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Les pédagogies Freinet
Pour ceux qui s’intéressent au monde de la pédagogie scolaire, le titre est déjà une surprise. Je peux comprendre la question « qu’est que LA pédagogie Freinet ? » mais parler DES pédagogies Freinet est-ce seulement possible ? Les auteurs n’étant ni des iconoclastes, ni des débutants en termes de pédagogie je me suis demandé quel était le projet de ce livre. On le découvre dès l’introduction, il s’agit de définir une pédagogie Freinet loin de « la sclérose dogmatique qui avait frappé tant d’autres pédagogies à la mort de leurs fondateurs » p.14. Très souvent, dans les discours autour la coopération à l’école et d’autres pédagogies, ce préambule est énoncé : « il ne s’agit pas d’une méthode, le tâtonnement est nécessaire » mais on nous promet le paradis ou l’enfer en conséquence. Cela veut-il dire que l’on peut faire n’importe quoi ? C’est l’objet de cet ouvrage : Evoquer la diversité des pratiques autour d’un état d’esprit, d’intentions.
C’est un livre de théorie, d’histoire et de pratiques pédagogiques. La théorie et l’histoire soutiennent le projet, cernent les contours de l’état d’esprit. Les descriptions de pratiques de classes de primaire et de secondaire le concrétisent. J’ai particulièrement apprécié la mise en dialogue des classes des 4 enseignants. Ces présentations explicitent le souci de cohérence entre les intentions et les mises en pratiques de classes du primaire et du secondaire. Elles sont regroupées pour illustrer des thèmes qui dessinent les contours de cet état d’esprit qui caractérise les pédagogies Freinet.
Je reste impressionné par le soin extrême que l’on sent de la part d’Isabelle Huchard à laisser du temps et de la place aux élèves pour qu’émerge des sujets en cycle 1, par l’inventivité de Bernadette Guienne qui adapte ses outils pour les apprentissages du secondaire en prenant soin de laisser aux élèves la possibilité de dire qui ils sont. Chez Isabelle Quimbetz, le poids des détails ciselés par les temps et les remises en cause élaborent un récit dense où l’enseignant-lecteur qui voudrait s’en inspirer aura, pour sa classe, une feuille de route pour les 5 ans à venir au moins. Pour la classe de Bruce, je m’attendais à en apprendre le moins car il est celui qui a le plus mutualisé ses pratiques au travers de son blog pédagogique et pourtant, cet arrangement d’écriture met en lumière d’autres aspects. Il permet de se rendre compte de la remise en cause permanente du fonctionnement de sa classe dans le moindre détail ; je recommande entre autres le passage sur les ceintures de « responsabilités » – très éclairant.
Ces quatre enseignants sont auteurs de leurs classes ; ces témoignages, regroupés en trois chapitres ou se croisent les pratiques des uns et des autres, en autoriseront certainement d’autres à l’être. Alors merci à la pédagogie Huchard, Guienne, Quimbetz et Demauge-Bost.
Cet ouvrage pourrait être un pavé dans la marre pour certains adeptes de méthodes. Je veux croire qu’il ne l’est pas. Il peut constituer une carte générale, un cadrage à destination d’enseignants qui osent ou continuent à explorer une pédagogie coopérative dans leurs classes, la leur, forcément !
Pierre Cieutat