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Les enseignants au travail, routines incertaines

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Voilà un ouvrage sérieux, rigoureux, d’une sociologue qui connaît particulièrement bien le fameux « terrain » dont on nous parle tant aujourd’hui. Anne Barrère a été professeur de lycée et a tiré parti de sa connaissance profonde du milieu pour mener cette enquête avant tout qualitative sur le travail des enseignants du secondaire.

Voilà un livre mesuré, loin de toute complaisance pour le dolorisme (« ces pauvres enseignants ») mais aussi de la suffisance qui guette le sociologue qui analyse les comportements enseignants. Anne Barrère cite ses interlocuteurs (des enseignants pris au hasard mais aussi des collègues qu’elle connaît personnellement) et met à plat le quotidien des professeurs, les tâches qu’ils doivent accomplir, et qui ont tendance à s’élargir (ce qui ne signifie pas forcément s’alourdir). Un quotidien qui peut être rose, gris ou noir, selon les individus, selon les établissements, mais plus simplement selon les années, les classes ou les périodes.

Voilà un livre vivant, toujours intéressant à lire, car la théorie, les références aux études et recherches classiques sont toujours citées à bon escient, sans pédantisme. L’auteur maîtrise bien le sujet et se montre donc bonne pédagogue.

Selon la connaissance que l’on a du métier, on pourra à certains moments surtout se retrouver (l’effet Bourrel dont parle Meirieu : « bon sang, mais c’est bien sûr ! »), à d’autres apprendre comment d’autres font (parfois « comme nous », parfois différemment), ou encore prendre plaisir à lire de belles histoires (ou frémir devant le récit de certaines situations difficiles). Les préparations de cours, la correction des copies, les sanctions, le travail avec les collègues, la façon de faire cours : les grands aspects du travail des enseignants sont passés au crible. Parmi les diverses analyses que l’on peut trouver dans le livre, j’ai noté en particulier :
– L’idée que les changements de programme ne sont pas forcément mal reçus, ils obligent l’enseignant à se renouveler, à rompre avec l’ennui du cours toujours refait et à refaire ;
– L’intérêt que trouvent notamment les jeunes enseignants à aborder des points du programme qu’ils découvrent en même temps que leurs élèves (telle période historique par exemple, qu’ils n’ont guère étudié à la fac) ;
– L’acceptation, bien plus grande qu’on ne le croit, d’un rôle éducatif pour l’enseignant, aussi importante hors ZEP qu’en ZEP ;
– Les appréciations différentes sur la notion de « respect » si importante dans les représentations des élèves, les fluctuations sur ce qui est admissible ou inadmissible ;
– La relativisation que doit avoir le fameux discours antipédagogie de certains : les enseignants savent bien que la « pédagogie » est essentielle, décisive…
– La faible place qu’occupent dans les pratiques la « différenciation » et la domination du cours dialogué, beaucoup plus proche du cours magistral que ce qu’en disent d’abord les enseignants interrogés. Mais ça, on le savait…

Bien d’autres points encore ressortent de ces presque 300 pages qui sont à conseiller en particulier aux formateurs d’enseignants.

Jean-Michel Zakhartchouk


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