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L’empathie : un atout face aux difficultés comportementales des élèves

Une enseignante en élémentaire partage des expériences sur un sujet souvent au cœur des préoccupations dès la maternelle : accueillir des élèves présentant des difficultés comportementales.

J’avais vécu cette situation plusieurs fois, avec des élèves dont les difficultés d’adaptation ont un impact important dans la socialisation et les apprentissages. J’avais déjà été confrontée à de multiples comportements, tels que claquer les portes, cracher, hurler, se rouler par terre, se sauver, taper, insulter.

Cette année-là, je rencontrai un nouvel élève. Son temps d’autonomie était restreint et il ne supportait ni les traces écrites, ni les échecs. Face à ses frustrations, il jetait ses affaires, tapait violemment avec ses pieds, crachait, arrachait ses cahiers, gribouillait sa table à en casser son crayon de bois. Il hurlait également et voulait sortir de la classe. Je devais me montrer patiente et ne pas entrer davantage en confrontation avec lui : attendre pour discuter devenait la meilleure solution sans trop insister sur le comportement négatif. J’essayais de lui montrer qu’il était capable de réparer ses erreurs : ranger ses affaires, laver ce qui avait été sali, ramasser ce qu’il avait jeté, rescotcher ce qui était arraché. Cette réparation le rassurait.

De la force et des doutes

Accueillir cet enfant relevait du défi car les progrès concerneraient le savoir-vivre, le savoir-être et le savoir-faire. J’avais bien conscience que j’évoluerais aussi grâce à lui. C’était comme ressentir de la puissance et se découvrir une force. Mais c’était aussi faire face à des moments de doute et de solitude.

Différentes lectures se profilaient alors pour moi comme La discipline positive dans la classe, de Jane Nelsen, Lynn Lott et Stephen Glenn (Éditions du Toucan, 2018) ou 50 activités bienveillantes pour apprendre la communication non violente, de Fanny Rondelet et Isabelle Capy (Larousse, 2020), des méthodes s’appuyant sur le contrôle cérébral. Peu à peu, je prenais conscience qu’ajuster ma pédagogie et ma didactique serait peut-être insuffisant. Reconnaitre qu’il existe une différenciation spécifique dans la gestion du comportement était déjà une étape importante. La question était de savoir comment la rendre efficace.

J’ai mis en place différentes adaptations : lui accorder des temps de repos, l’aider à exprimer ses émotions, passer par des jeux éducatifs, s’intéresser à ses centres d’intérêt, percevoir l’élément déclencheur des crises pour parfois anticiper, varier les supports pour des phases d’apprentissage très courtes. Le plus important étant d’être là pour lui et de lui faire savoir.

Avec tous les élèves

« Pourquoi n’est-il pas puni ? Pourquoi les adultes passent autant de temps à discuter avec lui ? Pourquoi a-t-il le droit de sortir de la classe ? » Ce genre de questions traverse l’esprit des autres élèves, qui parfois vivent la situation comme une injustice. Alors, mettre l’accent sur la réparation et amener le groupe classe à réparer avec lui afin que tous se sentent valorisés pouvait être une solution. Il restait essentiel de veiller au bienêtre des autres élèves : en les félicitant pour leurs idées, leur patience, leur empathie ; en les responsabilisant ; en accueillant leurs ressentis, en sollicitant leur aide.

De multiples discussions et débats au sein de la classe permettaient de légitimer mon attitude envers l’élève et de laisser chacun s’exprimer dans le but de rassurer. L’entraide, l’écoute, les discussions, l’explicitation, l’empathie, la bienveillance existaient au cœur du climat de classe. Nous serions une équipe et nous avancerions ensemble.

Les rechutes ne sont pas des défaites

Qu’en retirer ? Au cours des années, j’ai appris à accepter que rien n’est magique ni acquis, que tout est adaptable, évolutif. J’ai noté aussi qu’il était important de chercher à ce que tout soit compris par l’élève et le plus possible construit par lui-même. L’élève apprend à faire confiance, il sait qu’il n’est pas seul sur ce chemin long et tumultueux.

Il me semble essentiel de garder la conviction que l’enfant évolue, même s’il continue de vivre des périodes troublées qui font naitre cette sensation frustrante et culpabilisante que « tout est perdu ». Pourtant, ces rechutes ne sont pas des défaites, elles représentent juste la souffrance de l’enfant. Non, il ne régresse pas.

Je sais aussi que continuer de garder son calme est une grande qualité, car, comme le dit Joyce Meyer, « la patience n’est pas la capacité d’attendre, mais la capacité à maintenir une attitude positive pendant que vous attendez ». Chaque enseignant aura à trouver sa propre ligne de conduite qui corresponde à sa personnalité sans se mettre à trop douter de lui-même si son ou sa collègue ne procède pas de la même manière.

Avancer à tâtons

Et dans les périodes où l’on ne sait plus, où les idées fusent et puis vacillent, se souvenir que c’est toujours ainsi : certaines fonctionneront, d’autres moins et d’autres encore ne fonctionneront plus. On s’adapte, on observe, on analyse et on avance à tâtons en acceptant que les jours ne se ressemblent pas.

Je retiens pour finir que ces enfants méritent avant tout d’être valorisés : ils ont besoin d’un regard positif car ils sont capables du meilleur, tout en étant conscients que vous pouvez être témoin du pire. Ce qui est valorisant pour eux l’est aussi pour l’adulte : il n’existe pas de petites victoires car toutes ont une importance majeure dans son évolution et dans ce qu’un enseignant apprend lui aussi au quotidien à ses côtés.

Angélique Capron
Professeure des écoles dans le Nord