycée professionnel).

Notre dossier comprend cinq grandes parties :
Un état des lieux théorique, présentant déjà des outils et des pistes de réflexion indispensables, avec le regard de spécialistes.
Une première série de réponses autour de la pédagogie de projet, manière de stimuler les élèves et de travailler le sens des apprentissages.
Une présentation de manières « différentes » de travailler qui permettent un développement de la créativité et qui sollicitent l’imagination pédagogique, source de motivation… aussi pour les enseignants.
Une partie spéciale sur les nouvelles technologies. On n’y trouvera cependant pas de réponse simple à la question : « l’ordinateur motive-t-il ? ».
Une dernière partie rassemble tout ce qui va dans le sens de la « restauration de l’estime de soi » et concerne notamment les élèves ayant décroché ou risquant de décrocher.
André Giordan, en final, nous propose une mise en perspective de la question au-delà du court terme, en interrogeant le fonctionnement des classes et de l’école.

On le verra aisément : le sujet est multiple. « La » motivation (mais ne faut-il pas utiliser le pluriel ?) est liée à la différenciation pédagogique, à la gestion de l’hétérogénéité, à l’école plurielle. Il s’agit de stimuler les uns, ceux qui trouvent tout « nul », de valoriser ceux qui se croient « nuls », de donner de la sécurité aux autres, de mettre en place des évaluations à la fois réalistes et motivantes (un dossier est en préparation sur ce sujet), de s’appuyer tantôt sur ce qui est familier, tantôt sur l’inconnu qui amène vers de nouveaux rivages, de ne pas oublier les facteurs externes (l’environnement de l’école, les copains, la famille) tout en travaillant d’abord la motivation dite « intrinsèque » (quand croire dans sa réussite fait réussir, quand se sentir acteur accroît le sentiment de maîtrise…). Alors, la question de la motivation ne se réduit plus à la recherche de techniques miracles ; elle met en jeu tout le sens de l’activité scolaire. Mais que cette complexité ne nous décourage pas : on peut commencer par agir sur un des multiples leviers que propose ce dossier… le reste suit !
Le dossier n’est pas clos, il est rouvert en permanence dans chaque numéro des Cahiers.

Jean-Michel Zakhartchouk